“Si la liberté grise, la famille rassure.” Ou pas… “Quand tu ouvriras les yeux” de Pétronille Rostagnat, paru le 22 mars aux éditions Harper Collins.
Le pitch : “Maman, il faut cacher le corps.”
Depuis son divorce, Marion sombre dans la dépression. Assommée de médicaments, elle réalise à peine qu’à 16 ans, sa fille Romane a bel et bien quitté l’enfance. Jusqu’au soir où Romane rentre à la maison en état de choc. Elle vient tout juste de réchapper d’une agression, et ses vêtements sont couverts de sang. Le sang de l’homme qu’elle a tué.
Marion est prête à tout pour protéger sa fille. Même à croire à sa version des faits, qui s’émaille pourtant chaque jour de nouvelles révélations. Mais Pauline Carel, avocate, compte bien faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé cette nuit-là.
Voilà déjà trois ans que je connais Maître Pauline Carel et son autrice Pétronille Rostagnat. Nous nous sommes rencontrées aux AcadéNîmes du Polar en février 2020, je découvrais alors “Un jour, tu paieras“. Si mes premiers contacts avec l’héroïne se sont d’abord révélés tendus, c’est finalement à regret que je l’ai quittée, une fois ma lecture terminée… Pour mieux la retrouver dans “Je pensais t’épargner“. Depuis j’ai dévoré l’intégralité de la bibliographie de cette charmante et talentueuse autrice et c’est avec un plaisir immense que je rejoins l’une et l’autre à travers les pages de “Quand tu ouvriras les yeux“… Pour le meilleur et pour le pire : Il s’agit d’un roman noir, pas d’un conte de fées.
L’autrice aborde ici un sujet aussi méconnu que dramatique, celui des “michetonneuses” mineures, autrement dit la prostitution adolescente “choisie”… Parce qu’elle l’aborde avec autant de réalisme que de respect, Pétronille Rostagnat a même pris le soin d’insérer une note au début de son roman pour en conter la genèse, ce qui rend le récit plus prenant et poignant encore.
Mais l’autrice ne s’arrête pas en si bon chemin et en profite pour évoquer les relations parents-enfants et la notion de famille qui explose lorsqu’elle croise la question du divorce. Autant de thématiques dont l’autrice s’empare pour nous livrer une bombe à fragmentation littéraire, un roman sombre et inédit, souvent malsain, presque malaisant, dont on ressort touché, sidéré et groggy.
Parce que Romane, Marion et Laurent sont des personnages qu’on pourrait très bien croiser dans la rue demain, qui pourraient tout à fait s’intégrer dans notre quotidien tant ils sont dépeints avec réalisme et humanité… Car l’homme est un loup pour l’homme et ne manque pas d’imagination pour offrir le pire à son prochain, les victimes devenant parfois des bourreaux et inversement.
Et Maître Pauline Carel dans cette affaire ? Et bien Pauline est devenue Maman et n’a pas besoin d’occuper pleinement le devant de la scène pour se révéler plus sensible et attachante qu’auparavant, vectrice d’émotions malgré ses propres démons. Si ce roman peut se lire de manière tout à fait indépendante, je vous conseillerai toutefois de reprendre les aventures de cette étonnante avocate dans l’ordre, simplement pour le plaisir de la rencontre tandis que la plume de l’autrice se fait toujours plus fluide et incisive, efficace et percutante dans ce roman où l’enquête policière n’est pas non plus au premier plan.
En bref, si Pauline Carel est de retour, Pétronille Rostagnat nous offre un roman au titre évocateur, assez différent de ses précédents opus, tout en noirceur et en émotions, sans aucun doute plus personnel pour une charge émotionnelle plus importante. Et c’est réussi !