Un roman d’amour(s) et des sens : “Les grandes patries étranges” de Guillaume Sire, paru ce 21 août 2024 aux éditions Calmann Levy.
Le pitch : « Sa voix était miel et poison, sang et lait. Joseph l’aurait reconnue parmi des millions. Il savait que si Anima, un jour, lui demandait quelque chose avec cette voix – si elle lui demandait quoi que ce soit –, il serait incapable de refuser. »
À la mort de son père, tombé au champ d’honneur, Joseph Portedor emménage avec sa mère sur l’île de Tounis, à Toulouse. Le garçon est d’une sensibilité extrême. D’une pression de la main, il peut deviner une grossesse, un cœur qui s’épuise, la composition d’un objet, son histoire. On se passe le mot. Il consulte le samedi dans un bordel où sa mère fait le ménage.
Et il y a sa voisine du dessous : Anima Halbron, une juive. Elle a des oreilles de lutin et une langue venimeuse.
Son père lui a appris à jouer Schumann. Quand Joseph la rencontre, il a beau n’être qu’un enfant, sa vie bascule.
Il la protégera coûte que coûte.
Dans cette fresque baroque qui nous entraîne de la Première à la Seconde Guerre mondiale, Guillaume Sire nous conte avec générosité et tendresse une histoire d’amour impossible entre un homme que tout blesse et une femme que rien n’atteint.
La rentrée littéraire, c’est une multitude de livres qui débarquent d’un coup d’un seul en librairie… Et c’est autant d’occasions de faire des découvertes. Je connaissais Guillaume Sire de nom mais n’avais pas encore saisi l’opportunité de me plonger dans l’un de ses titres. Cette nouvelle parution fut une chance pour moi de faire connaissance avec sa plume, et je remercie chaleureusement les éditions Calmann Levy de ne me l’avoir permis en avant-première !
Se baladant de la Première Guerre Mondiale à la Seconde, ce roman n’est pourtant pas un roman historique mais plutôt un roman d’amour. Je dirais même un roman d’amour(s) car nous verrons différentes relations se nouer au fil cette histoire ancrée dans l’Histoire. C’est d’abord et avant tout celle d’un amour… Maudit sinon impossible, contrarié, empêché, pris au piège des tourments de son époque. Un amour entre deux êtres que tout oppose…
“Un homme que tout blesse et une femme que rien n’atteint” : J’ai rarement lu phrase aussi juste que celle-ci dans un résumé ! Joseph est hypersensible quand Anima est indifférente. C’est un deuil qui les a ainsi façonnés l’un et l’autre. Etoffés en substance et fort bien croqués, ces deux-là sont entourés d’autres personnages qui le sont tout autant tandis qu’on suit tout ce petit monde d’un bout à l’autre de la France et même au delà.
Ainsi l’amour se trouve au centre de ce roman pourtant singulier, tant la lecture se fait presque expérience sensorielle, servie par une plume particulièrement belle et sensible, rythmée par des chapitres plutôt courts, soutenue par un style empreint d’une certaine légèreté.
En bref, l’amour ne résout pas tout mais justifie incontestablement ce roman qui fut pour moi une découverte très plaisante !