Chroniques 2018 Est-ce ainsi que les femmes meurent ? de Didier Decoin

Un court roman d’un effroyable réalisme et d’une terrifiante humanité : “Est-ce ainsi que les femmes meurent ?” de Didier Decoin, paru aux éditions Grasset et chez Livre de Poche.
 
Le pitch : La vie de Catherine dite Kitty Genovese s’est dramatiquement achevée par une nuit glaciale en ce mois de mars 1964 à New York… Poignardée et violée dans son quartier par le sinistrement célèbre Winston Moseley… Sous les yeux de 38 témoins, des voisins protégés par leurs fenêtres et qui n’ont pas jugé bon d’intervenir…
 
Si cet illustre membre de l’Académie Goncourt ne m’est pas inconnu, c’est parce que j’ai déjà eu la chance de découvrir sa plume en me plongeant dans son roman “Le bureau des jardin et des étangs“… C’était l’an dernier et je me souviens d’un voyage de tous les instants… A côté duquel j’étais pourtant inexplicablement passée… Il me tenait à coeur alors de réitérer l’expérience, aussi ai-je bien volontiers saisi cette occasion en rencontrant l’auteur au Salon “Livr’A Vannes” et en me procurant ce court roman, d’un genre totalement différent…
 
Si ce roman “se lit dans un frisson” selon la quatrième de couverture, c’est bel et bien le cas, mais celui qu’on croit. En effet l’auteur conte ici une histoire vraie qui a tristement défrayé la chronique par le passé. Pas tant pour l’atrocité du crime que pour la passivité des témoins… Qui ont finalement laissé mourir la malheureuse victime sans la moindre réaction… Et dans notre esprit surgit alors cette terrible question qui hantera pour longtemps encore nos nuits tandis que le malaise s’installe aussi : Pourquoi ?
Car ce qui est certain, c’est que les témoins ne manquaient pas : Ils étaient 38 ce soir-là à assister à la scène… Ou au macabre spectacle ? Bien loin de vouloir les juger, l’auteur décrit les faits, aborde différents angles pour essayer de comprendre comment on a pu en arriver là. Si la culpabilité du meurtrier est incontestable, on pourrait s’interroger sur la responsabilité de ceux qui n’ont pas bougé… Au lecteur de se forger son opinion et de la confronter à l’épilogue au terme de cette lecture fort bien documentée… Parce qu’il est tout de même bien facile de compter sur l’autre pour intervenir…
Et c’est là que naît le frisson… Car il est bien beau de juger les autres et de fanfaronner derrière son bouquin… Mais qu’aurions-nous fait à leur place ? Qu’aurions-nous vraiment fait ? Aurions-nous joué les héros comme on l’espère tant ? Ou bien aurions-nous pu réagir de la même façon qu’eux… Malheureusement, l’histoire ne nous le dit pas car nous n’y étions pas et nous ne le serons jamais…
Mais c’est justement là toute la force du roman, car de cette plume magistrale, de ce style redoutable, l’auteur nous offre une vision cruellement réaliste de notre folle société… Une vision qui nous pousse forcément à prendre du recul sur la situation et à réfléchir… Pour peut-être faire bouger les choses… Pour peut-être sauver des vies à l’avenir…
 
En bref, voilà un roman dont la lecture est rapide mais l’impact durable… Un livre aussi passionnant que bouleversant, interrogeant notre humanité pour longtemps…

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