Chroniques 2023 \ Atlantique de Marie Lacire

Marée haute pour roman singulier : “Atlantique” de Marie Lacire, paru ce 24 août aux éditions Plon.

Le pitch : Il n’y a pas de place pour deux écrivains à Naujac.
L’été, sur la côte Atlantique. Anne, écrivain, parisienne, se retrouve coincée avec Phil dans une maison de vacances abandonnée depuis des années, envahie par la végétation, les meubles rustiques et revêtue d’un crépi beige. ” Un truc de fait divers “. La maison de sa belle-famille.
Elle veut faire table rase du passé, lui est attaché aux choses.
Sous le soleil, entre souvenirs d’enfance, coupe du laurier et tris tous azimuts, Anne se débat avec elle-même. Elle doit écrire un second roman mais n’y arrive pas, fonce sur les routes du Médoc, s’accroche à son couple et à cette maison qui n’est pas la sienne.
Au bout du chemin, elle rencontre un romancier connu, reconnu, qui l’accueille à bras apparemment ouverts. Est-ce une sortie du huis clos, une forme d’espoir, une réflexion sur la place que l’on prend ?
Un roman, la vie, ou comment entrer dans l’Océan.

J’ignorais tout de ce titre jusqu’à ce que Yohan, libraire de l’Oncle Tome à Soulac sur Mer, m’en propose la découverte durant mes congés… Oui, dans le Médoc donc. Oui, après avoir rallié Royan depuis Paris puis avoir pris le bac pour atterrir pas loin de Talais et Montalivet, entre l’océan et la forêt. Oui, face à l’Atlantique donc. Le cadre idéal pour me plonger dans cette lecture entre deux baignades.

Anne n’est pas de l’Atlantique mais son histoire m’a fait penser à cette chanson de Pascal Obispo
“Tu dis souvent que je m’agite
Je m’agite
Et puis je fais le mort
Et puis des vagues encore
Je suis d’accord
Tu dis toujours que je m’invente
Des moulins
Des combats qui ne servent à rien
Comme si l’eau remontait les pentes
Je brasse à contre-courant
Mais c’est pas moi c’est l’océan”
Ici ce n’est pas tant l’océan qui se retrouve incriminé mais plutôt Phil et sa maison de campagne délabrée.
Dans ce premier roman aussi détonant que déconcertant, l’autrice nous fait partager les états d’âme d’une héroïne à la dérive. Avis de tempête sur son existence, il serait temps de repérer le Cordouan avant de faire naufrage. Et son phare est un écrivain, il habite même au bout de sa rue.
Tel l’Atlantique qu’un rien anime, Anne se retrouve prise dans une baïne. Celle de ses souvenirs dans une vieille demeure familiale qui n’est pourtant pas la sienne. Celle de son couple fondé sur du sable auquel elle s’accroche pourtant. Celle d’une inspiration qui prend le large et la laisse seule face au syndrome de la page blanche. Une protagoniste dont le caractère déroute, déstabilise, agace même… Avant qu’elle ne finisse par lâcher prise pour se laisser porter, et le lecteur avec elle : C’est la meilleure façon d’en réchapper !
Ainsi l’autrice aborde les affres de l’amour et de la création à travers un livre court, au style volontairement décousu et encombré, servi par une plume déchainée, à l’image de l’océan mais aussi des émotions qu’elle cherche à capturer, rythmé par des chapitres brefs pour éviter de boire la tasse.

En bref, Marie Lacire et son personnage semblent être comme Pascal Obispo :
“J’étouffe à l’air de déjà-vu
Déjà-vu
Alors je change souvent de ciel”
Aussi nous offrent-elles un bouquin atypique et tumultueux auquel je souhaite, telle la fée des vents du large “Du rêve et des états uniques”.

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