La réinvention littéraire a sa plume : “Les disparus de Blackmore” de Henri Loevenbruck, paru le 23 février 2023 aux éditions XO.
Le pitch : Octobre 1925. À Blackmore, une île coupée du monde au large de Guernesey, meurtres et disparitions sèment la terreur. Alors que la police piétine, Lorraine Chapelle, première femme diplômée de l’Institut de criminologie de Paris, est appelée en renfort. Cette cartésienne irréductible va devoir mener l’enquête aux côtés d’Edward Pierce, un Britannique spécialisé dans les sciences occultes qui se présente comme « détective de l’étrange ».
Ensemble, ils affrontent les plus sombres secrets de Blackmore : les statues énigmatiques disséminées sur l’île, la rumeur d’un culte maléfique qui sévirait dans l’ombre, et ce vent lancinant, le murmure des brumes, qui ne cesse jamais. Entre mensonges et confidences, ce duo improbable devra démêler le vrai du faux dans une course contre la montre diabolique.
Je ne sais pas vous mais, pour moi, chaque livre de Henri Loevenbuck est un véritable rendez-vous. Parce que je ne sais jamais vraiment dans quoi ni où et encore moins à quelle époque il va bien pouvoir m’embarquer… Et en toute honnêteté ? Je m’en fous, car l’aventure sera forcément totale… Et ce roman sur lequel je me suis précipitée dès sa sortie en librairie ne fait décidément pas exception à cette règle immuable !
Parce qu’il change de genre et de période comme de chemise avec une déconcertante facilité, l’auteur a mis la Révolution Française entre parenthèses pour se consacrer aux années 1920… Oui mais pas n’importe où : A Blackmore, petite île située dans les environs de Guernesey… N’accusez pas votre mappemonde d’être incomplète si jamais vous la cherchiez sans parvenir à la trouver : Elle sort tout droit de l’imagination de l’auteur et n’existe que dans la vôtre !
Bien qu’ancrée dans une indéniable réalité regorgeant d’informations enrichissantes, Henri Loevenbruck a en effet pris le parti de créer son propre univers pour installer son intrigue bigrement prenante et rondement menée, remarquablement bien construite et redoutablement maîtrisée. Bien plus qu’un simple décor, l’auteur a doté son île d’une géographie, d’une histoire, d’une culture, d’une architecture, d’un folklore frôlant le fantastique… C’est si bien retranscrit qu’on s’y croirait : L’immersion est aussi immédiate que complète !
Mais l’enquête qui nous occupe ne serait pas si captivante sans l’étonnant duo qui la mène ! Deux personnages hauts en couleurs que l’on rencontre sans délai et que l’on suit avec d’autant plus d’enthousiasme et d’intérêt qu’ils ne nous laissent aucun répit pour investiguer : Que ce soit la délicieuse Lorraine Chapelle, impertinente et cartésienne, première femme diplômée de l’Institut de criminologie de Paris, féministe avant l’heure d’une franchise à toute épreuve, ou bien le croustillant britannique Edward Pierce, homosexuel assumé dont le flegme n’a d’égal que sa classe et son intelligence, autoproclamé détective de l’étrange pour s’intéresser aussi aux sciences occultes, l’un et l’autre sont aussi dissemblables que complémentaires et ont dès lors tout pour nous plaire, susciter notre sympathie comme notre empathie en moins de temps qu’il ne m’en faut pour vous l’écrire ici !
Si l’auteur agrémente son récit de truculents dialogues, il en profite aussi pour aborder de fortes thématiques toujours d’actualité en dépit de ce décalage temporel. C’est d’autant plus passionnant que l’histoire est menée tambour battant par une plume fluide et envoûtante, dynamique et élégante, un style vif et efficace, affuté en toute circonstance.
En bref, ajoutons à cela une postface tout à fait personnelle et vous obtenez une vraie réussite, un thriller fascinant empreint d’émotions qui se lit avec une incroyable rapidité en dépit de ses 500 pages bien pesées, et deux enquêteurs particulièrement attachants que j’espère bien retrouver prochainement, à Blackmore ou ailleurs !