Lecture commune \ La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr

Dimanche 16 janvier… A peine 2022 s’est-il lancé que ce nouvel an est déjà bien entamé. Se pourrait-il qu’une faille spatio-temporelle ait profité de la crise sanitaire pour s’ouvrir et accélérer ce temps que je ne vois décidément plus passer ? Le débat est lancé ! En attendant je suis ravie de vous retrouver aujourd’hui pour une dernière lecture commune que j’ai pris tant de plaisir à organiser !
Tout a commencé en septembre dernier… J’étais sur le point de conclure la lecture précédente et, noyée parmi les très (trop ?) nombreux livres de la rentrée littéraire, je peinais à me décider quant au titre à bouquiner pour poursuivre cette belle aventure… Après moult tergiversations, j’ai fini par opter pour la solution la plus simple. La plus radicale. La plus efficace. Le choix du cœur, le choix de la lectrice passionnée, le choix du petit préféré de la PAL. Et c’est tombé sur “La plus secrète mémoire des hommes” de Mohamed Mbougar Sarr.
Une fois n’est pas coutume, c’est un auteur que je connaissais depuis déjà quelques années pour l’avoir découvert à l’occasion du Café Culture que j’organisais alors dans le cadre professionnel avec mon amie Valérie, lorsque nous pouvions encore nous réunir sans que cela ne pose difficulté. Je m’en souviens encore comme si c’était hier, c’est ma collègue Katia qui nous l’avait fait découvrir en nous présentant alors son roman “Terre Ceinte“. Malheureusement Katia nous a maintenant quittés, au terme d’un combat acharné contre la maladie. Je me permets donc de lui dédier ce petit article, humble hommage d’une lectrice à une autre : Tu n’imagines pas à quel point j’aurais adoré discuter de ce roman avec toi ma chère Katia… Je digresse et je m’en excuse, mais c’était très important pour moi.
J’ai donc opté pour le choix du cœur en septembre dernier, le proposant dès lors à ma petite Communauté du Bouquin qui a su répondre présent à mon appel livresque… Sans savoir que ce livre deviendrait le lauréat du Prix Goncourt 2021 deux mois plus tard : J’en suis d’autant plus ravie et enchantée ! Aussi, et même si j’ai déjà eu la chance et le plaisir de pouvoir le faire de vive voix à la Foire du Livre de Brive, j’en profite une nouvelle fois pour chaleureusement féliciter ce grand écrivain pour cette prestigieuse distinction littéraire… Et maintenant : Place au bilan !

Le livre dans ses moindres détails…

Titre : La plus secrète mémoire des hommes
Auteur : Mohamed Mbougar Sarr
Edition : Philippe Rey / Jimsaan (coédition franco-sénégalaise)
Date de parution : 19 août 2021
Format : Disponible au format papier et en version numérique
Nombre de pages : 448
Prix : 22 euros au format papier et 14,99 euros en version numérique
Résumé : En 2018, Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais, découvre à Paris un livre mythique, paru en 1938 : Le Labyrinthe de l’inhumain. On a perdu la trace de son auteur, qualifié en son temps de ” Rimbaud nègre “, depuis le scandale que déclencha la parution de son texte. Diégane s’engage alors, fasciné, sur la piste du mystérieux T. C. Elimane, où il affronte les grandes tragédies que sont le colonialisme ou la Shoah. Du Sénégal à la France en passant par l’Argentine, quelle vérité l’attend au centre de ce labyrinthe ?
Sans jamais perdre le fil de cette quête qui l’accapare, Diégane, à Paris, fréquente un groupe de jeunes auteurs africains : tous s’observent, discutent, boivent, font beaucoup l’amour, et s’interrogent sur la nécessité de la création à partir de l’exil. Il va surtout s’attacher à deux femmes : la sulfureuse Siga, détentrice de secrets, et la fugace photojournaliste Aïda…
D’une perpétuelle inventivité, La plus secrète mémoire des hommes est un roman étourdissant, dominé par l’exigence du choix entre l’écriture et la vie, ou encore par le désir de dépasser
la question du face-à-face entre Afrique et Occident. Il est surtout un chant d’amour à la littérature et à son pouvoir intemporel.
Incipit : “27 août 2018
D’un écrivain et de son œuvre, on peut au moins savoir ceci : l’un et l’autre marchent ensemble dans le labyrinthe le plus parfait qu’on puisse imaginer, une longue route circulaire, où leur destination se confond avec leur origine : La solitude.”

Verdict de mes acolytes…

Si la plupart de mes acolytes ne connaissait pas l’auteur ni son livre en démarrant cette lecture, l’auteur n’était pas un illustre inconnu pour autant : Ainsi Franck avait déjà l’un de ses titres dans sa PAL et avait eu vent de cette parution par la presse littéraire, et Céline l’avait croisée parmi de nombreuses sélections littéraires en sa qualité de libraire. Quant à Nathalie, bibliothécaire de son état, elle a déjà eu la chance de recevoir l’auteur à l’occasion d’une rencontre en médiathèque pour ses précédents romans… Veinarde ! Et le Prix Goncourt qu’il s’est vu décerner depuis a définitivement sorti cet écrivain de l’ombre !
Pour autant beaucoup m’ont indiqué qu’ils se seraient volontiers laissés convaincre par ce livre, attirés tant par la couverture qu’ils ont globalement trouvée belle et élégante, stylée sans être trop chargée, que par le résumé qu’ils estiment accrocheur et intrigant pour l’essentiel.
C’est donc sans trop d’hésitation qu’ils se sont plongés dans cette lecture qui les a quasiment tous attirés dès les premières pages. Si quelques-uns abandonneront leur lecture en cours de route, ce n’est pas parce qu’ils ne l’ont pas appréciée mais plutôt pour sa complexité, préférant s’y replonger quand ils auront plus de temps à lui consacrer. A l’exception d’une lectrice, tous ont en effet aimé ce livre qu’ils ont trouvé “absolument époustouflant”, “dense et foisonnant de richesses humaines et littéraires”, ou encore “étonnant, déroutant, surprenant”, le décrivant même comme “un fabuleux roman à tiroirs” et même comme “un ravissement pour les lecteurs”.
Ce n’est certes pas une lecture facile et accessible à tous, la plupart en conviendra. L’œuvre est assez ardue, ses phrases relativement longues et son vocabulaire soutenu au point que certains ont gardé un dictionnaire à portée de main durant leur lecture. Pour autant la majeure partie de mes acolytes retiendra plutôt son style magnifique, ses “tournures somptueuses” et sa plume “d’une beauté rare” mais surtout, surtout : Son intrigue, son histoire. Selon mes lecteurs, peu de romans proposent en effet ce genre d’intrigue particulièrement belle, intéressante et enrichissante, qui mêle brillamment les genres “entre livre policier et roman d’apprentissage, entre conte philosophique et pamphlet politique”. L’un d’eux me dira même avoir été “chamboulé par un tel souffle romanesque” tandis qu’une autre a grandement apprécié la multiplicité des styles et des ambiances, en fonction des lieux qu’on a pu découvrir, en fonction des personnages qu’on a pu côtoyer. S’agissant de ces derniers d’ailleurs, l’une d’entre nous les a trouvés un peu trop nombreux, mais tous les ont globalement appréciés, les trouvant fouillés, étoffés en substance, dotés d’une personnalité propre. L’une d’entre nous indiquera même s’être plus attachée encore à T.C. Elimane, omniprésent sans jamais l’être, ce qui mérite d’être souligné.
Joliment qualifié de “complexe mais pas compliqué”, personne n’a pu ni su lire ce roman d’une traite, beaucoup préférant prendre le temps pour le bouquiner, estimant souvent qu’il mérite une certaine concentration. Quasiment personne ne s’attendait à une telle lecture en la démarrant, notamment parce qu’il est différent de ses précédents titres, mais surtout parce qu’ils n’avaient pas envisagé une telle quête, qu’il suscite une “réflexion intense sur le rôle de la littérature, des livres et des auteurs” et “questionne la place des auteurs africains dans la littérature française”.

Et votre blogueuse dans tout ça ?

Pour ma part j’ai tout simplement adoré ce livre, certes fort complexe mais d’une remarquable beauté, d’une incroyable richesse et d’une éblouissante maîtrise.
Si je me le suis procurée dès sa sortie en librairie, mon emploi du temps de greffière conjugué à mon activité de blogueuse ne m’ont pas permis de m’y plonger dès la rentrée… Je vous avouerai même bien volontiers avoir tenté de débuter ma lecture dans la file d’attente me conduisant jusqu’à son auteur alors que je me trouvais à la Foire du Livre de Brive, projet que j’ai bien vite abandonné à la lecture des premières pages, ceci pour ne pas “gâcher”, comprenant sans délai qu’il ne se laisserait pas lire aussi facilement, préférant moi aussi m’y plonger dès lors que j’aurai le temps nécessaire à lui consacrer : Ce que j’ai donc fait, précisément le 12 décembre dernier !
Si je l’ai lu pratiquement d’une traite, il m’a tout de même fallu une bonne journée pour le découvrir… Pour autant je me suis laissée happer dès les premières pages tournées, oui je me suis laissée entraîner dans ce curieux mais fascinant voyage à travers le temps comme l’espace, je me suis laissée embarquer dans cette passionnante quête doublée d’une captivante enquête pleine de suspense et teintée d’une certaine magie, je me suis laissée envoûter par ce captivant puzzle littéraire dont il m’a fallu assembler les pièces une à une pour en découvrir l’entière fresque… Ou plutôt le portrait. Oui j’ai aimé découvrir ce roman à travers le roman, cet auteur à travers l’auteur, j’ai volontiers parcouru ces pages ou ce labyrinthe de l’inhumain, j’ai volontiers suivi Diégane Latyr Faye ou T.C. Elimane… Au final je ne sais plus trop car là n’est pas le plus important : J’ai savouré chaque ligne de cette lecture à la fois affolante et vertigineuse, servie par une construction redoutable mais surtout par un style prodigieux et une plume absolument époustouflante. Oui j’ai savouré ce bel hommage à la littérature et à ses écrivains, j’ai grandement apprécié cette ode à la littérature africaine francophone. Ce livre n’est peut-être pas accessible à tous et je n’ai pas le talent de l’auteur pour en parler, mais il s’avère un véritable tourbillon littéraire comme j’en ai rarement lu !

Le mot de la fin ?

En conclusion j’en viendrai à ce Prix Goncourt que tous estiment largement mérité, et nombre de mes acolytes se laisseraient bien tenter par un autre titre de l’auteur. Beaucoup conseilleraient volontiers ce livre… Mais pas à tout le monde, afin qu’il soit apprécié à sa juste valeur. C’est d’ailleurs déjà fait pour certains d’entre eux tandis qu’une lectrice a déjà lu tous ses livres et attend donc son prochain ! Il n’est pas non plus inutile de préciser que la plupart de ma Communauté a acheté ce livre et estime son prix adapté, en tout cas pour la version papier qui a presque fait l’unanimité. Je terminerai enfin en précisant qu’avec les belles notes qu’elle a récoltées, cette lecture se voit attribuée la moyenne générale de 17,50 !
Je profite encore du mot de la fin pour chaleureusement remercier les membres de ma Communauté du Bouquin ayant joué le jeu, qui ont su me faire confiance en se plongeant dans cette lecture qui ne leur était pas forcément habituelle. A présent mes Bookinautes, c’est à votre tour de vous de découvrir “La plus secrète mémoire des hommes“… Et n’oubliez surtout pas de revenir nous en parler : Parce que la lecture est encore plus belle lorsqu’elle est partagée !

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