The place to read… Avec Vincent Delareux !

Mes Bookinautes adorés : Il faut qu’on parle de Vincent Delareux sans délai. Découvert sur le tard alors que son premier roman me faisait de l’œil depuis sa sortie, j’avais voulu me rattraper pour le second en me ruant dessus dès sa parution… Sans succès, ne l’ayant pas trouvé sur mon lieu de vacances l’été dernier… Jamais deux sans trois, mais cette fois-ci, j’ai pris les devants en le découvrant en avant-première grâce aux éditions de l’Archipel et au site Netgalley ! Une opportunité qu’il me fallait partager avec vous en sollicitant ce formidable auteur pour une petite interview qu’il m’a très gentiment accordée ! Je le remercie très chaleureusement et vous laisse à présent en sa compagnie à travers ses réponses : Belle rencontre et bonne lecture !

Quel auteur es-tu ? Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis Vincent Delareux, j’ai 27 ans, et suis romancier. Mes romans portent principalement sur la famille, ses secrets, ses non-dits. Je confesse un goût marqué pour la tragédie et la noirceur de manière générale !

Auteur… Mais avant tout lecteur : Quel rapport entretiens-tu avec la lecture ?
Étant correcteur professionnel en plus d’être romancier, je passe une grande partie de ma vie dans les livres. J’ai pourtant « découvert » la lecture sur le tard : juste après le bac, précisément. J’ai passé mon bac L en 2015, mais n’avais aucun intérêt pour la littérature à ce moment-là. D’ailleurs, je ne finissais aucun livre au programme. L’effet de la contrainte… Et, puisque j’ai un esprit de contradiction, je me suis mis à vraiment lire durant l’été 2015, juste après l’examen. Je n’ai pas arrêté depuis, et me suis même mis à écrire entretemps, jusqu’à publier un livre par an ! Comme quoi… !

Trois romans… Tous très différents… Et pourtant tous teintés d’une lumineuse noirceur, comme une caractéristique de ton ADN littéraire : Comment l’expliques-tu ?
Sans doute que j’aime bien faire mon intéressant ! Et que pour intéresser, dans notre monde, il vaut mieux souffrir, ou du moins, faire démonstration de souffrance. On se passionne aisément pour les destins funestes et les sorts tragiques. Le drame, depuis toujours, a le vent en poupe. Je partage évidemment cette fascination morbide pour l’ombre. Banco ! C’est ainsi que j’ai choisi d’écrire des histoires terribles. Mon lectorat est content, et moi aussi. Pour l’heure, la lumière m’intéresse dans une moindre mesure. Mais j’y viendrai, tôt ou tard.

Après « Le cas Victor Sommer », puis « Les Pyromanes », te voici de retour en librairie avec « L’Idole ». Mais qu’est-ce qu’une idole selon toi ? Pourquoi avoir choisi de travailler cette thématique (et ses dérives) ?
Je suis un fanatique. Un radical. Dans ma tête, en tout cas. Comme tout le monde, j’ai admiré, beaucoup, et j’admire encore. Qui ? Des chanteuses, principalement. Les fameuses « icônes gay ». Les Madonna, Kylie Minogue, Cyndi Lauper d’abord ; les Dalida et Mylène Farmer ensuite. Je dis « les », mais c’est sacrilège : il n’y a qu’une Dalida, qu’une Mylène Farmer. Le fanatique tient à cette dimension unique, indivisible de l’idole. Depuis l’adolescence, j’ai cet appétit pour l’admiration. J’ai besoin de lever les yeux vers ce que je considère comme « plus haut que moi ». Mais comme toujours, je serai parfaitement honnête sur mes motivations : si j’admire ces icônes, c’est que je me projette en elles. Ou que j’essaie. Est-ce que ce n’est pas ça, l’idolâtrie : se chercher dans les yeux de l’idole ? Je crois bien que si. À mon sens, il n’y a pas de fanatisme désintéressé, pas d’idolâtrie pure, pas d’amour parfaitement altruiste. À travers l’autre, c’est soi que l’on regarde. Je fatigue mon psy chaque semaine avec mon obsession autour de cette question.

Dans « L’idole », on retrouve Séraphine. Nous sommes en 1988, dans une des loges de l’Olympia. Mais l’idole est lasse de monter sur scène et se sent désespérément seule, n’en déplaise à son imprésario. A l’image d’une diva, elle décide de choisir sa sortie… Mais se réveille attachée dans ce qui semble être un sous-sol, aux mains d’un fervent mais inquiétant admirateur… Comment t’es venue cette idée ? La célébrité fait-elle tourner la tête… Et à qui ?
Séraphine est une chanteuse française – fictive – connue mondialement. Nous sommes effectivement en 1988, elle a 46 ans et se trouve sous le feu des projecteurs depuis 23 années. Elle fatigue, tout flanche autour d’elle, son amie Dalida s’est donné la mort un an plus tôt, son mari s’est suicidé également… Son succès, à force, l’a fait vriller. Elle était toute-puissante, et d’un coup, tout lui file entre les doigts. Alors, elle dit : « Adieu, la gloire ! Je baisse le rideau. » Elle aussi, elle veut partir, et en beauté, si possible. Avant d’être ridée, sur le déclin, périmée. Force est de constater que la mort, pourvue qu’elle arrive au bon moment, est le meilleur moyen de figer un mythe. Combien d’artistes seraient tombés aux oubliettes s’ils n’étaient pas morts tragiquement ? La gloire sous les paillettes fascine. Je suis parti de ce constat pour écrire « L’Idole ».

Adulée du monde, en pleine lumière et au sommet de sa carrière, voici notre idole à l’ombre, dérobée aux yeux de son public et enfouie dans un étrange enfer… Alors le vernis se craquelle : Que reste-t-il de l’idole et de son admirateur dès lors qu’on leur « retire » leur rôle ?
Ces icônes que j’aime tant sont des déesses à mes yeux : je vais à leurs concerts comme d’autres vont à la messe. Le temps du spectacle, j’y crois. Mais je reviens ensuite à la réalité : elles ne sont que des femmes – et c’est déjà pas mal, non ? Des femmes qui, souvent, ont voulu leur succès, qui se sont battues pour l’obtenir et se retrouver au sommet. Mais la notoriété, on le sait bien, est à double tranchant. On n’a rien sans rien.
Dans « L’Idole », je raconte la désillusion d’une femme ayant tout fait pour réussir, érigeant toute sa carrière sur des mensonges, s’inventant une fausse vie, un mythe complet. Et qui, à son apogée, va se repentir d’avoir bâti son personnage sur du vent. Dieu sait qu’elle va le payer !

Si ta plume se révèle toujours plus belle et remarquable, élégante même lorsqu’elle se fait acide, on retiendra plus encore le soin apporté aux dialogues, essentiels jusque dans la construction même de ce roman : En avais-tu conscience ? Pour quelle raison as-tu opté pour cette structure narrative ?
Le dialogue s’est imposé pour ce roman, c’était bel et bien mon intention. Je le dis tout net : je me suis inspiré des romans d’Amélie Nothomb. Sa manière de traiter le conflit est remarquable. Avec « L’Idole », je pose une question : comment l’idole existe-t-elle à travers l’œil de l’admirateur ? Mais aussi : comment l’admirateur existe-t-il à travers l’idole ? J’ai alors choisi de mettre face à face ces deux partis : idole versus fanatique. Deux personnages seulement, dans une pièce unique. Un huis clos. Et puisqu’ils ne vont pas passer leur temps à se regarder dans le blanc des yeux, il va bien falloir qu’ils parlent. Sauf qu’ils ne se comprendront à aucun moment. « L’Idole » est aussi un roman sur l’incapacité à dialoguer. Le livre se fonde sur les dialogues, et pourtant, les personnages ne s’entendent pas. On n’arrive pour ainsi dire jamais à quelque accord que ce soit. C’est plutôt paradoxal, mais je ne suis certainement pas le premier à dresser ce constat des limites du verbe.
Pour moi, la forme dialoguée était la meilleure solution pour cette intrigue en particulier.

Dans différentes mesures, ton travail fait écho à tes propres idoles que semblent être Amélie Nothomb et Dalida (dont il est également question dans ce roman) : Est-ce bien le cas ? En quoi sont-elles tes idoles ?
Amélie Nothomb est devenue pour moi une sorte d’idole sur le tard, lorsque j’avais 21 ou 22 ans. Là encore, je me projette dans ce qu’elle incarne. C’est odieusement narcissique, mais je mets mes vices sur la table, j’y tiens, je ne veux rien cacher. J’admire franchement l’intelligence de cette femme, sa sagesse, sa gentillesse, et surtout sa générosité. Elle a quelque chose d’une sainte, à mes yeux. Et j’aimerais lui ressembler.
Même chose pour Dalida, à peu près. Femme vaporeuse, cruellement intelligente, sensible, passionnée, bouleversante. Aussi, lorsque l’on parle de Dalida, on évoque immanquablement sa fin. Son suicide me fascine. J’éprouve une certaine honte à le dire, mais je le dis, car je me dois d’être honnête, encore une fois. Ce dénouement qu’elle s’est choisi a figé sa légende. Elle l’avait d’ailleurs choisi depuis longtemps. Il n’y a qu’à l’écouter avec le recul.
Je suis totalement amoureux de Dalida.

Ton roman vient de paraître… Mais as-tu déjà une idée pour tes prochaines pages ? Quels sont désormais tes projets littéraires ?
J’achève en ce moment même mon roman de 2025. On me demande souvent à quoi il ressemblera, s’il aura des caractéristiques communes avec mes trois premiers… De fait, mes trois premiers livres sont bien différents entre eux. Et mon quatrième sera, je crois, une sorte de synthèse de ces trois-là. Drame familial, secrets, dialogues incisifs, un brin d’humour, de l’action et de la tension. Et puis, en vrac : des fleurs, les Évangiles, Alfred Hitchcock, un pivert, un amant, un fusil. Vous imaginez-vous que tout cela, et bien plus encore, va s’imbriquer pour former un tout… explosif ?

A toi qui as l’art d’écrire des romans aussi fascinants qu’inclassables : Si tu devais comparer ta vie à un roman, lequel serait-ce ?
Je cherche constamment à comparer ma vie à un roman. Je rêve – beaucoup trop – d’être quelqu’un, de compter, d’avoir une voix, d’être aimé. Je m’imagine souvent comme ce fameux « étranger » de Camus, ou quelquefois comme une Bovary chez Gustave Flaubert. Ce n’est pas glorieux, pas flatteur, mais enfin, c’est déjà beaucoup, car en dépit du triste sort de ces personnages, ils ont la cote. Est-ce que ce n’est pas ça, finalement, que je recherche ? Être franchement imparfait, et aimé pour cela.

Un petit mot pour la fin ?
Soyons honnêtes. Mettons notre crasse sur la table. Plutôt que de dramatiser nos travers, confessons-les. Admettons nos facettes moins glorieuses, pour mieux aimer celles qui luisent. Ainsi, on s’aimera peut-être.

Un immense merci, cher Vincent, pour ce bel échange conclu par un doux conseil ! A présent mes Bookinautes adorés, foncez donc en librairie rencontrer “L’Idole” si vous ne l’avez pas encore fait !

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