
Belle découverte que ce roman noir particulièrement touchant : “Les Saules” de Mathilde Beaussault, paru le 10 janvier 2025 aux éditions du Seuil Noir.
Le pitch : Allongée au bord de la rivière, cachée par les saules pleureurs, Marie, dix-sept ans, semble paisible, endormie, ce que démentent les marques sombres sur son cou.
Sa mort brutale ébranle toute la communauté, et surtout Marguerite, une petite fille solitaire que tous croient simple d’esprit. Ses parents, peu enclins à manifester leur affection, travaillent leur terre du matin au soir. Livrée à elle-même, maltraitée à l’école, elle aime se réfugier au bord de la rivière, où elle se sent en sécurité sous les saules.
Cette nuit-là, elle a vu quelque chose. Elle voudrait bien aider Marie, la seule qui était gentille avec elle. Mais voilà, Marguerite ne parle pas, ou presque jamais. Mutique derrière sa chevelure sale et emmêlée, elle observe l’agitation des adultes qui, gendarmes ou habitants, mènent l’enquête. Mais comment discerner la vérité parmi les rumeurs, les rivalités familiales et les rancœurs tissées de longue date ?
Mes petits Bookinautes adorés, je vous présente le petit outsider de ma PAL estivale ! C’est en effet à l’occasion de ma dizaine au Touquet que j’ai découvert ce premier roman, fortement recommandé par ma copine et libraire préférée, j’ai bien sûr nommé Delphine, de la librairie “La Touquettoise“. Déjà plongée dans les ouvrages de la rentrée littéraire tout en préparant le salon des Livres dans le Boucle de Besançon sans négliger mes lectures personnelles, c’est en toute logique que j’ai… Glissé “Les Saules” au beau milieu de ce joyeux bordel livresque : On n’est plus à un bouquin près ! ^^
A peine Marie nous est-elle présentée que celle-ci est retrouvée morte, étranglée, au bord de la rivière. L’homicide volontaire ne fait aucun doute, une enquête est donc ouverte… Moins pour nous offrir un bon polar qu’un excellent roman noir.
Usant des auditions et dépositions de chaque habitant afin de construire une structure narrative tout à fait intelligente et pleine d’audace, Mathilde Beaussault se sert de l’enquête comme prétexte pour dresser un saisissant portrait de la France rurale des années 1980. S’installant dans un petit village, sans doute inspiré de sa propre enfance tant il paraît vivant et authentique, l’autrice en explore ainsi la dimension sociale tandis que le drame bouscule les non-dits, attise les rumeurs, réveille les jalousies, ravive les rancœurs et déterre les secrets. En résulte un roman redoutable par sa noirceur et prenant par son réalisme.
Si l’atmosphère s’avère rapidement sombre voire oppressante, on retiendra surtout les protagonistes, fort bien esquissés, mais surtout la jeune Marguerite qui fait toute la lumière et l’émotion de ce récit. Solitaire et mutique, négligée à la maison et harcelée à l’école, la demoiselle se révèle bien vite le témoin le plus fiable, de cette sinistre affaire comme de ce quotidien étriqué. Au fil de ses (més)aventures, Marguerite nous bouleverse par sa résilience et son abnégation, nous touche au cœur et à l’âme comme personne. Certaines scènes – notamment celle du bain donné par sa mère – sont inoubliables par les sentiments qu’elles suscitent.
Le roman est d’autant plus émouvant qu’il est porté par une plume fluide, sensible et sincère, un style brut teinté de poésie. Si le rythme est assez lent et le meurtrier facilement identifiable, c’est pour mieux révéler la densité de l’histoire et la rudesse de son contexte.
En bref, je remercie vivement Delphine qui m’a permis de croiser l’éprouvante plume de Mathilde Beaussault à travers ce fascinant roman noir qui prend aux tripes !