Quand une autrice virevolte entre les genres pour mieux nous émouvoir : “La Danse des Oubliés” de Johanna Krawczyk, paru le 22 août 2024 aux éditions Héloïse d’Ormesson.
Le pitch : Belle-Rose, un village savoyard. Luce, une jeune danseuse de dix-sept ans, voit sa vie basculer lorsque le corps de sa petite soeur est découvert dans l’Eau Rouge, la rivière locale. Bravant les secrets et les mensonges d’une communauté soudée par le silence, elle se lance dans une enquête obstinée. Sa soif de vérité la mène à s’allier à celui que tous nomment le Maudit, un colosse mutique et solitaire de trente-huit ans. Ensemble, ils affrontent les ombres d’un passé que certains préféreraient oublier, dévoilant les trahisons et les souffrances enfouies. Dans sa lutte contre l’injustice, Luce ne cherche plus seulement un coupable, elle aspire à réparer les êtres brisés, et à redonner à Belle-Rose son innocence perdue. Comment se relève-t-on de la violence qui vient fracasser notre existence ? De quelles armes dispose-t-on pour résister à la fureur du monde ? Dans ce roman à deux voix qui déploie une langue délicate où s’entremêlent prose et poésie, Johanna Krawczyk bouscule nos émotions et nous invite à écouter notre danse intérieure, celle qui nous aide à tenir debout.
Je ne connaissais pas Johanna Krawczyk avant de découvrir son nom dans mon programme pour les Livres dans la Boucle, formidable salon littéraire organisé à Besançon du 20 au 22 septembre 2024. J’aurai en effet le plaisir d’y animer une table ronde intitulée “Etranges villages” en compagnie de l’autrice avec Adeline Fleury et Olivier Adam, deux romanciers que j’ai déjà rencontrés… Ce fut donc l’occasion de découvrir une nouvelle plume… Et quelle plume mes amis, quelle plume !
Conjuguer polar et poésie, il fallait oser… Il fallait oser, oui, et Johanna Krawczyk l’a fait, avec brio qui plus est ! L’autrice nous propose un court roman qui se suffit parfaitement à lui-même, nous dépeint le décor d’un petit village niché au fin fond de la Savoie, y sacrifie un de ses hôtes pour mettre les habitants en émoi… Et semer le doute dans tous les esprits : Les leurs… Comme les nôtres, pardi !
Alliant suspense et sensibilité au gré d’une prose à la beauté remarquable, l’autrice partage son récit entre Luce et Matthias. Deux êtres que tout oppose, la Danseuse et le Maudit, deux générations frappées par la mort, deux cœurs en souffrance en quête de vérité pour s’affranchir de leur propre sentiment de culpabilité d’avoir échoué à voir comme à protéger, deux voix égarées qui s’alternent, nous permettant ainsi de cheminer avec eux entre présent et passé pour mieux nous faire ressentir le poids des secrets et des non-dits dans ce lieu où tout le monde se connaît… Ou croit se connaître.
C’est bref parce que c’est efficace, servi par une plume d’une redoutable élégance, un style tout à la fois délicat et percutant, pour un moment de lecture qui nous tient en haleine autant qu’il nous fait vibrer d’émotions.
En bref, ne vous fiez pas à l’apparent calme de Belle-Rose ni à la beauté de son paysage traversé par l’Eau Rouge. Vous y laisserez un bout d’âme tandis que Luce et Matthias associent leurs souffrances pour révéler, réhabiliter, réparer. Une belle découverte en cette rentrée littéraire et une autrice dont je lirai les autres ouvrages avec beaucoup d’intérêt !