Chroniques 2025 \ La désinvolture est une bien belle chose de Philippe Jaenada

Dans le café de la jeunesse perdue : “La désinvolture est une bien belle chose” de Philippe Jaenada, paru le 21 août 2024 aux éditions Mialet Barrault.

Le pitch : Paris, Quartier latin, années 1950. De tout jeunes gens, ils sortent à peine de l’adolescence, se lient d’amitié forte. La guerre est passée par-là. Tous les jours ils passent de longues heures Chez Moineau, rue du Four, pour rattraper le temps perdu, vivre enfin leur enfance. Parmi eux, Jacqueline Harispe, qu’ils appellent Kaki. Un matin de novembre 1953, elle se jette par la fenêtre de sa chambre d’hôtel au troisième étage et s’écrase sur le trottoir.
Philippe Jaenada tente de comprendre pourquoi une si jolie jeune femme, intelligente et libre, entourée d’amis, admirée, une fille que la vie semblait amuser, amoureuse d’un beau soldat américain qui l’aimait aussi, s’est défenestrée à l’aube, à vingt ans ?

Honte à moi qui ne vous ai pas encore parlé de ce roman, que j’ai pourtant lu fin 2024 en vue d’un grand entretien avec son auteur au salon du livre de Boulogne Billancourt. Cela étant, un livre ne connaît pas de date de péremption, et celui-ci s’offrira une nouvelle vie au format poche en août… Aussi est-ce avec un plaisir, certes tardif mais sincère, que je vous présente enfin le dernier roman de Philippe Jaenada dans lequel j’ai eu la chance de me plonger jusqu’à présent !

S’il s’intéresse une nouvelle fois à un fait divers dans cet ouvrage, Philippe Jaenada délaisse le crime pour se consacrer à un dramatique accident de la vie : Le 28 novembre 1953 à l’aube, Jacqueline Harispe, dite Kaki, se jette par la fenêtre de sa chambre d’hôtel qu’elle partageait avec un soldat américain avec lequel elle filait un bel amour. Elle était jeune, belle et intelligente, aussi l’auteur cherche à comprendre.
Mis sur sa piste par Patrick Modiano, Guy Debord et le photographe Ed van der Elsken, Philippe Jaenada nous retrace sa courte vie, mais aussi celle des “Moineaux“, ces jeunes gens perdus et désœuvrés avec lesquels elle fréquentait un bar du même nom à Saint Germain des Prés. S’ils sont nombreux, l’auteur prend le temps de s’intéresser à chacun, nous dressant ainsi un véritable portrait de la jeunesse d’hier… Tout en s’intéressant à celle d’aujourd’hui.
Car Philippe Jaenada mène ses minutieuses investigations tout en réalisant un “Tour de France par les bords” dans une voiture de location… Et parce que de Kaki et Kikou (l’auteur), il n’y a qu’un bistrot (celui de Tonton Mémé, à Port Vendres), c’est aussi en s’arrêtant dans plusieurs d’entre eux qu’il jette un regard sur la population et sa propre jeunesse, tout en se mettant en scène comme il en a l’habitude, faisant de lui-même son propre personnage de fiction.
En effet, Philippe Jaenada maîtrise l’art de la digression comme personne et en use bien volontiers pour nous raconter ses petites (més)aventures et se tourner en dérision, nous invitant ainsi dans sa sphère d’intimité en compagnie d’Anne-Catherine (sa femme) et Ernest (son fils) pour mieux alléger son sombre propos. C’est d’autant plus réussi que la plume est belle, passionnante et passionnée, le style attrayant et exalté, pour un pavé qui se lit avec ferveur et conviction, sans la moindre difficulté.

En bref, le rom(a/e)nquêteur nous offre une fois encore un livre d’une remarquable densité, teinté d’humour et d’émotions… Sans oublier ses précédents “personnages” qui ne le quittent jamais, pour une vaste photo panoramique de son œuvre et de notre société.

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