Un premier roman captivant, aussi court qu’intense : “Blizzard” de Marie Vingtras, paru ce 26 août 2021 aux éditions de l’Olivier.
Le pitch : “Je l’ai perdu. J’ai lâché sa main pour refaire mes lacets et je l’ai perdu. Je sentais mon pied flotter dans ma chaussure, je n’allais pas tarder à déchausser et ce n’était pas le moment de tomber. Saleté de lacets. J’aurais pourtant juré que j’avais fait un double nœud avant de sortir. Si Benedict était là, il me dirait que je ne suis pas suffisamment attentive, il me signifierait encore que je ne fais pas les choses comme il faut, à sa manière. Il n’y a qu’une seule manière de faire, à l’entendre. C’est drôle. Des manières de faire, il y en a autant que d’individus sur terre, mais ça doit le rassurer de penser qu’il sait. Peu importe, j’ai lâché sa main combien de temps ? Une minute ? Peut-être deux ? Quand je me suis relevée, il n’était plus là. J’ai tendu les bras autour de moi pour essayer de le toucher, je l’ai appelé, j’ai crié autant que j’ai pu, mais seule le souffle du vent m’a répondu. J’avais déjà de la neige plein la bouche et la tête qui tournait. Je l’ai perdu et je ne pourrai jamais rentrer. Il ne comprendrait pas, il n’a pas toutes les cartes en main pour savoir ce qui se joue. S’il avait posé les bonnes questions, si j’avais donné les vraies réponses, jamais il ne me l’aurait confié. Il a préféré se taire, entretenir l’illusion, prétendre que j’étais capable de faire ce qu’il me demandait. Au lieu de cela, dans cette terre de désolation qui suinte le malheur, je vais ajouter à sa peine, apporter ma touche personnelle au tableau. Il faut croire que c’est plus fort que moi.”
Une fois n’est pas coutume, j’ai préféré vous proposer ce premier chapitre soufflé par Bess plutôt qu’un résumé parce qu’il vous offre un véritable aperçu de ce formidable roman, lequel m’aurait sans doute échappé si François Busnel n’en avait pas fait l’éloge face à son autrice sur le plateau de rentrée de la Grande Librairie.
Pour sa première incursion littéraire, l’autrice nous entraîne au fin fond de l’Alaska, terre d’autant plus hostile qu’elle est balayée par le blizzard. Un enfant s’évanouit alors au cœur de la tempête, et c’est à partir de ce postulat que Marie Vingtras nous propose un huis clos à ciel ouvert redoutablement maîtrisé, construit comme un thriller duquel on ne peut s’échapper ni réchapper. Et tandis que la neige efface tout, c’est le passé qui vient à émerger…
Car chacun des personnages prendra la parole à tour de rôle et au gré des chapitres à travers ce roman choral judicieusement introspectif : à la recherche de l’enfant, à la recherche d’eux-mêmes aussi, l’autrice prenant soin de dévoiler peu à peu l’histoire de ses personnages pour nous permettre ainsi de comprendre les liens entre eux mais aussi la raison de leur présence au beau milieu de cette nature si hostile.
Mais si ce roman est immersif de part sa narration, habilement menée à la première personne, il s’avère aussi particulièrement prenant par son écriture vive et percutante. Les phrases comme les chapitres sont courts et apportent ainsi rythme et tension à cette lecture, traduisant à la perfection cette course folle dans laquelle l’autrice a su nous entraîner avec audace et efficacité pour nous tenir en haleine de la première à la dernière ligne.
En bref, un premier roman épatant qui porte, emporte et transporte, qu’on lit dans l’urgence tant il est impossible à lâcher !