A l’occasion de l’opération organisée par les Louves du Polar sur les réseaux sociaux et en partenariat avec de nombreux libraires en France et en Belgique afin de mettre en lumière leur plume, je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous cette petite interview que j’ai eu la chance de réaliser pour le dernier numéro de la DreamBookGazette ! Alors qu’elle revient en librairie avec “Les enfants du serpent“, paru le 09 octobre 2023 aux éditions IFS dans la collection Phénix Noir, Clarence Pitz a très gentiment accepté de répondre à mes petites questions indiscrètes : Je l’en remercie chaleureusement et vous laisse à présent rencontrer cette talentueuse Louve : Bonne lecture !
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Se présenter en quelques mots est toujours un exercice un peu compliqué ! Je dirais que je suis à la fois maman, épouse, prof et autrice. J’ajouterais à cela ma belgitude, mon amour de l’art et mon goût prononcé pour les voyages et les cultures lointaines.
Y a-t-il un livre/auteur qui t’a poussée à prendre la plume ? Quel a été ton déclic ?
J’ai toujours baigné dans la littérature noire. C’est familial. Nous lisons beaucoup de thrillers et de polars. J’ai attrapé le virus lorsque je devais avoir 13 ans. J’ai dévoré les Stephen King et les Mary Higgins Clark. J’ai enchaîné, jeune adulte, avec les romans de Maxime Chattam et Mo Hayder. Mais je n’aurais jamais imaginé écrire. Pour moi, ce monde ne m’était tout simplement pas accessible. J’ai pris la plume car on m’a lancé un défi. J’ai participé à un concours d’écriture et j’ai terminé finaliste. Depuis, j’ai publié quatre thrillers et un opuscule.
Oserais-je le dire… Te voici ENFIN de retour en librairie avec “Les enfants du serpent” : Pourquoi avons-nous dû patienter aussi longtemps ?
Tu ne dois pas avoir pas peur de le dire ! Je n’ai rien publié en 2022 même si j’avais prévu de le faire. J’aurais pu accélérer ma cadence d’écriture, mais je voulais prendre mon temps. Pour bien cerner le sujet du livre qui est très sensible. Pour peser chaque mot. Pour rendre honneur à cette thématique qu’il aurait été indécent de bâcler. Et puis, je vivais des choses très lourdes sur le plan personnel. J’ai ressenti le besoin de faire de grosses pauses dans l’écriture de ce roman, parfois de plus d’un mois.
Tu nous offres ici une intrigue qui nous submerge des plus violentes émotions en nous confrontant à un conflit tristement actuel et pourtant méconnu du monde : Comment t’est venue cette idée ? Comment l’as-tu travaillée ?
Le sujet principal de mon roman est le corps des femmes utilisé comme arme de guerre au Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo. Au départ, j’avais prévu de mettre en avant un lieu méconnu de Bruxelles et de travailler le thème de la maternité, à travers l’histoire de deux adolescentes, l’une belge et l’autre congolaise. Mais plus j’effectuais des recherches concernant les violences faites aux femmes au Congo, plus ce triste thème a pris de l’importance dans le récit jusqu’à devenir central. J’avais créé les personnages de Gloria et de sa fille Phionah, victimes d’une violence sans nom et je ne pouvais pas les abandonner à leur triste sort. Je devais les accompagner jusqu’au bout de leur histoire.
Un récit dramatique dans lequel les femmes ont – malheureusement – une place tout à fait particulière : Qu’en dis-tu ?
Si les femmes ont, vu la thématique, une place particulière dans mon roman, les hommes ne sont pas en reste. En fait, j’y développe autant — et même plus — de personnages masculins que féminins. Certains hommes y font preuve d’une malveillance absolue envers les femmes, d’autres d’une bienveillance à tout épreuve. Jonas est, à mon sens, le plus beau personnage que j’ai créé, mes quatre romans confondus. Il permet de rappeler qu’il y a des hommes qui sont prêts à tout pour défendre les femmes. “Les enfants du serpent” dénoncent la violence des hommes envers les femmes, mais rend aussi un hommage à tous les Jonas.
Une intrigue entre la Belgique et la République Démocratique du Congo, pour laquelle on retrouve pourtant ton enquêteur fétiche, j’ai bien sûr nommé Karel Jacobs : En quoi était-ce important voire nécessaire à tes yeux ?
Je me suis rendu compte, lorsque j’évoquais le Kivu et ce qu’y risquaient les femmes et les fillettes, que mes compatriotes étaient très peu ou pas du tout au courant. Pourtant, cette triste réalité dure depuis presque trente ans ! Et nous avons un passé commun avec la RDC… Je n’ai pas écrit un essai de géopolitique. Mon livre reste une fiction. Mais il peut ouvrir les yeux des lecteurs sur ce qui se passe dans cette partie du monde.
Dans mon roman, Karel est celui qui, lors d’une enquête, fait le lien entre Bruxelles et le Kivu. Il est le témoin de cette violence faite aux femmes.
Je crois que chaque livre écrit fait prendre un petit peu de maturité à son auteur. Et j’ai la chance que Karel Jacobs m’accompagne dans mon évolution personnelle et littéraire. Au fond, nous grandissons ensemble.
Alors que Karel était encore un peu froid et distant dans « Ineffaçables », il est devenu plus fragile et vulnérable dans « Meurs, mon ange ». Puis profondément sensible et humain dans « Les enfants du serpent ». Au fil des trois romans, la noirceur des enquêtes qu’il doit mener et l’implication de sa vie personnelle deviennent beaucoup trop lourdes à porter pour lui. Mais je vous laisse le découvrir…
Une lecture qui se révèle passionnément éprouvante… L’écriture l’était-elle tout autant pour l’autrice que tu es ?
Oh que oui ! Comme je l’ai évoqué plus haut, j’ai dû faire des pauses dans l’écriture de mon manuscrit. Ce que j’apprenais en effectuant mes recherches me révoltait et me touchait à un tel point que j’avais besoin de souffler. Je vivais en même temps la période la plus triste de ma vie. Mes émotions étaient à vif et je pense que cela se ressent dans mon livre. Jusqu’ici, tous les lecteurs ont été bouleversés et profondément touchés par le destin de mes personnages. Et ceci, dès les premières pages.
Si ce nouveau roman te confirme comme la reine incontestable de l’ethno-thriller, sais-tu déjà où et avec qui tu comptes nous entraîner pour de prochaines aventures ?
Mon prochain roman sera un thriller fantastique pour adolescents qui sortira en 2024 aux éditions Auzou. J’avoue que bifurquer vers un roman jeunesse me fait du bien et qu’il s’agit d’un beau défi. Je quitte donc mon cher Karel pour quelques mois et peut-être même quelques années. Mais une chose est sûre, il n’en a pas encore fini avec moi ! Je compte bien le retrouver un jour, peu importe le recoin de ma tête dans lequel il se cache.
Sinon, j’entamerai l’écriture de mon prochain ethno-thriller dès 2024. Les idées commencent à se bousculer dans mon cerveau. Et la seule chose que je peux dire, c’est qu’on voyagera loin encore une fois.
Question pêle-mêle : Quel est…
– Ton livre de chevet ? « L’écume des jours » de Boris Vian
– Le livre qui cale ta bibliothèque ? N’importe quel livre de réalisation personnelle
– Le livre que tu aurais rêvé d’écrire ? « Les piliers de la terre » de Ken Follet
– Ta lecture en cours ? « Vingt-quatre heures de la vie d’une femme » de Stefan Zweig
Si tu devais comparer ta vie à un roman, lequel serait-ce ?
Aucun ! Sans doute parce que je n’ai jamais lu de livre qui ressemble à ma vie. Qui écrirait un bouquin sur une autrice belge de polar ? Lol.
Un petit mot pour la fin ?
Ce petit mot sera pour toi, Aurélie. Pour te remercier de tout ce que tu fais pour nous, les auteurs. Autant de passion fait tellement plaisir à voir !
C’est moi qui te remercie, chère Clarence, pour cet échange passionnant ! A présent mes Bookinautes chéris, je vous laisse vous ruer en librairie : Il est temps de découvrir la bibliographie de cette formidable autrice si ce n’est pas encore fait !