Chroniques 2025 \ Ce que prend la mer de Manon Fargetton

Portrait(s) de famille(s) : “Ce que prend” la mer de Manon Fargetton, paru ce 21 août 2025 aux éditions Héloïse d’Ormesson.

Le pitch : Violoncelliste de renom, Térence habite une cabane posée sur une dune qui menace de s’écrouler. Alors qu’il est hospitalisé, sa fille, Maxine, découvre dans un tiroir une série de Polaroïds mystérieux, témoins d’une correspondance de près de cinquante ans. Ces clichés la bousculent, et grâce aux indices qu’elle identifie, elle part à la recherche de la photographe sur une petite île écossaise. En fouillant cette terre et les mémoires de ses habitants farouches, c’est un adolescent de dix-sept ans qu’elle rencontre, débarqué sur ce bout du monde pour disparaître. Un adolescent devenu ce père lointain qu’elle voudrait connaître. Car cette île, il l’a inscrite dans leur chair, et elle repartira avec des réponses qu’elle n’attendait pas.
À qui appartiennent les histoires ? À ceux qui les vivent ? À celles qui les racontent ? Ce que prend la mer est le roman d’une transmission avortée, d’un silence qui vient abîmer les êtres jusqu’à ce qu’il soit enfin brisé. Raconter et sublimer le secret décelé pour ne plus jamais vivre empêché. Une ode à la liberté de choisir la voie à emprunter.

Fervente lectrice des éditions Héloïse d’Ormesson, c’est toujours avec plaisir et intérêt que je lorgne sur leurs nouvelles parutions, assurée que je passerai un excellent moment de lecture en compagnie du romancier, peu importe le moment de l’année. Pour cette rentrée littéraire, j’ai jeté mon dévolu sur ce nouveau roman de Manon Fargetton, dont j’apprécie beaucoup l’écriture, et je remercie la maison d’édition pour sa confiance renouvelée.

C’est au bord de l’océan que je vous confie mon avis sur “Ce que prend la mer“. Un élément aussi important que le reste du décor, de cette vieille cabane du bout du monde dangereusement posée sur une dune fragilisée, jusqu’à cette petite île écossaise d’une grande beauté tout en conservant sa nature sauvage. Les paysages sont remarquablement retranscrits, apporte une dimension dépaysante et vivifiante à l’ensemble du récit… C’est magnifique, à l’instar de l’intrigue qui y prend place.
En dépit de relations plus que distendues, Maxine accourt au chevet de son vieux père, musicien renommé, lorsque celui-ci se retrouve hospitalisé, fortement diminué à la suite d’un AVC. Déjà taiseux, celui-ci s’est désormais muré dans le silence. Pourtant la vie continue et la cabane doit être vidée, pour éviter aux souvenirs qu’elle contient de disparaître avec elle à la prochaine tempête. C’est dans ce cadre que la jeune vidéaste en ligne fait la curieuse découverte d’une “correspondance” pour le moins atypique, la poussant à remonter dans le passé de son père et retisser sa propre histoire pour le “rencontrer” vraiment.
Et tandis qu’une quête peut en cacher une autre, les questions fusent dans l’esprit de la jeune femme, qui réalise en parallèle un documentaire sur le choix d’avoir (ou non) un enfant, et s’interroge sur ses propres souhaits par la même occasion. Avec beaucoup de finesse et de subtilité, l’autrice aborde ainsi la notion de parentalité.
Sans trop en dire, parce que cette histoire mérite véritablement d’être vécue et ressentie, l’autrice nous offre une intrigue à double temporalité particulièrement prenante et captivante, portée par une structure narrative tout à fait originale et audacieuse qui fait la part belle à l’île, aux souvenirs et aux sentiments. Fort bien campés, les personnages nous touchent autant qu’ils nous invitent à la réflexion. Evidemment sur le désir d’être parent et l’influence de la société à ce sujet. Mais également sur la légitimité de révéler une vérité qui ne nous appartient pas complètement.
C’est résolument beau et rempli d’émotions, dense et intense, porté par une plume fluide d’une grande douceur et tout aussi élégante, soutenu par un style empreint de tendresse, de pudeur et de poésie.

En bref, Manon Fargetton nous offre un roman fort et moderne, touchant autant à l’intime qu’il saura parler au plus grand nombre.

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