Après deux ans d’une interminable attente, le voici de retour en librairie depuis le 29 août avec un nouveau roman que les plus chanceux ont pu se faire dédicacer dès ce week-end en Suisse, à Morges, au salon “Le livre sur les quais“… Et il a accepté de m’accorder cet entretien pour vous en parler en dépit d’un emploi du temps plus que surchargé, je l’en remercie du fond du cœur ! Olivier Norek vous présente donc “Les Guerriers de l’Hiver“, publié aux éditions Michel Lafon : Belle rencontre et bonne lecture !
Au diable les présentations, tout le monde te connaît ! Dis-nous plutôt : Si tu devais te présenter…
– En un roman ? Ce sera plutôt un recueil de nouvelles : « La patience des buffles sous la pluie » de David Thomas.
– En un héros de papier ? J’ai toujours aimé Fantômas. Il y a du « V pour Vendetta » dans ce personnage, il y a quelque chose de Virgil Solal (du roman « Impact ») aussi, dans son côté un peu… Radical. Fantômas est un personnage très intéressant. Et bien sûr, je ne parle pas du personnage que tout le monde connaît dans les films d’André Hunebelle, mais bien du héros imaginé par Pierre Souvestre et Marcel Allain : l’original !
– En un écrivain fétiche ? Je dirais celui qui ne déçoit jamais… J’hésite entre Ken Follett, Gustave Flaubert et Stephen King.
– En un moment et/ou un lieu pour lire ? J’ai la chance de me déplacer dans toute la France et même ailleurs pour aller à la rencontre des lecteurs dans les librairies, les médiathèques et les salons du livre. De ce fait, je prends beaucoup le train. Et tu ne peux rien y faire d’autre que lire !
Te voici de retour en librairie avec « Les Guerriers de l’Hiver » : Certains diront que tu te lances en littérature blanche, d’autres diront que tu fais un pas de côté par rapport à la littérature noire… Mais la vérité n’est-elle pas ailleurs pour le raconteur d’histoires que tu es ? Qu’est-ce qui t’a vraiment animé dans l’écriture de ce roman ?
Effectivement, je ne suis pas parti en littérature blanche et je n’ai pas non plus fait un pas de côté. Mais je ne peux écrire que les livres que j’ai dans le ventre et je suis incapable de repousser une idée à plus tard. Quand j’ai une idée, elle accapare totalement mon esprit et monopolise toute ma créativité, donc il FAUT que je l’écrive. Cette fois-ci, j’ai rencontré la Guerre d’Hiver. J’ai rencontré ces Finlandais, les hommes de la Sixième Compagnie. J’ai rencontré leurs actes de bravoure. Alors il fallait que j’écrive ce roman. Et mon style littéraire s’adapte simplement au sujet que je vais étudier.
Plus qu’un simple roman historique, « Les Guerriers de l’Hiver » nous conte une histoire que l’Histoire a oubliée… Comment expliques-tu qu’un tel conflit opposant la Finlande et la Russie ait pu tomber dans l’oubli ? Comment en as-tu eu connaissance toi-même ? Dans ces conditions, comment as-tu réussi à te documenter pour parvenir à un tel degré de profondeur et de précision, des grands faits aux plus petites anecdotes qui nous sont ici relatés ?
On accorde de moins en moins d’intérêt à l’Histoire, donc au passé, pour comprendre le futur. Aujourd’hui on réagit de manière instantanée à ce qui vient de se produire. On ne fait pas de recherches ni d’analyses. Tout va vite à l’époque d’Internet, des réseaux sociaux, des médias. Si on pose la question de savoir ce qu’il s’est passé le 11 septembre 2001 à des gamins américains, plus de la moitié d’entre eux sont incapables de répondre. On parle du XXIème siècle, notre siècle, pourtant ils ont déjà oublié. Alors le siècle passé… On a tendance à oublier l’Histoire.
Il y a deux ans, Poutine a déclaré que quiconque soutenait l’Ukraine deviendrait son ennemi, qu’il détenait le pouvoir nucléaire et qu’il n’hésiterait pas à s’en servir. Nous sommes alors en février 2022 et nous tombons sous le coup d’une menace nucléaire. Et la peur m’envahit. Quand j’ai peur, je me renseigne car la base des phobies, c’est l’ignorance. Je me suis donc renseigné sur toutes les guerres qu’avait menées la Russie pour essayer d’en extraire un schéma et savoir quel crédit accorder à cette menace. C’est en effectuant ces recherches que je suis tombé sur la Guerre d’Hiver. Une guerre que tout le monde avait oubliée, même les manuels scolaires. En principe, on a déjà tout écrit sur l’Histoire. Et pourtant, tel un chasseur de trésors, je me retrouve avec une histoire, un morceau d’Histoire sur lequel personne n’a écrit. Je sais alors que cette histoire, je vais la raconter.
J’ai été un flic de terrain, je suis devenu un auteur de terrain. Quand j’ai écrit sur la Jungle de Calais, je suis allé vivre là-bas. Quand j’ai écrit sur les Brumes de Capelans, je me suis installé à Saint Pierre et Miquelon pendant trois mois. Alors quand j’écris sur un sujet oublié, la moindre des choses, c’est d’aller sur place, sur la trace de ces soldats. Je suis donc parti à la rencontre des directeurs de musées, des professeurs d’Histoire, des militaires et instructeurs de tirs de précision. J’ai sollicité tous les passionnés. Je suis allé dans les églises et les bars louches, pour trouver tous ces gars qui avaient une histoire à raconter autour de la Guerre d’Hiver et de Simo Häyhä. Et puis on m’a invité dans les maisons, on m’a ouvert les greniers et les vieux cartons. J’ai arpenté la Finlande du nord de la Laponie au sud de ses côtes. J’ai découvert des documents incroyables que même les archives d’Helsinki n’avaient pas. Quand j’ai su en détails ce que faisait la Sixième Compagnie du lever au coucher du soleil, le nombre d’armes qu’ils avaient, le nombre de munitions utilisées, le nombre de morts et de blessés, ce fut le moment de se séparer de toutes ces informations pour raconter la seule chose intéressante : Tout a déjà été écrit sur la guerre. Moi ce que je veux savoir, c’est ce qu’il se passe à l’intérieur d’eux, la guerre à taille humaine.
« Les Guerriers de l’Hiver », c’est d’abord un homme. Simo Häyhä, un paysan dont la discrétion n’a d’égale que son habileté à la chasse… Un talent qu’il mettra au service de sa patrie pour devenir le plus grand sniper de tous les temps et devenir une légende sous le nom de « La Mort Blanche »… Qu’est-ce qui t’a inspiré dans cet homme au destin romanesque ? Pourquoi avoir choisi de ne le faire parler qu’à la page 355 ?
Justement parce qu’il avait un destin romanesque. Ce qui m’intéresse toujours, c’est la sublimation. Dans « Surface », il faut enquêter sur un cold case, donc aller vers les gens pour fouiller leur mémoire, et j’y envoie Noémie Chastain et son visage défiguré, soit la dernière personne à vouloir aller vers les gens. Parce que je placetoujours, face à la situation à débloquer, la seule personne qui, normalement, en est incapable. Pour la forcer à se sublimer. Là, je découvre une figure qui correspond à tous mes critères de construction d’un personnage. Me voici face à un jeune homme pacifiste, en parfaite harmonie avec la nature et la forêt, pour qui l’amitié, l’honneur et le respect sont des valeurs fondamentales et construisent sa vie. Un jour on va lui annoncer que son pays est attaqué. Qu’il va devoir tuer des Russes. Qu’il va devoir devenir un assassin. Il n’était pas du tout capé pour ça. Mais pour sauver son pays, ses amis, il va devenir « La Mort blanche », un assassin terrible et silencieux, redouté par toute une armée. Ajoutons à cela ses aptitudes incroyables comme on entre trouve chez les super héros. Il réussit à tirer avec son fusil à 490m, sur des cibles que l’œil ne voit pas. Il y a donc en plus chez lui ce côté mythique et légendaire qui commet des actes hors du commun alors qu’il n’était même pas fait pour ça. Voilà pourquoi il est passionnant.
Mais Simo était un taiseux. Il y a très peu de documents dans lesquels il s’exprime. J’ai retrouvé un audio, quelques pages d’un journal intime qu’il n’a jamais vraiment continué. Si Simo ne parle pas, s’il est si discret sur lui-même, qui suis-je pour lui faire dire des mots qu’il n’a jamais prononcés ? Pour lui construire une personnalité, pour lui attribuer des répliques, pour lui faire adopter des attitudes qu’il n’a jamais eues ? Je respecte tellement ce personnage que j’ai décidé d’aller jusqu’au bout de ce qu’il était. S’il ne parle pas, il ne parlera pas dans le livre. On va connaître et comprendre Simo par rapport aux gens qui le rencontrent. Chacun a une opinion différente. Alors à la fin, c’est le lecteur qui devra se faire son propre avis. Finalement la seule fois où Simo parle, c’est pour parler de son arme… Même pas de lui-même.
Mais ce roman s’appelle « LES Guerriers de l’Hiver » : Si la Finlande doit beaucoup à Simo Häyhä, c’est une Nation toute entière qui s’est soulevée contre l’Ours russe afin de défendre ses terres. Ils savaient cette guerre – aussi injuste qu’inégale – perdue d’avance et pourtant ils se sont tous livrés corps et âmes dans cette bataille, ne manquant jamais de courage, d’obstination, de cran, de ténacité, de résistance, de détermination, de volonté… Ni même d’imagination pour se défendre, au-delà même de leurs forces, ce qui impose le respect. Le russe Timochenko dira qu’ils ont réveillé leur « Sisu », l’âme de la Finlande : Que peux-tu nous en dire ?
Oui, tout à fait. Le « Sisu » est un mot qui n’a pas de traduction en français, parce qu’il englobe tout ce que tu viens d’énumérer. Ce terme vient d’un peuple habitué à un milieu hostile, une nature complexe et un climat difficile. Cela a créé cette force en eux. Et ce sont eux que les Russes ont attaqués. Ils ont attaqué des gars qui n’ont pas peur de -51°C, qui vivent une bonne partie de l’année dans la nuit. Ils ont attaqué des hommes pour qui la terre et la famille sont le ciment de la Nation. Tous les militaires diront qu’il faut cinq soldats entraînés pour attaquer un homme qui protège sa famille, sa patrie et ses terres, car les cinq soldats entraînés n’ont pas de réelle motivation. Les Finlandais, bien que sous-équipés, sous-armés, sous-entraînés, ont un feu à l’intérieur : Ils veulent défendre leur patrie, leurs terres, leur famille.
Il faut aussi souligner la façon dont le Maréchal Mannerheim, chef de guerre de la Finlande, a constitué ses unités. Au lieu de prendre des soldats qui ne se connaissaient pas, il a formé des unités dans les villages. Un village devenait une unité de combat. Les Finlandais se sont donc battus aux côtés de leurs frères, leurs cousins, leurs amis, leurs voisins… Des gens qui comptent. Ils savaient exactement pour qui ils se battaient. Ils savaient qui ils défendaient. Donc ils ont toujours résisté, même s’ils savaient cette guerre perdue d’avance, même au dernier jour de la guerre où ils n’avaient que cinq ou dix cartouches dans leurs poches.
« Les Guerriers de l’Hiver », c’est aussi un roman immersif au cœur de la nature, cette dernière se révélant tout aussi belle que redoutable et hostile pour ne pas dire meurtrière, sans considération des nationalités qu’elle décime par -50°C. Une nature à laquelle tu rends un bel hommage après l’avoir toi-même cernée en te rendant sur place durant trois mois, en digne écrivain de terrain que tu es. Si tu parviens à nous faire ressentir le froid au fil des pages, peux-tu nous livrer ta propre expérience ?
La nature est essentielle dans ce roman, c’est un personnage à part entière. C’était déjà le cas « Dans les brumes de Capelans » où la nature et le climat ont commandé le livre, donc ce n’est pas la première fois que cela arrive dans l’un de mes romans. Mais jamais autant que la nature dans « Les Guerriers de l’Hiver ». Je me suis retrouvé en Laponie, à me balader dans les forêts. On regarde autour de soi et on réalise qu’on ne sait pas du tout où l’on est. Sans ses traces de pas dans la neige (et un super GPS dans son portable), on pourrait mourir ici. Et je suis aussi allé au fin fond de ces forêts pour essayer d’atteindre ces -50°C, pour savoir ce que cela fait. Je pensais que le froid, c’était un tremblement ou des secousses, mais non. Le froid, ce sont des coups de poing dans le ventre. Au bout d’un moment, le corps te donne même des informations contradictoires. Il ne faisait « que » -35°C ce jour-là, on a pu atteindre les -40°C avec la vitesse sur le scooter des neiges, mais déjà je ne sentais plus mes doigts ni mes pieds, mon ventre brûlait. Par respect pour le lecteur, je n’allais pas me contenter d’écrire qu’il faisait vraiment très froid. J’ai déjà essayé d’écrire des choses où j’inventais complètement tout mais je suis un terrible inventeur et ça manque de vérité. Donc je vais toujours essayer les choses, aller m’y frotter.
Mais si, à mon sens, « Les Guerriers de l’Hiver » s’avère bien plus qu’un roman historique, c’est sans aucun doute parce qu’on vit plus qu’on ne lit ce conflit de par l’émotion qui se dégage de chaque page. De ces touches d’humour et/ou de poésie comme des bulles d’oxygène au cœur des tranchées. De l’amour qui parvient à éclore et à perdurer en plein chaos. De ces sursauts d’humanité qu’on décèle envers et contre tout dans l’inhumanité. Autant de fragments d’âme qui rendent cette lecture bouleversante en plus d’être captivante. En avais-tu seulement conscience ? Était-ce là l’un de tes buts recherchés ?
On ne peut pas raconter une histoire sans raconter les personnages et on ne peut pas raconter les personnages sans raconter leur humanité. Il faut savoir où se trouve l’humain, quelle que soit la situation. On a trouvé des histoires d’amour et d’amitié dans les camps de la mort. Ce n’est pas parce que c’est la guerre et qu’on risque de mourir tous les jours qu’on ne va pas recréer ces situations nécessaires à sa survie mentale. On a besoin de tout ça alors on reconstitue à chaque fois une sorte de cocon. Et c’est grâce à cela que ces hommes ont survécu. Raconter une guerre où on se tire dessus n’avait aucun intérêt pour moi. Si on veut parler de la guerre, on doit revenir au centre de la guerre. Dans le roman, le chef de Simo va demander à ses hommes d’économiser leurs munitions et d’achever les blessés en leur enfonçant un couteau dans le cœur. On voit donc cinq gamins au-dessus de cinq blessés qui s’interrogent du regard. Que doivent-ils faire, au juste ? Traverser la peau, la chair, les muscles ? Ripper sur les os et transpercer le cœur ? C’est ça, la guerre. Et non, ils n’en sont pas capables. Dans une guerre, un tir sur trois sont volontairement tirés à côté. Parce qu’on ne sait pas faire ça. En évoquant ce sujet, la guerre, je voulais vous ramener au plus bas de ce qu’est vraiment la guerre, à sa réalité.
Une humanité qu’on doit également t’accorder dans le traitement que tu réserves aux soldats russes dans ton ouvrage, des hommes comme les autres qui n’ont jamais demandé à faire la guerre, et que leurs dirigeants n’hésitent pas à utiliser et sacrifier, en masse et en dépit du bon sens, comme du vulgaire matériel militaire, dérisoire et négligeable, dont on ne craint pas la perte. Comment l’as-tu appris, quand on sait la Russie si secrète ?
Mon but n’était pas d’écrire un roman pro-finlandais ou anti-russe. La guerre qui a opposé la Russie à la Finlande ressemble à celle opposant actuellement la Russie à l’Ukraine. Poutine va chercher ses soldats dans les centres de désintoxication, les prisons, les centres pour SDF mais aussi parmi les minorités ethniques qu’il ne considère pas comme des « vrais » russes. Ce sont ces hommes qu’on retrouve au front aujourd’hui et ce sont ces hommes qu’on a retrouvés dans les tranchées hier. Il y avait entre 15 et 20 nationalités différentes, le plus souvent ils n’avaient pas connaissance de ce pour quoi ils se battaient et n’avaient d’ailleurs pas spécialement envie de se battre, pourtant on sacrifiait ces gens dans des missions suicides. Alors il était tout aussi important pour moi de montrer le courage et la force d’un peuple finlandais qui se soulève contre une invasion injuste que de montrer la manière dont étaient traités les soldats ennemis. Il était important pour moi qu’on puisse avoir autant d’empathie pour les Russes que pour les Finlandais. Je ne suis pas là pour donner une leçon de morale, je suis là pour vous parler des faits, de ce qu’il s’est passé. Ensuite c’est au lecteur de se faire une opinion.
J’ai su tout cela dans la documentation que je me suis procuré en Finlande. Quand ils écrivent sur cette guerre, les Finlandais écrivent sur eux mais aussi sur les Russes. Mais c’est vrai que je n’ai pu avoir aucun contact russe. Côté russe, tout a été effacé. Ils ont nié l’existence de cette guerre.
Si tes protagonistes sont nombreux, chacun s’avère aussi rapidement identifiable qu’inoubliable. Impossible de tous les citer, mais j’aimerais tout de même m’arrêter sur deux d’entre eux : Leena – car les femmes demeurent très présentes dans ce roman – et Juutilainen – tellement fou que même la Mort n’en veut pas. Devines-tu pourquoi j’ai choisi ces deux-là et saurais-tu nous parler d’eux ?
Leena représente toutes les femmes qui sont allées au front, comme les soldats. Elles étaient 100000 et constituaient presque une armée elles-mêmes. Elles sont parties en tant qu’opératrices radio, infirmières et cantinières et elles ont terminé une arme à la ceinture, sont devenues messagères et ont traversé les champs de bataille avec leur seul courage. Leena va sauver Simo plus d’une fois, elle va aussi vivre une histoire d’amour magnifique. Mais surtout il serait fou de dire que la Guerre d’Hiver n’a été qu’une histoire d’hommes. Du côté russe, je n’en ai aucune idée mais du côté finlandais, une personne sur trois était une femme sur le terrain, donc il était important pour moi de les mettre en avant.
Et Juutilainen, il y a plusieurs raisons. Déjà j’ai appris au cours de la rédaction de ce roman que mon grand-père l’avait connu à l’armée. C’est la première fois que j’écris sur un pays qui n’est pas le mien, sur une guerre qui n’est pas celle de mon pays, sur des personnages qui ne parlent pas ma langue, et j’ai quand même retrouvé une partie de mon histoire. Et puis Juutilainen, c’est un chien de guerre, inapte à la société, qui ne pourrait s’intégrer nulle part. J’aime beaucoup ce personnage parce qu’il va entraîner Simo dans sa folie, mais c’est justement parce que la folie de Juutilainen est trop grande que Simo réalise dans quel gouffre il est en train de sombrer et va se sortir de là. C’est la folie exacerbée de Juutilainen qui va permettre à Simo de retrouver sa propre santé mentale. Même s’il est fou, on ne peut pas détester Juutilainen parce qu’il ne fait que courir après la mort qui, elle-même, n’en veut pas, parce qu’il est son meilleur allié. Pourtant un tout petit feu d’humanité brûle encore à l’intérieur de lui. Une seule flamme peut être aveuglante.
La Guerre d’Hiver a duré 113 jours. 113 jours que tu nous racontes en 448 pages. Une guerre éclair qu’on prend pourtant le temps de lire. Car, si l’on saura relever les quelques clins d’œil aux Maîtres de la littérature classique disséminés ça et là dans ton récit, on relèvera surtout l’intensité et l’élégance de ta plume. En quoi cela te tenait-il à cœur ?
La plume est devenue capitale pour ce récit car, dans un camp comme dans l’autre, on parle de gens que les Français ne connaissent pas, aux prénoms imprononçables, habillés en blanc dans la neige, qui vont passer leur temps à se tirer dessus. On peut raconter ça en quinze pages. C’est dans la littérature que j’ai trouvé comment raconter cette guerre. Comment raconter les hommes, les femmes, l’humanité, la terreur, l’horreur. Il a fallu que je me glisse dans les uniformes de ces soldats. Je suis d’ailleurs allé dans les musées où on nous autorisait à les porter. J’ai pu porter la tenue blanche des guerriers de l’hiver, j’ai fermé les yeux et me suis retrouvé dans les tranchées par -50°C. Et c’est la plume qui permet de raconter. C’est la littérature qui va me permettre de raconter cette histoire. Je n’aurais pas pu la raconter autrement qu’en allant puiser au fond de moi dans mes capacités littéraires.
Un petit mot pour la fin ? Ton roman vient tout juste de paraître mais sais-tu déjà dans quelles aventures littéraires tu vas ensuite nous embarquer ? Que peux-tu nous dire de tes projets littéraires ?
Oui, le prochain roman, évidemment, prévoit le retour du Capitaine Coste. Ce sera alors une pentalogie. J’ai cette tendance à vouloir respecter les personnages romanesques comme de vraies personnes. Le Capitaine Coste a déjà vécu trois histoires dans le 93 qui auraient rempli deux vies de policier. Il a également vécu une histoire incroyable à St Pierre et Miquelon. Cela fait déjà quatre affaires hors du commun. J’en ai une cinquième. Mais si je commence à tirer sur la ficelle pour en écrire une sixième, septième, etc., je risque d’écrire celle de trop. Et ce serait dommage de briser tout un édifice pour avoir trop tiré sur la corde. Là, on peut encore se dire que Coste aurait pu exister, et je n’ai pas envie que cela devienne improbable. J’ai envie de croire et de faire croire que le Capitaine Coste existe et que ses enquêtes ont vraiment existé. J’ai trop assisté à l’enquête de trop et je ne voudrais pas que cela arrive à Coste. Donc cette cinquième aventure sera peut-être la dernière.
Ces temps-ci, je travaille également avec Fred Pontarolo, un formidable dessinateur, sur la BD « Impact ». En essayant de faire une BD qui sort des cases. En essayant de tout s’autoriser pour raconter au mieux l’histoire moralement discutable de Virgil Solal…
Un immense merci à Olivier Norek pour cet échange aussi passionnant qu’enrichissant ! A présent mes Bookinautes chéris, je n’ai plus qu’un conseil à vous donner si vous n’avez pas encore “Les Guerriers de l’Hiver” entre les mains : Foncez en librairie vous le procurer !