Focus sur “Police”, un film d’Anne Fontaine adapté du roman éponyme signé Hugo Boris

Une fois n’est pas coutume mes petits Bookinautes chéris : c’est bel et bien de cinéma dont je m’apprête à vous parler aujourd’hui ! Pour tout vous dire, j’aurais même dû vous en parler depuis plusieurs mois, pour avoir eu la chance d’assister à une avant-première… Le 19 février ! Mes petits Bookinautes adorés, laissez-moi donc vous présenter “Police“, un film réalisé par Anne Fontaine, avec Virginie Efira, Omar Sy, Grégory Gadebois et Payman Maadi, adapté du roman éponyme signé Hugo Boris, paru en 2016 aux éditions Grasset et désormais disponible aux éditions Pocket… Oui, je suis et reste une lectrice passionnée !


Police“, c’est l’histoire d’une mission particulière confiée un soir à trois policiers d’un commissariat de quartier : Celle de la reconduite d’un réfugié Tadjik, dont on a rejeté la demande d’asile, jusqu’à l’aéroport de Roissy pour le renvoyer dans son pays… L’histoire de trois être humains qui en envoie peut-être un autre vers une mort certaine, selon les éléments fournis par ce dernier aux autorités… Vous l’aurez donc compris mes Bookinautes chéris, “Police” soulève donc un problème d’ordre moral tout en abordant les délicats sujets du sort des migrants et du quotidien des policiers.


Déjà brillamment traités, non sans émotions mais avec pudeur, justesse et subtilité, par Hugo Boris dans son remarquable roman éponyme que j’avais eu la chance de lire à sa sortie et dont vous pourrez retrouver la chronique ICI, la réalisatrice Anne Fontaine se les réapproprie pour en livrer une adaptation plus libre et personnelle dans sa structure comme dans son dénouement… Une interprétation plus intime, sans doute plus sociale, plus sensible… Et peut-être plus porteuse d’espoir aussi…


Une adaptation remarquablement portée sur grand écran par quatre acteurs de grand talent qui incarnent ces rôles à la perfection. Avant de partir en mission avec eux, la réalisatrice a pris le parti de nous présenter ces policiers en les replaçant dans leur quotidien, nous rappelant ainsi qu’avant d’être flics, ils n’en demeurent pas moins des hommes et des femmes comme les autres, avec leur routine, leurs failles et leurs problèmes.
Ce n’est qu’une fois qu’on a pu les cerner qu’on monte à bord du même véhicule pour conduire notre immigré dans l’avion. Dès lors le film se fait plus sombre, à l’image de cette longue nuit qui ne fait que commencer… La tension se fait plus palpable, l’enveloppe s’ouvre, les révélations sur le sort probable du réfugié éclate dans l’habitacle… Les points de vue s’affrontent et le doute s’installe : Obéir aux ordres ou suivre sa morale ? Que ferions-nous à leur place..?
Déjà judicieusement croqués par Hugo Boris dans son roman, les quatre acteurs qu’a choisi Anne Fontaine pour son casting rendent ces personnages d’autant plus forts, complexes et touchants. Si Virginie Efira (Virginie) est incontestablement la plus émouvante tandis qu’elle est en proie à ses doutes, ses convictions et ses fragilités, Omar Sy (Aristide) se révèle particulièrement brillant de sérieux et d’humanité dans ce rôle qui ne le verra pourtant jamais sourire. On retiendra encore l’interprétation magistrale de Grégory Gadebois (Erik) dont la rigueur exemplaire couvre un profond mal-être mais ne l’empêche pas d’envisager une tache à son dossier quand il s’agit d’être juste. Mention spéciale enfin pour Payman Maadi (Tohirov) qui ne prononcera pas le moindre mot dans notre langue qu’il ne comprend pas et dont on ressentira pourtant l’incompréhension et l’extrême détresse dans le moindre regard et jusque dans sa gestuelle.


Si je n’ai pas eu l’opportunité d’interroger l’équipe du film, notamment Anne Fontaine et Virginie Efira, d’autres l’ont fait à ma place, aussi je vous laisse découvrir leurs réponses à deux questions que je souhaitais leur poser. Mais la lectrice passionnée que je suis n’aurait pas pu rédiger un tel article sans interviewer l’auteur du roman dont ce film est tiré, ce que j’ai eu la chance de faire, j’en profite d’ailleurs pour remercier très chaleureusement Hugo Boris de s’être prêté à ce petit exercice dont vous trouverez également les réponses ci-dessous…


Votre roman “Police” aborde des thématiques fortes et profondément humaines : qu’est-ce qui vous a poussé à écrire à ce sujet il y a quatre ans ?
Hugo Boris : Il n’est pas toujours possible de dater précisément la naissance d’une idée, mais cette fois, je le peux. J’écoute la radio, la nuit, avant de m’endormir. Le 18 février 2010 sur Europe 1, j’ai entendu la rediffusion d’une émission sur la police « en tenue », la police secours, la police de tous les jours, et j’ai réalisé qu’on n’en parlait jamais en littérature. Aussi étrange que cela puisse paraître, je ne crois pas qu’il soit d’exemple de roman français dont les personnages principaux soient des gardiens de la paix dans l’exercice de leurs fonctions. Le 17 est délaissé en littérature, qui n’a d’yeux que pour le 36, la police judiciaire, son quai des Orfèvres, ses enquêtes, sa médecine légale et ses vieux briscards de flics, pleins d’astuce devant un cadavre mais toujours divorcés et incapables de préparer un goûter.
Les autres, les petites mains, les couteaux suisses de la police, sont pourtant ceux qu’on appelle en dernier recours, au bout du bout, face aux situations de crise. On croit que les appels qui atterrissent au 17 sont des urgences, alors que bien souvent, ce n’en sont pas : les situations de détresse sont le fruit d’une succession d’échecs, de renoncements, de difficultés terribles. Les problèmes s’intriquent et finissent alors par un appel au 17. Les policiers se considèrent comme les serpillères de la société, ce sont leurs mots. Immanquablement, leur bande passante est très large, du chien errant à l’avis aux familles, du différend familial à la rixe généralisée, du feu de poubelle au forcené retranché dans son appartement, tout leur revient. Ils doivent avoir à chaque fois la réponse adaptée, sans trop s’impliquer émotionnellement eux-mêmes. Le métier est dur, ingrat, et beau quelques fois.

Quelle a été votre réaction en apprenant que votre livre allait être porté à l’écran ?
Hugo Boris : Je me suis forcé à ne pas trop y penser, une réaction de protection qui m’est familière pour ne pas être trop déçu si le projet n’aboutit pas ‒ ce qui est le lot de la plupart des projets au cinéma. Puis le tournage a débuté…


Dans quelle mesure avez-vous participé à l’adaptation de votre roman au cinéma ?
Hugo Boris : Lors de notre premier rendez-vous, le producteur Jean-Louis Livi m’a proposé d’être associé à l’écriture, ce qui était généreux et élégant de sa part, mais je ne le souhaitais pas. POLICE est un roman que j’ai construit pendant six ans, dont je connais chaque boulon et son filetage. Adapter un livre à l’écran, c’est d’abord le déconstruire, pour être capable ensuite de bâtir d’autres scènes, une autre progression dramaturgique, voire d’autres personnages. Je préférais qu’Anne Fontaine, la réalisatrice, se réapproprie l’histoire et la revisite avec sa propre sensibilité. J’avais entièrement confiance en elle.

Vous-même avez-vous vu le film qu’a réalisé Anne Fontaine ? Qu’en avez-vous pensé (notamment de la fin qui, sans divulgacher, diffère de la vôtre) ?
Hugo Boris : J’étais pris par le film, qui est à la fois sensible et haletant. J’avais envie de savoir la suite, ce qui est un comble. Je suis complètement sous le charme des interprètes. Virginie Efira, toujours juste, jouant sur plusieurs niveaux à la fois. Omar Sy, tout en délicatesse lui aussi, fidèle au personnage d’Aristide, qui dissimule ses contradictions et sa complexité sous des airs d’ambianceur de brigade. Gregory Gadebois me subjugue carrément. Il crève l’écran. C’est une bête à jouer. Peyman Maadi, enfin : Jean-Louis Livi, Philippe Carcassonne [les deux producteurs] et Anne Fontaine, ont fait le choix d’aller chercher cet excellent comédien pour un rôle quasi muet, et c’est un parti pris fort. D’autres auraient pu se contenter d’une sorte de silhouette mal incarnée pour le personnage du Tadjik. Il apporte énormément.
Parmi les différences notables avec le livre, il y a bien sûr la construction de la 1ère partie, et la fin, qui est différente. J’avais envisagé cet épilogue pendant l’écriture du livre, avant d’y renoncer. Le film explore donc une autre voie, une fin alternative. C’est réjouissant de voir ses personnages prendre corps, d’entendre dans leurs bouches des répliques qu’on a parfois écrites soi-même, devenir si vivants qu’ils en viennent à prendre des décisions différentes des vôtres.


Question de Patrick Tardit à Anne Fontaine pour le site “Info du jour” : Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le livre d’Hugo Boris ?
Anne Fontaine : Le roman s’inspire d’un fait réel, un incendie au centre de rétention de Vincennes, et je me suis inspirée de la trajectoire de ces trois personnages qui, chacun pour des raisons différentes, ont des rapports personnels fragilisés en partant vers leur mission, qui est inédite pour eux. La fin est très différente et dans la construction j’ai librement adapté, j’ai chapitré et j’ai trouvé une façon d’incarner le Tadjik à des moments différents ; dans le livre, il inspirait de la compassion mais il n’y avait pas ce côté dangereux, forcément il y a des choses que j’ai interprétées.
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Question de Joëlle Lehrer à Virginie Efira pour le journal belge “L’écho” : Quand Anne Fontaine vous a proposé le rôle de cette femme-flic dans “Police”, qu’est-ce qui vous a fait adhérer au projet?
Virginie Efira : D’abord, le fait que ce soit Anne Fontaine. C’est la première réalisatrice avec laquelle j’avais fait un film, “Mon pire cauchemar”, pour laquelle j’avais de l’admiration, à une époque où je recevais peu de propositions. Son cinéma est plus cérébral ou plus sérieux et par rapport à mon parcours jusque-là, ce n’allait pas forcément de pair. On était devenues très proches. J’aime la précision de son regard et son humour. Ensuite, j’ai lu le livre dont le scénario s’inspirait. Et je n’ai pas été déçue par l’adaptation qui en a été faite. J’aime cette absence totale de clichés qu’on y trouve, que ce soit sur le métier de policier ou le genre, féminin-masculin. La construction de l’histoire me plaisait également. Le personnage, avec son apparence de force et de solidité, a derrière une fragilité dont elle ne fait pas cas. Le fait qu’il y ait peu de communication verbale claire, mais que les choses soient dites entre les phrases m’intéressait. Ce qui est dit sur les sans-papiers était important autant que la position courageuse de cette femme policière. Dans ce film, les choses ne sont jamais compartimentées. 
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Initialement prévue le 1er avril puis repoussée au 03 juin, “Police” sortira finalement en salles demain, 02 septembre 2020. Je conclurai donc cet article en vous laissant découvrir la bande annonce et en vous invitant vivement à vous rendre au cinéma dès demain !

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