Coup de cœur à perpétuité : “Cinq cœurs en sursis” de Laure Manel, paru le 28 mars 2024 aux éditions Michel Lafon.
Le pitch : Une famille unie peut-elle surmonter l’impardonnable ?
Catherine est l’épouse comblée de Marc. La mère épanouie d’Anaïs et Florian. La fille aimante de Josette. La sœur complice de Nathalie. Catherine est une femme bien, comme il faut.
C’est du moins ce que tous pensaient, jusqu’à ce que la police vienne l’arrêter. Commencent alors pour ses proches l’attente et les doutes…
Plus qu’une simple lecture, chaque roman de Laure Manel constitue une véritable aventure humaine. Je le sais depuis que j’ai découvert sa plume avec “La délicatesse du homard” qui paraissait alors en autoédition, je l’ai constaté au fil des intrigues, de “L’embarras du choix” à “Ce que disent les silences” en passant par “La mélancolie du kangourou“, “L’ivresse des libellules“, “Le sourire des fées“, “Le craquant de la nougatine” ou “Les dominos de la vie“. Et bien que “Cinq cœurs en sursis” se révèle différent de ses aînés, il n’en répond pas moins à cette absolue vérité…
A travers ce touchant roman choral, Laure Manel s’intéresse à un “dommage collatéral” pas si fréquemment évoqué, que ce soit en littérature ou ailleurs, car ignoré et pourtant inéluctable : la famille d’une personne mise en cause dans une affaire criminelle. Une famille qui n’a rien fait et se retrouve pourtant montrée du doigt, déclarée coupable par contagion, bien souvent avant toute décision judiciaire de condamnation, victime d’un terrible cataclisme absolument impossible à anticiper ni limiter.
Dès lors il faut surmonter l’absence de l’un tout en subissant le regard des autres. Faute de pouvoir s’y préparer, chacun le vit, y survit à sa manière ainsi qu’on le découvre aux côtés d’Anaïs, Florian, Marc, Josette et Nathalie, respectivement les enfants, l’époux, la mère et la sœur de l’accusée, Catherine. Une famille sans histoire, bien sous tous rapports, et qui vole en éclats par la force des choses. A leur égard, l’empathie est foudroyante, immédiate, évidente.
S’il a pu me manquer une version des faits, c’est sans doute une déformation professionnelle car le propos n’est pas là. Car ce récit respecte d’abord tous les codes du polar mais n’en est pas un. Car ce récit a tout du roman noir mais n’en est pas un. Car à chaque roman, Laure Manel sait se renouveler sans oublier l’émotion et la psychologie des personnages. Elle est essentielle dans cette histoire et l’autrice y a apporté un soin d’une minutie sans égale. Dès lors on voit chacun des protagonistes subir la déflagration, s’en accommoder à défaut de l’accepter, plier sans céder, écumer sans se noyer, avancer en pleine tempête, envers et contre tout. Envers et malgré tout. C’est beau, c’est bouleversant. Avec une mention spéciale pour Anaïs à laquelle je me suis particulièrement attachée.
Mais si ce roman est aussi prenant, poignant, ce n’est pas uniquement parce qu’il est fort bien construit, pensé avec finesse et subtilité, ce n’est pas uniquement parce qu’il est servi par une poignée de personnages étoffés avec un véritable supplément d’âme et beaucoup d’humanité, c’est aussi parce qu’il est porté par une plume bigrement fluide et émouvante, d’une incroyable sensibilité. Ajoutons à cela que les chapitres sont courts et donnent du rythme, vous comprendrez sans difficulté que ce roman se lit aussi vite qu’il nous pousse à une vive réflexion : Comment aurions-nous réagi dans une telle situation ?
En bref, à chaque roman, Laure Manel nous offre une nouvelle facette de son talent, mais toujours avec beaucoup de profondeur, de délicatesse et d’émotion. C’est encore le cas avec ce magnifique récit.