Quand un auteur entremêle réalité et fiction pour nous offrir un polar d’un redoutable intensité : “La détresse des roses” de Jack Jakoli, paru le 11 janvier aux éditions Hugo Thriller.
Le pitch : Inspiré de l’histoire vraie du « Dépeceur de Mons », l’un des pires serial killers que la Belgique ait connus.
Belgique. Il y a quelques années. Après avoir profité de sa victime deux jours durant, un homme s’installe dans le garage de ses parents pour démembrer le corps. Ce qui devait être une besogne l’enthousiasme et l’élève à un niveau qu’il ne soupçonnait pas. Il décide alors de joindre l’utile à l’agréable et de créer une œuvre qu’il compte bien exposer aux yeux de tous.
Nord de la France. Quelques semaines plus tard. Une patrouille de la territoriale est avisée de la découverte du bassin d’une femme le long d’un fleuve. Rapidement, les recherches stagnent, aucun indice, aucune trace, impossible d’identifier la victime et par conséquent, l’assassin. La piste belge est évoquée mais ne mène nulle part. Jusqu’à ce que de l’autre côté de la frontière, le tronc d’une femme soit également découvert dans un cours d’eau. Le morceau de corps est dépecé et les aréoles sont absentes, découpées avec soin. Débute alors une enquête qui marquera les esprits de tous. Particulièrement celui de Mélanie Penning, en poste à la Criminelle depuis un an. Repartie de zéro après la fin brutale de son mariage, l’enquêtrice subit de plein fouet les images insoutenables inhérentes à sa nouvelle fonction. Seule femme aux homicides, elle a tout à prouver et ne compte pas laisser ce prédateur continuer à faire son marché dans le monde de la nuit. Là où sa jeune sœur a ses habitudes.
Aussi impatiente que ravie à l’idée de retrouver enfin la plume de ce cher Jack Jakoli en début d’année, j’ai toutefois déchanté en apprenant qu’il sortirait le 11 janvier en librairie, soit PENDANT mon voyage de noces… J’en aurais presque agressé l’auteur en apprenant pareille nouvelle : Et le premier qui me rétorquera qu’il fait presque trois têtes de plus que moi devrait se rappeler que je lis sans doute plus de polars que lui pour sous-estimer ainsi ma dangerosité ! L’auteur, lui, le sait… Et me l’a sous la menace très gentiment envoyé quelques jours avant sa sortie… Figurez-vous qu’il est arrivé tout juste avant mon départ pour l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle, alourdissant ainsi les bagages de mon conjoint : Les miens affichaient déjà complet niveau bouquins ! Et c’est donc perdue au beau milieu de l’Océan Indien que je plongeais dans l’horreur…
Le second roman d’un auteur est souvent le plus compliqué à coucher sur papier, paraît-il. Et s’inspirer de faits réels pour celui-ci représentait un pari bien risqué. C’est pourtant avec brio que Jack Jakoli a relevé cet audacieux défi, et ce dès son avant-propos puisqu’il en avise son lecteur avec toute la réserve et le respect qui sont les siens, qui font de lui un enquêteur émérite doublé d’un auteur de talent.
Ceci étant écrit, l’auteur nous entraîne sans délai au cœur d’un polar aussi dense et intense que prenant et saisissant. Parce qu’il s’avère d’un réalisme, et plus encore d’une authenticité à toute épreuve. Non seulement parce qu’il s’inspire d’une histoire vraie, ce qui rend les faits dont il est question d’autant plus effroyables et glaçants. Mais aussi et surtout parce qu’on ressent tout le vécu, toute l’expérience de son auteur à travers ces pages, pour une immersion totale dont on ne peut ressortir indemne.
Ainsi l’auteur ne se contente pas de nous impliquer dans cette enquête particulièrement retorse et complexe, il nous intègre à l’équipe sans chichi ni concession pour nous en faire vivre le quotidien de l’intérieur, sur le terrain, au plus près de l’indicible, de l’intolérable, de l’inadmissible. Une affaire en appelle une autre et à l’horreur s’ajoute l’horreur et encore l’horreur : A charge pour nous d’investiguer sur le tout tandis que chaque ignominie s’imprime durablement dans notre âme comme sur notre rétine. Dès lors ce ne sont pas les sensations qui sont fortes mais bien plutôt les émotions.
Seulement l’auteur ne s’arrête pas à une intrigue redoutablement bien ficelée et remarquablement maîtrisée, non. Il l’agrémente de personnages dont il a minutieusement soigné la personnalité, la psychologie, l’humanité. Si ce récit est aussi crédible, c’est parce qu’il est servi de protagonistes qui le sont tout autant, ce qui rend les uns profondément attachants – comme Mélanie Penning, l’enquêtrice dont nous suivrons les pas pour le meilleur et pour le pire – quand d’autres se montreront plus inquiétants que jamais : Il n’est pas plus terrifiant qu’un serial killer qui se fond dans la masse…
Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce roman dont je ne parlerai toutefois pas davantage afin de vous en laisser toute la primeur, la pleine et entière découverte. J’ajouterai simplement que ce récit est d’autant plus prenant, vif et vivant qu’il est rythmé par des chapitres courts, servi par une plume étonnamment juste et très visuelle – nous offrant des scènes terriblement marquantes mais sans voyeurisme ni gratuité -, un style percutant et incisif, tant et si bien qu’on ne peut finalement lâcher ce bouquin sitôt qu’on l’a commencé.
En bref, Jack Jakoli signe là un thriller aussi sombre qu’efficace, encore plus poignant et vecteur d’émotions quand on en connaît l’origine… En un mot : Sidérant !