L’intelligence du polar : “Mémoires d’un expert psychiatre” d’Angelina Delcroix, paru le 04 octobre chez Hugo Thriller.
Le pitch : Adam Jacuri est expert psychiatre auprès de la Cour d’appel de Lyon. Arrivant en fin de carrière, il décide de confier ses mémoires à Jessie Maure, auteure de thrillers.
Alors qu’il prend la décision de se retirer définitivement du circuit en allant vivre sa retraite en Bretagne près de la forêt de Huelgoat, des disparitions inquiétantes vont commencer à affoler la population locale. Adam soupçonne un ancien patient et craint pour sa propre vie, mais la gendarmerie ne le prend pas au sérieux. Alors, quand les premiers corps sont découverts, il décide d’enquêter seul dans cette région vaste et mystérieuse.
Alternant entre souvenirs criminels, maladies mentales, et conséquences personnelles et familiales d’un tel métier, ce thriller nous entraîne dans les coulisses des unités pour malades difficiles et dans les labyrinthes psychiques qu’un expert est censé parcourir.
De mémoire de lectrice, je n’ai pas le souvenir d’avoir vécu une expérience littéraire aussi inédite. De mémoire de thriller addict, je n’ai pas le souvenir d’avoir frôlé la folie d’aussi près. De mémoire de blogueuse, je n’ai pas le souvenir d’avoir autant galéré à rédiger une chronique. “Mémoires d’un expert psychiatre“… En voilà un titre tout à la fois trompeur et ambivalent, un titre au sens ambigu et multiple… Qui prendra justement tous ses sens une fois cette lecture achevée…
Tout commence de façon faussement basique : Un psychiatre inscrit sur la liste des experts de la Cour d’Appel de Lyon, que ses pairs comme le monde judiciaire tiennent en haute estime pour l’extrême qualité de ses analyses, souhaite confier ses mémoires à une autrice (que les fidèles d’Angelina connaissent déjà) à l’aube de sa brillante carrière afin de les partager avec le grand public, pour mettre à mal les clichés et dévoiler l’envers de l’expertise pénale avant de se retirer en Bretagne et profiter d’une retraite bien méritée. Sauf qu’une série d’épreuves ébranle toutes les certitudes. Sauf qu’une série de disparitions instille le doute. Sauf qu’une série de soupçons déclenche une terrifiante course contre la montre. Et nous voilà pris dans cet engrenage infernal pour… Pour le pire, on ne va pas se mentir !
Difficile de trop vous en dire sur l’intrigue elle-même au risque de divulgâcher, tant elle s’avère intense et sombre, redoutable et complexe… Incontestablement documentée et incroyablement maîtrisée.
Car le secret de l’autrice, c’est sans aucun doute son humanité. Une humanité qu’elle distille dans chaque ligne de son roman. Chaque ligne. Même les plus terribles, même les plus malsaines, même les plus démentes… Ce qui rend l’intrigue d’autant plus immersive, réaliste et effrayante.
Parce que l’atmosphère glaçante ne cesse de nous happer. Parce que la tension ne cesse de grimper pour mieux nous étouffer. Parce que les thématiques sont fortes et enrichissantes à souhait. Parce que la justice pénale et ses auxiliaires se confrontent à ce qu’il y a de pire chez l’être humain. Parce que le droit est une matière éminemment mouvante, profondément vivante. Et la médecine aussi, cela va sans dire. Dès lors il est impossible d’être indubitable et infaillible.
C’est donc une véritable descente aux enfers que l’autrice nous livre ici, jusque dans l’antichambre du diable. Mais le diable n’est pas fou, il préfère se cacher dans les détails. L’histoire est d’autant plus folle qu’elle nous prend aux tripes et bouscule nos convictions comme nos sentiments au gré d’une plume particulièrement fluide et captivante, un style vif, exalté et exaltant.
En bref, Angelina Delcroix nous offre ici un thriller véritablement passionnant. Flippant mais passionnant. Dans son expression la plus puissante.