Un ouvrage plus dangereux qu’une drogue dure et un auteur plus redoutable que le diable : “Malgré toute ma rage” de Jérémy Fel, paru ce 23 août aux éditions Rivages.
Le pitch : C’est enfin la liberté et l’insouciance pour Juliette, Chloé, Manon et Thaïs : les premières vacances entre amies, à l’autre bout du monde – l’Afrique du Sud. Mais celles-ci vont être de courte durée : l’une d’entre elles est enlevée au bout de quelques jours et sauvagement assassinée. Alors que l’enquête commence au Cap, les proches de la victime, évoluant dans le milieu feutré et trompeur de l’édition parisienne, tentent douloureusement de faire leur deuil. Véritable déflagration familiale, la mort de la jeune fille encourage les protagonistes à se dévoiler peu à peu, et souvent pour le pire.
Depuis que j’ai découvert sa plume en 2015 avec “Les loups à leur porte“, chaque nouvelle parution de Jérémy Fel est un rendez-vous littéraire que je ne saurais manquer. Je suis donc allée en librairie ce 23 août, un exemplaire de ce livre m’y attendait et j’ai pris la direction du Cap dans la foulée. Pour le meilleur ? J’en doute ! Pour le pire ? Sans aucun doute !
Car cet auteur n’a pas son pareil pour se renouveler tout en restant dans l’obscurité la plus complète. De celle qui vous happe et vous attrape, vous fait flipper au moindre grincement, au moindre craquement… Il n’y a pourtant rien, ni sous votre lit ni dans le noir… Quoique : Avez-vous seulement vérifié ? Même les cœurs les plus purs ont leur zone d’ombre…
Ainsi l’auteur démarre par un prologue qui donne le ton : Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance… Un lecteur averti en vaut deux, vous voilà donc prévenus : Cette lecture s’annonce éprouvante… Mais vous n’imaginez pas encore à quel point ! Sans que je ne puisse m’en expliquer, il ne m’a fallu que quelques pages pour pressentir qui parmi les protagonistes seraient la victime et le coupable. Peut-être mon addiction au polar, peut-être l’instinct. Ou peut-être suis-je bien plus dangereuse que vous ne pensiez. Soit. Toujours est-il que savoir qui, c’est bien mais comprendre pourquoi, c’est mieux. Et c’est là que j’ai trouvé mon maître.
En effet Jérémy Fel est passé maître dans l’art de la puissance narrative. Vous voici face à un roman choral, plusieurs voix vont ainsi se succéder, toujours à la première personne du singulier : Vous voici face à un piège ! Car l’immersion est immédiate, au cœur de l’intrigue mais aussi dans la tête et les pensées de chacun des personnages d’un chapitre à l’autre… Si l’auteur en profite pour aborder le carcan familial et le poids des secrets tout en alignant le monde de l’édition, c’est pour mieux explorer l’être humain et son âme dans ce qu’elle a de plus malsain et malaisant, pervers et nauséabond. Au gré des pulsions et des révélations, la lecture se fait de plus en plus déconcertante, sidérante, saisissante, ahurissante, oppressante… Mais surtout enivrante : On sait que ça va faire mal mais on ne peut plus s’empêcher de tourner les pages servies par une écriture fluide, tellement visuelle et hypnotisante, un style qui s’adapte à chaque rôle, brutal, efficace et envoûtant jusqu’à une fin… Mais cette fin !
En bref, Jérémy Fel a encore frappé, il frappe et frappe toujours… Dans un pays plein de contradictions où la beauté côtoie l’horreur, à l’image de sa captivante plume : Singulière et vertigineuse.