“Le monstre, que l’on croit l’exception, est la règle” : “Le chaos dans nos veines” de Cécile Cabanac, paru le 06 avril aux éditions Fleuve Noir.
Le pitch : Trois heures du matin, dans une maison isolée à proximité de l’étang de Prigonrieux, Brisseau découvre le cadavre d’une femme. Aussitôt, une hypothèse se dessine : suicide. Pour ce capitaine fatigué du métier, le soulagement est intense, l’enquête devrait être bouclée sans difficulté. Pourtant, très vite, tout se complique.
Une seconde victime est retrouvée à la cave, flottant dans une cuve d’acide. Et le premier corps se révèle être celui d’une ex-flic. Une flic qui ne faisait pas l’unanimité auprès de ses collègues. Une flic dont le sens de la justice surpassait tout, quitte à se mettre en danger pour traquer des assassins. Une flic, surtout, hantée par deux affaires non résolues.
De là à imaginer qu’elle commençait à s’approcher trop près de la vérité, il n’y a qu’un pas. Et Brisseau pourra compter sur l’énergie de la jeune lieutenant Marianne Decointet pour démêler les fils de ce tableau dans lequel le mal semble s’être insinué partout…
Il me tardait de retrouver la plume de Cécile Cabanac… Toutefois ce livre m’a d’abord nargué à PolarLens : Disponible en avant-première certes, mais sans son autrice en raison des mouvements de grève dans les transports… J’ai donc résisté à la tentation, il y a eu des larmes, de la sueur et du sang… Et mon incroyable courage livresque (si, si !) s’est ainsi vu récompensé aux Quais du Polar à Lyon où je me suis le suis enfin procuré… Toujours en avant première puisqu’il paraissait officiellement quelques jours plus tard : Joie et bonheur dans mon petit cœur de lectrice passionnée !
Si nous avions jusque-là l’habitude de retrouver le Commandant Virginie Sevran et son équipe au fil des romans, Cécile Cabanac déménage et installe ses chapitres entre Bergerac et la Côte Atlantique pour une plongée dans les abysses de l’âme humaine jusqu’à la naissance du mal à travers une intrigue incroyablement dense et redoutablement bien ficelée. N’omettant aucun détail, l’autrice maintient le suspense comme personne, en installant une intrigue faussement simple et calme de prime abord pour mieux nous happer et ne plus nous lâcher, nous prendre au piège entre ses pages en alternant judicieusement les époques afin qu’elles se complètent, s’éclairent et s’assemblent, tel un puzzle dont on assemble toutes les pièces, tandis que l’ambiance se fait de plus en plus sombre et oppressante voire malaisante jusqu’à un épilogue qui nous laisse pantois.
Une intrigue d’autant plus prenante et poignante qu’elle est menée tambour battant par une poignée de personnages fort bien croqués, fouillés, étoffés en substance et ciselés. C’est évidemment le cas de Rémy Brisseau et Marianne Decointet, un duo d’enquêteurs qui fait décidément des étincelles ! Ils n’ont pas la même vision des choses, notamment de leur métier, – l’un, essoufflé et lassé, tant sur le plan personnel que professionnel quand l’autre demeure volontaire et déterminée pour ne pas dire passionnée -, aussi ces deux-là s’opposent autant qu’ils s’accordent, ce qui les rend profondément crédibles et emplis d’humanité. C’est également le cas de Céline Arbin, éternelle absente pourtant omniprésente dont le sens de la justice et l’opiniâtreté impressionnent. C’est encore le cas pour ces terrifiants chapitres en italique dont je vous laisse découvrir le narrateur, pour le meilleur et pour le pire !
Un dernier mot pour la plume de Cécile, particulièrement fluide et visuelle, sombre et efficace, un style tout à la fois vif et élégant, ce qui rend cette lecture plus addictive encore, impossible à lâcher dès lors qu’on l’a commencée.
En bref, ce polar au titre évocateur se révèle noir et bien serré, remarquablement maîtrisé, aussi intense que complexe… Le plus dur désormais, c’est de patienter jusqu’au prochain bouquin !