Une chronique impossible pour un thriller immanquable : “La prunelle de ses yeux” d’Ingrid Desjours, aux éditions Robert Laffont et au format poche chez Pocket.
Le pitch : Gabriel a vu sa vie basculer la nuit où Victor, son fils de 17 ans à qui l’avenir semblait pourtant sourire, a été sauvagement assassiné… Un drame épouvantable, un véritable traumatisme qui lui a ravi la vue parmi tant d’autres conséquences… Et s’il parvient à surmonter bien des épreuves au fil des années, la mort de son fils n’est pas de celles qu’on peut accepter, oublier, pardonner… Ca le ronge, jour et nuit, sans aucune rémission possible. Mais tandis qu’un nouvel élément pourrait faire toute la différence, il se met en quête de vérité et recrute alors la jeune et mélancolique Maya pour lui servir de guide, pour devenir ses yeux sans qu’il expose aux siens son véritable dessein… Et si la résolution du crime lui permettait de recouvrer la vue… Parmi tant d’autres conséquences…?
J’aurais pourtant dû me méfier : sous ses abords adorables et sympathiques, cette charmante auteure se révèle particulièrement dangereuse et redoutable pour qui se laisse prendre dans ses littéraires filets… Pour ma part, je ne me suis pas méfiée et c’est sans crainte que je suis allée la rencontrer au Salon du Livre de Mennecy… C’est même avec grand plaisir que j’ai pu échanger avec elle l’espace d’un instant, dérivant alors de “La Prunelle de ses yeux” et son titre écrit en braille jusqu’aux expériences dans le noir auxquelles on peut se soumettre pour prendre conscience du quotidien des personnes non-voyantes ou malvoyantes… Enchantée, je repartais avec un autre de ses titres, dédicacés à l’attention de mon compagnon pour compléter sa collection… Seulement je fus prise à mon propre jeu, la simplicité et l’enthousiasme de l’auteure me touchaient plus que je ne saurais ici l’expliquer… Le coup de coeur avait déjà frappé, aussi n’ai-je pas pu m’empêcher de vouloir à mon tour découvrir cette plume… Après moult réflexions et conseils recueillis auprès de lecteurs plus avisés, je me suis finalement jetée sur le titre dont nous avions parlé, ce titre et pas un autre… Logique implacable et fatale : Je suis venue… J’ai lu… Je suis fichue…
Car c’est avec les yeux grands fermés* que je me suis laissée porter et emporter par ce bouquin, me plongeant dedans sans rien en voir ni en savoir, toute ma confiance étant placée entre les mains de l’auteure, inconsciente de l’envoûtant danger dont j’étais d’ores et déjà menacée…
Sans détour ni délai, l’auteure nous entraîne alors au coeur d’une intrigue aussi violente que prenante. Le ton est donné d’emblée, le décor est planté, les personnages présentés, les différents points de vue abordés pour un récit magistral, mené tambour battant d’un bout à l’autre du roman. Particulièrement puissante, l’intrigue ne laisse aucun répit au lecteur qui, soumis à un implacable suspense, à cette incroyable tension qui ne cesse de grimper jusqu’à atteindre son point de rupture, le contraignant à détourner les yeux pour les laisser déborder de ce trop plein d’émotions, de ce bouillonnement de sentiments qui s’est emparé de lui à l’instant fatidique du roman, reste tenu en haleine et les sens en alerte, ne pouvant dès lors s’empêcher de tourner les pages avec frénésie, malgré la tristesse ou la colère, la douleur ou la révolte qui a pu infiltrer son âme meurtrie, ce qui n’empêche pas l’auteure de disséminer ça et là quelques touches d’humour et d’amour pour alléger quelque peu l’atmosphère.
La faute à qui si ce roman est aussi intense ? Celle des personnages, incontestablement les véritables vecteurs de ces émotions et sentiments qui nous submergent au fil des pages, tandis qu’ils se révèlent et se dévoilent sous notre regard. La dimension psychologique est primordiale, la société, ses maux et ses travers brillamment pointés du doigt, ce qui contribue à faire de ce roman une lecture hors norme et mémorable.
Car la plume de l’auteure sait griffer là où ça fait mal, se montre efficace en plus d’être soignée et élégante pour apporter tout son sens à l’histoire, pour lui insuffler cette tension qui met nos nerfs et notre âme à rude épreuve d’un bout à l’autre du roman… Et c’est déjà la fin…
En bref ? Plus qu’un thriller atypique… Un roman noir, très noir dont le titre finira par prendre tout son sens à vos yeux qui ne savent pas – ou ne veulent pas peut-être – toujours voir… Pour ma part un coup de coeur affirmé et confirmé pour cette auteure et son roman que je découvre… Le premier d’une longue série à n’en point douter…
*Les yeux grands fermés sont une attraction du Parc du Futuroscope que je vous invite à découvrir en cliquant juste ICI !