
L’enfer, c’est les autres : “Qu’un sang impur” de Michaël Mention, paru le 06 mars 2025 aux éditions Belfond Noir.
Le pitch : Matt, jeune père de famille, savoure une bière en terrasse à Paris, quand se produit un étrange phénomène : toutes les feuilles des arbres tombent instantanément, avant qu’une onde de choc surpuissante ébranle la capitale. Attentat ? Séisme ? Explosion nucléaire ? À la suite d’un mouvement de panique sans précédent, et en l’absence d’informations, le président décide de confiner les habitants. Matt, Clem et leur fils de quatre ans se retrouvent prisonniers de leur immeuble en banlieue et tentent d’organiser le quotidien avec leurs voisins. Jusqu’à ce qu’une terrifiante épidémie gangrène la population…
Entre solidarité, lâcheté et sacrifice, jusqu’où Matt et Clem iront-ils pour survivre et protéger leur fils ?
J’ai parfois du talent quand je choisis mon moment pour lire tel ou tel roman. Sans avoir lu son résumé, puisque c’est un auteur en qui ma confiance est toute accordée, j’ai sélectionné Michaël Mention pour m’accompagner (en tout bien tout honneur, n’allez rien vous imaginer !) durant le trajet me conduisant jusqu’à Toulouse depuis Paris. Oui, donc un train de nuit, dans lequel un fauteuil, bien qu’isolé, m’attendait dans un wagon bondé (j’ai testé la couchette au retour et c’est effectivement plus confortable, comme ça, vous le savez ! ^^). Aussi cette soirée fût-elle une expérience à plus d’un titre, je puis vous l’assurer !
Si l’on retrouve souvent l’auteur là où on s’y attend le moins, son ADN littéraire demeure incontestablement unique, et cela se confirme une nouvelle fois ici. Car Michaël Mention ne se contente pas de nous proposer un roman d’anticipation qu’on pourrait qualifier de survivaliste ou d’apocalyptique (même si c’est vrai, aussi), non. C’est encore une fois la dimension sociale qui prime, à laquelle il s’intéresse avec beaucoup de réflexion et d’intelligence, et qui nous fascine.
Le monde, demain. Une onde de choc ébranle tout le pays et jusqu’au monde entier. L’incompréhension, l’interrogation, l’incertitude, le doute, la crainte, la panique. Tout va très vite et c’est ainsi que l’auteur nous happe en quelques lignes pour ne plus jamais lâcher la pression à laquelle il nous soumet. Les portes de l’Enfer viennent seulement de s’ouvrir… En fin observateur de notre société actuelle, l’auteur nous offre une intrigue redoutablement bien construite en plus d’être particulièrement prenante et palpitante, d’autant plus oppressante et angoissante qu’elle s’avère terriblement réaliste.
Bientôt nous voici confinés dans un immeuble comme il en existe des tas sur la planète. On y pose ses valises chez Matt et Clem avec leur jeune enfant, fin prêts (ou pas) à cohabiter avec un voisinage qui pourrait être le mien, le vôtre, celui de Monsieur et Madame Tout le monde. On s’y connaît, s’y côtoie… Mais peut-on seulement s’y supporter durablement ? Et c’est à travers cet échantillon de la population qu’il passe le vivre ensemble au microscope… Pour mieux en éprouver les failles et les limites. Quand c’est une question de survie, l’être humain retrouve ses instincts primaires, dès lors l’entraide et la solidarité ne sont pas toujours une évidence. C’est ainsi que l’auteur nous cueille encore avec ce livre redoutablement humain et gorgé d’émotions, dans lequel on vibre (tremble ?) au fil des pages et des chapitres, courts pour plus de rythme.
Mais ce qui rend la lecture de Michaël Mention aussi authentique, c’est aussi sa plume, tout à la fois cynique et ciselée, son style sombrement poétique et percutant à souhait. Une écriture viscérale qui nous met sous tension d’emblée à travers ce huis clos suffocant pour ne pas dire anxiogène, qui souligne avec une effroyable justesse que c’est dans l’adversité que se révèle la vraie nature des gens.
En bref, Michaël Mention nous met à l’épreuve et nous donne un véritable avertissement avec ce titre sidérant porté par une plume acérée : Un pour tous et chacun pour soi n’est pas la règle pour sauver l’humanité…