Mes petits Bookinautes chéris, je ne suis pas peu fière de vous retrouver pour une nouvelle interview aujourd’hui ! En effet, bien que débordée, votre blogueuse déjantée se plaît toujours à partir à la rencontre des auteurs, ceci afin de découvrir leurs lectures et le lecteur qui sommeille en chacun d’eux ! Et c’est aujourd’hui l’auteur nous ayant régalé d’une passionnante lecture commune cet été qui me fait l’honneur de répondre à mon interrogatoire livresque !
Si sa passion pour le cinéma l’a d’abord conduit à quitter sa Picardie natale pour des études consacrées au septième art avant d’intégrer la Fémis, Thomas Fecchio n’est pas seulement scénariste, il est aussi romancier. Après “Je suis innocent“, un premier polar publié aux éditions Ravet-Anceau qu’il m’a gentiment envoyé faute d’avoir pu me le procurer, il est revenu cette année en librairie avec “L’heure des chiens“, un second polar publié aux éditions du Seuil dans la collection Cadre Noir. Ne l’ayant malheureusement pas remarqué au moment de sa sortie, c’est grâce à la magie des réseaux sociaux que je l’ai finalement repéré pour me plonger dans sa lecture aux côtés des membres de ma Communauté du Bouquin avec un bilan particulièrement positif et élogieux que vous aurez l’occasion de retrouver par ICI pour plus de renseignements.
Dès lors il me fallait absolument vous présenter Thomas Fecchio autrement qu’en vous faisant simplement découvrir sa bibliographie… Aussi l’ai-je sollicité pour une petite interview et c’est avec plaisir que je l’ai vu accepter ma proposition livresque : J’en profite ici pour le remercier chaleureusement d’avoir si gentiment répondu à mes questions indiscrètes !
Trêve de bavardages, je ne vous fais pas languir plus longtemps et vous laisse à présent découvrir ses réponses : Bonne lecture et belle rencontre !
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Thomas Fecchio, 42 ans, romancier et scénariste, curieux de tout et toujours avide de nouvelles aventures.
Petit ou grand lecteur : Quelle place tient la lecture dans votre vie ?
La lecture tient une place très importante dans ma vie. J’ai grandi dans un petit village de l’Aisne où les distractions étaient rares, la lecture est vite devenue un moyen de m’échapper, de me projeter dans l’avenir et surtout de m’ouvrir d’autres horizons.
Quel a été votre premier coup de cœur littéraire ? Et le dernier ?
La lecture de “Ca” de Stephen King m’a complètement renversé quand j’étais enfant. J’ai fini le dernier tome en lisant toute la nuit. Le lendemain, je suis allé au collège complètement épuisé, mais heureux.
Mon dernier coup de cœur, c’est “L’Amour et les Forêts” d’Éric Reinhardt que j’ai lu récemment. J’ai aussi découvert une très belle BD intitulée “Ailefroide Altitude 3954” de Jean-Marc Rochette (co-écrit avec Olivier Bocquet).
Y a-t-il un livre/auteur qui vous a poussé à prendre la plume ? Quel a été le déclic pour le passionné de cinéma que vous êtes ?
J’ai toujours été un lecteur vorace, il y a énormément d’auteurs que j’apprécie. Cependant, durant des années, je ne me suis jamais imaginé écrire un roman. Cela me paraissait une entreprise énorme et, même si j’étais tenté, je reculais sans jamais sauter.
En 2013, j’ai eu un déclic. Je n’arrivais pas à vivre de ma plume – les projets de fiction que je développais ne se montaient pas – alors j’ai accepté un job alimentaire de chargé d’études dans une grande entreprise. C’était extrêmement déprimant, car je n’avais rien à faire de mes journées et parce que je travaillais avec des gens qui ressemblaient au personnage de Julia. Je me suis dit que je ne pouvais pas tomber plus bas et qu’il fallait que je réagisse. Un roman m’est apparu comme le meilleur moyen de m’exprimer sans entrave. Je me suis dit que je n’avais besoin de personne pour aller au bout du projet (contrairement au cinéma ou à la TV) et que, quand il serait terminé, je pourrais toujours le montrer en disant : voilà, ça c’est moi, c’est mon œuvre. C’est là que j’ai sauté le pas.
Votre second roman, “L’heure des chiens“, est paru au Seuil cette année : Pouvez-vous nous en parler ? Comment vous est venue cette idée et les personnages qui la font vivre ?
L’idée du livre est née lors d’un séjour dans ma famille à Soissons en 2017. Nous étions déjà dans la course à la présidentielle. Il y avait des affiches pour le RN un peu partout, des slogans xénophobes fleurissaient sur les murs… Beaucoup de journalistes de médias nationaux venaient en ville faire des sujets sur le vote massif à l’extrême droite qui s’annonçait dans la région. Mais pour expliquer le phénomène, ils ne s’intéressaient pas au passé de la ville alors que, selon moi, ce facteur influe largement.
Le sentiment d’abandon et de relégation est fort à Soissons, notamment parce qu’on peut voir tout autour de la ville les milliers de sépultures de personnes qui sont tombées pour la France… Au cours d’offensives stériles conduites par des généraux complètement coupés de la « réalité du terrain ». J’avais envie de faire parler ce passé. J’avais aussi envie de montrer que ce qui crée la montée de l’extrême droite, c’est aussi et surtout la violence du libéralisme économique qui semble être le seul horizon de la majorité des politiques français. Ce libéralisme qui sacrifie à tour de bras les plus démunis, comme le furent ceux de 14, s’apparente selon moi une véritable logique de guerre. La différence est que, pour faire avancer les soldats aujourd’hui, on n’utilise plus le patriotisme, on menace de les priver d’emploi.
Le personnage de Julia incarne cette logique. Elle a maté des salariés récalcitrants, brisé des mutineries et en a tiré les bénéfices sans aucun état d’âme, jusqu’à ce que l’un d’eux se rebelle. Quand elle découvre une main tranchée au bord de la rivière, elle pense d’abord qu’il s’agit d’un sinistre hasard. L’enquête va dévoiler qu’elle est en réalité directement liée aux évènements. Face à elle, deux gendarmes qui ont un rapport diamétralement opposé à leur travail. L’adjudant Gomulka est désabusé, pas parce qu’il en a « trop vu » mais parce que son métier ne donne plus un sens à sa vie. Le lieutenant Delahaye, lui, veut être un héros parce qu’il a une dette à honorer.
Il s’agit de votre second roman dont l’intrigue se déroule dans l’Aisne, département picard dont vous êtes originaire : Pourquoi avoir choisi d’installer vos intrigues sur votre terre natale ?
Ce n’est pas tout à fait exact, l’intrigue de mon premier roman se passe essentiellement à Reims, ville où j’ai commencé mes études. Elle n’est pas très loin de Soissons, mais elle se trouve dans la Marne. Mais il y a un petit détour par Soissons dans “Je suis innocent“, c’est une sorte de clin d’œil.
Comme je l’évoquais dans la question précédente, j’avais envie de parler des problématiques spécifiques qui touchent ma terre natale. Lors de mon séjour à Soissons en 2017, alors que je pensais au passé de la ville et à son présent, j’ai fait la même promenade sur les berges de l’Aisne que le personnage de Julia, ce chemin de halage qui vous emmène depuis le centre de la ville vers des friches abandonnées. C’était à la fois troublant, car ça me rappelait plein de souvenirs, et intrigant parce que l’endroit est vraiment sauvage. Je me suis dit qu’il pouvait se passer n’importe quoi à cet endroit et que ça pouvait être le point de départ d’une intrigue. Un personnage en pleine promenade, perdu dans ses souvenirs, qui fait une découverte extrêmement perturbante, une découverte qui ramène à la surface toute la violence qu’avait connue la ville… Voilà, une des scènes clés de “L’Heure des Chiens” était dans ma tête.
Si vos deux romans nous offrent deux histoires complètement différentes, ils s’inscrivent tous deux dans le genre policier : Qu’est-ce qui vous attire dans le polar ?
Le polar est mon inclination naturelle. Je pense que ça vient en partie de ma mère qui lit énormément de romans policiers et à qui j’emprunte des livres depuis mon enfance. Cela vient aussi de mon goût pour les personnages écorchés, les questions de morale et les récits qui sondent la nature humaine. Dans le polar, ces questions sont traitées à travers des histoires qui vous prennent aux tripes, qui peuvent être trépidantes ou vous angoisser au point que vous ne dormirez pas avant d’en connaître la fin. Dans mes romans policiers favoris, je cite souvent “Crime et Châtiment“.
Avez-vous déjà une idée pour votre prochain roman ? D’autres projets littéraires en préparation ?
Oui, je suis en train de travailler sur un nouveau projet de livre qui sera un roman d’aventure historique intitulé “Francs-Tireurs“. J’ai aussi un nouveau polar en tête. Il est possible que le personnage de Gomulka revienne bientôt…
Question pêle-mêle : Quel est…?
– Votre livre de chevet ? “Lune Sanglante” de James Ellroy, je trouve le livre d’une poésie folle et d’une noirceur somptueuse.
– Le livre qui cale votre bibliothèque ? “Bel-Ami” de Maupassant.
– Le livre que vous auriez rêvé d’écrire ? “Le Grand Nulle Part” de James Ellroy. Ellroy est mon idole littéraire. Si “Lune Sanglante” est un roman renversant, “Le Grand Nulle Part” est lui aussi un chef-d’œuvre. Le livre mêle des personnages très forts, une peinture vivante du Los Angeles de l’après-guerre, une intrigue construite sur plusieurs années et plusieurs enjeux, et bien sûr le goût d’Ellroy pour l’argot. Tous ces éléments sont parfaitement imbriqués dans le livre et on ne peut qu’être admiratif.
– Votre lecture en cours ? “Jerusalem” d’Alan Moore
Si vous deviez comparer votre vie à un roman, lequel serait-ce ?
Je n’ai pas un personnage précis en tête, mais longtemps j’ai vécu comme un personnage de Jonathan Coe.
Un petit mot pour la fin ?
Bonne lecture ! (Ok, ça fait deux !)
Et c’est ainsi que s’achève cette belle rencontre littéraire ! Encore une fois je remercie vivement Thomas Fecchio de s’être si volontiers prêté à cet interrogatoire livresque, me permettant ainsi de vous le faire (re)découvrir sous un angle plus inédit ! Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de vous plonger dans cette lecture, foncez donc en librairie vous procurer “L’heure des chiens“, le nouveau polar de Thomas Fecchio paru en avril dernier aux éditions du Seuil, vous y rencontrerez ainsi Gomulka avant de le retrouver, peut-être, dans de prochaines aventures ! Pour ma part je m’en vais de ce pas remonter le fil de sa bibliographie en découvrant son premier roman : “Je suis innocent“… A vos livres… Prêts ? Bouquinez !