Si les pierres pouvaient parler… “Vue mer” de Luce Michel, paru le 15 mars 2023 aux éditions Marabout dans la collection BlackLab.
Le pitch : « Un dernier regard à mon reflet dans le rétroviseur. Une mèche de cheveux que je remets en place, une moue, mon nez se plisse, les légères rides autour de mes yeux s’accentuent. Et dire qu’à vingt-cinq ans, je trouvais qu’elles me donnaient du caractère. Quelle connerie ! Mon pouls s’emballe. Nouvelle vie, nouveau départ. Les entretiens, d’ordinaire, c’est moi qui les mène. Celui-là, je compte bien le réussir. Je veux ce logement, je veux vivre sur l’île, je veux la vue mer. Je veux les apéros au soleil couchant, le sable entre mes orteils, la traversée vers le continent tous les matins du monde. Je veux du rêve, de l’amour, de l’espoir, bordel. Je les mérite. Foufoune Power ! Mon poing frappe le volant, plus fort que je ne l’aurais souhaité. Je suçote l’endroit où ça fait mal, ferme les yeux. It’s the final countdown. Ça chante dans ma tête. Oui, dernier compte à rebours.
Et je remporterai la manche. Je suis prête. »
Une île méditerranéenne, une belle maison, vue mer, des chambres à louer, seulement à des femmes. Idyllique, pourrait-on penser. Mais autour de Laurette, la propriétaire de 85 ans, on meurt un peu trop. Dans cette galerie de portraits de femmes, il est bien difficile de savoir qui est victime ou qui est coupable. Ou les deux.
Je ne connaissais pas Luce Michel avant qu’on ne m’offre l’opportunité d’animer quatre lives avec les Louves du Polar sur la page Facebook du site BePolar à l’occasion du mois de l’Ultra Noir : Si j’aime autant mes folles tribulations littéraires, c’est justement parce qu’elles m’offrent de très belles découvertes !
A travers ces pages, l’autrice nous propose un roman choral qui fleure bon la mer et le soleil… Mais surtout la noirceur et les secrets !
Une noirceur subtile, qui s’installe entre les lignes plus sournoisement qu’un orage qui monte sans crier gare : L’air de rien, la tension monte et l’atmosphère passe de légère à oppressante voire hostile, le climat s’alourdit, l’ambiance s’assombrit… Et bientôt ce sont les émotions qui éclatent.
Des émotions diverses et contradictoires, d’un chapitre à l’autre, d’un personnage à l’autre : Une galerie de portraits fort bien croqués et approfondis, presque exclusivement féminins… Parmi lesquelles Laurette : redoutable matriache et propriétaire de ce petit coin – qui n’a de paradis que son annonce -, aussi fantasque que versatile, aussi irascible avec ses enfants qu’affable avec sa petite fille, véritable pilier de l’histoire qui raconte beaucoup d’histoires…
En côtoyant ce personnage dont on se demande si on la connaîtra jamais vraiment, l’autrice nous suggère plus qu’une invitation au voyage, plutôt une invitation à la fuite ou à l’évasion… Avant l’acceptation de soi, aussi, sûrement.
Ainsi les révélations s’enchainent et se multiplient tandis que chacun se dévoile (ou pas…) dans ce décor idyllique (ou pas !) au fil d’une plume fluide et élégante, très visuelle mais aussi piquante et non dénuée d’un certain cynisme.
En bref, pour sa première incursion en littérature noire, Luce Michel nous propose un roman noir absolument unique !