C’est aujourd’hui Henri Duboc qui me fait l’immense honneur de se prêter au jeu de mes petites questions indiscrètes! Ayant eu la chance de le rencontrer à l’occasion de la soirée Bookeen, organisée le 16 juin à Paris, cet auteur d’un premier roman, “Après.com“, paru aux éditions Velours en 2012 (sous le pseudo Henri Gé), nous présentait ce soir-là son dernier bébé, “Dieu 2.0 – La Papesse Online“, paru fin 2015 aux éditions Lajouanie. Je ne pensais certes pas être la lectrice la plus “adaptée” pour un tel roman… Pour autant l’enthousiasme qui a animé cet écrivain/médecin/chercheur/professeur/étudiant (Si, si, tout ça en une seule et même personne, fort sympathique au demeurant!) a suffi à me convaincre, et c’est finalement avec un immense plaisir que je partageais avec vous mon coup de cœur tout récemment!
Trêve de bavardages, je ne vous fais pas languir plus longtemps et vous laisse donc découvrir ses réponses… Bonne lecture !
praticien hospitalier. Médecine,
enseignement et recherche sont des métiers que je fais très sérieusement, mais
sans jamais me prendre au sérieux ! J’aime l’esprit de compagnonnage, d’échange,
j’aime jouer collectif et porter des dynamiques qui tirent les gens et les
équipes vers le haut. Je déteste les idées préconçues et les donneurs de leçon,
j’aime les projets et les résultats… Et je suis surtout un jeune papa très
heureux qui fait passer sa famille avant tout le reste !
lire ! Petit lecteur quantitativement, grand lecteur qualitativement :
une fois qu’un auteur me plait, je vais lire et relire plusieurs fois tout ce
qu’il a écrit… En revanche, si je ne rentre pas dans un livre dans les 30
premières pages, ne comptez pas me revoir. Mes lectures ont dans ma vie une
place fondamentale, un peu comme un bijou : on n’en a pas beaucoup,
mais on y fait très attention et on les entretient souvent.
Ce sont d’abord des
romans bien précis qui m’ont profondément façonné à l’adolescence. A l’âge de
15 ans, l’école m’avait foncièrement dégouté de la lecture à coup de
classiques que je n’étais pas prêt à lire (J’ai rendu ma fiche de lecture du
“Rouge et le Noir” de Stendhal sans avoir pu le terminer…)
Bref, il ne me restait
que Gaston Lagaffe : fasciné, je ne comprenais pas comment de simples
planches de papier dessinées puissent avoir un tel pouvoir, capables de faire
passer de pareilles émotions – Franquin en l’occurrence usait de celui de faire
éclater de rire. Je les lisais et relisais sans cesse… Jusqu’au déclic, quand j’ai retrouvé par la suite ce même
“pouvoir” qu’ont les livres de vous rendre captif d’une histoire chez
certains romanciers ou biographes. C’était d’autant plus fascinant qu’il ne
restait plus que le texte, sans les images.
Mon premier coup de cœur a été une “révélation”: un ami de mes parents – très grand lecteur et
capable de lire de tout – m’avait offert “Les Robots” d’Isaac Asimov et “Les
Chroniques Martiennes“ de Ray Bradbury. C’était la première fois que je touchais une
couverture de science-fiction : la curiosité est venue, comme cela
correspondait aux attentes d’un adolescent nourri à Star Wars, je m’y suis mis,
partant à la recherche de lasers et de monstres verts. Que nenni, la gifle fut énorme :
les réflexions sur la condition humaine, glissées dans ces histoires et ces
décors, donnaient une texture formidable à ces récits. Ce n’étaient en
rien des aventures extraterrestres, mais d’authentiques « aventures
humaines », au sens « humanité » du terme. Ces deux romans ont préparé
le terrain à “Hypérion” de Dan Simmons. Le coup de cœur fût là. Tout n’était que
beauté, poésie et émerveillement devant des mondes superbement bien pensés et
anticipés, dans des pavés que je ne me serais jamais cru capable de lire.
parle tout le temps ! L’excellente biographie de Louis Pasteur par
Erik Orsenna, un véritable hommage au génie de Pasteur. “Les Lucioles” de Jan
Thirion, un roman court, poignant, qui explique aux enfants ce qu’est le totalitarisme…
Et l’inénarrable “Je m’appelle requiem et je t’…” de Stanislas Petrosky, une résurrection
de Frédéric Dard qui ne se destine pas à tous les yeux, bourré d’argot vert et
outrageusement fleuri…
Aucun auteur ne m’a poussé à
écrire, nous ne sommes absolument pas littéraires dans ma famille, et si on
m’avait dit qu’un jour j’écrirais des bouquins, je l’aurais pris comme une
mauvaise plaisanterie… Toutefois, mes parents invitaient souvent un ami
historien, Michel Herubel, qui a notamment signé un fabuleux “Surcouf“,
et ça marque tout de même un enfant que de rencontrer quelqu’un qui écrivait “pour de vrai”.
il y a une petite histoire qui vaut le détour : c’est venu du mon métier
de médecin, pendant une garde calme en réanimation, quand j’étais interne au
CHU de Nîmes. Un stage génial : des semaines de 60 heures, on se serrait
les coudes, les chefs et l’équipe soignante étaient composés de gens extraordinaires
à tout point de vue, professionnels, humains… Parce que de l’autre côté de la
blouse, vous encaissez des horreurs, vous voyez des patients – jeunes ou âgés –
souffrir, mourir, parfois sans rien pouvoir y faire, vous apprenez à gérer des
coups de stress à la manière d’« Urgences », et vous parlez avec des
familles dévastées par le malheur… Bref,
tout cela vous travaille inévitablement et inconsciemment. Ce soir-là, j’étais épuisé, et mon chef me dit “c’est calme, on est plein, va te coucher, j’ai des trucs à rédiger donc
je gèrerai s’il y a un souci”. Et impossible de dormir. Un besoin de
faire sortir tout cela. Je me suis mis au clavier et j’ai commencé à romancer
un chapitre parlant de médecine, puis deux… Puis je les ai envoyés à des
camarades, qui m’ont dit “c’est bien, continue…”. J’y revenais tous les six mois. Au bout de deux
ans, il devait y avoir huit chapitres jetés dans mon ordinateur, et un fil
conducteur. Et quand j’ai vu le ventre de ma femme s’arrondir, je me suis dit “c’est maintenant ou jamais!”. En deux week-ends “café – peignoir – chaussettes de ski – pas mangé – pas rasé”, mon premier
roman “Après.com“, qui parle de fin de vie et d’éternité numérique
via internet, était terminé.
d’appropriation bizarre, je respecte trop les auteurs et les livres pour prétendre écrire le livre
d’un autre. En revanche, je rêve souvent d’avoir connu Sir Ernest Shackleton,
j’aurais aimé écrire sous sa dictée “L’Odyssée de l’endurance“, et
avoir la chance de connaître cet homme fabuleux : l’histoire véritable d’un explorateur
polaire, parti à la veille de la guerre de 14, et perdu deux ans sur la banquise… Eh
bien il a ramené tous ses hommes vivant. Alors l’entendre de la voix de
Shackleton lui-même….
Cordelia Vorkosigan“, de Loïs Mac Master Bujold, c’est de la SF chevaleresque
écrite par une femme à l’imagination sans fin et souvent primée. Je dirais que
j’aime les risques que prend son personnage principal, pour l’avenir de sa famille,
souvent en suivant son cœur et ses intuitions… Et que j’aimerais construire un
futur comme celui-là pour ma propre famille.
Quel est ton livre de chevet ? Et celui qui cale ta bibliothèque ?
mort pour la France“, de Marie-Claire Scamaroni, l’histoire d’un grand résistant Corse. Ceux qui
qualifient – un peu à l’excès – les grands sportifs de “héros” devraient consacrer quelques heures à ce livre.
ce sont “Les Thibault” de Roger Martin du Gard, en bon appui sur “La
Princesse de Clèves” de Mme de La Fayette, qui elle-même s’appuie copieusement sur je ne sais plus
quel Stendhal… Je suis désolé, j’ai essayé, plusieurs fois, mais je n’ai
jamais eu le déclic, et je pense qu’il en viendra jamais.
l’histoire ! J’ai rendu le manuscrit corrigé de l’épisode 2 tout récemment… Le
premier était harmonieux, posait l’univers et vous présentait ces personnages
atypiques et attachants… Et bien dans celui-là, on va aller vers quelque chose
qui rentre plus dans le vif du sujet. Plus sombre, plus pragmatique… Beaucoup
plus d’aventures, et une première partie sur les chapeaux de roues… Toujours
autant d’imagination et de construction, avec une “vraie” promenade
dans le futur, et un personnage énigmatique dont vous ne comprendrez l’origine et
la fonction… Que dans le tome 3 ! Disons qu’on quittera le tome 2 avec une
tonne de questions et que le tome 3 se finira… Motus !
Il est simple : merci à des gens comme toi de faire
vivre les livres. Les bloggeuses et bloggeurs, vous avez réinventé la critique
littéraire, vous vous l’êtes réappropriée, vous l’avez ré-humanisée, par le
fait que vous lisez les livres véritablement, que vous faites un travail de
fourmi, de passionnés, là où certains professionnels ne font que des survols
rapides et souvent trop conventionnels. Vous y passez un temps fou,
bénévolement, vous êtes de tous les salons, et la qualité de l’engagement à, au
fil du temps, rejoint la qualité de rédaction des critiques ! En
littérature, on ne peut pas tout aimer : aussi, quand on commence à s’attacher à un blog
qu’on apprécie, on est finalement assez en accord avec ce qu’on lit dans les
avis, et cela devient de véritables bons conseils… Parce que vous écrivez
toujours en pensant au lecteur, et au plaisir de la lecture. Alors merci !