Un premier roman aussi machiavélique que saisissant : “Le Palais des Innocents” de Franck Schemer, paru en juillet 2021 aux éditions La Remanence et en lice pour le Prix des Auteurs Inconnus 2022 dans la catégorie littérature noire.
Le pitch : Sinistre affaire qui s’annonce pour Bernard Cornière. Le corps d’un jeune garçon brûlé vif vient en effet d’être retrouvé en forêt aux abords de la petite bourgade alsacienne de Thann. Une scène de crime que l’imposant enquêteur et son coéquipier Victor Allanberg ne connaissent que trop puisqu’il s’agit du cinquième enfant assassiné selon le même modus operandi en cinq ans, toujours à la même date et sans qu’on n’en connaisse le mobile. Une scène de crime d’autant plus sidérante que le meurtrier, du même âge que sa victime, est toujours rapidement identifié… Avant d’être la victime suivante…
C’est dans le cadre des sélections du Prix des Auteurs Inconnus que j’ai eu la chance de découvrir ce premier roman qui m’avait déjà fait grande impression avec une couverture, somme toute assez simple mais qui a le mérite d’annoncer la couleur – avant de révéler tout son sens une fois cette lecture achevée ! – outre son résumé terriblement accrocheur qui avait immédiatement su retenir mon attention. Deuxième titre que je lis parmi les finalistes, c’est donc avec autant de plaisir que de curiosité que je suis retournée à Thann pour mener cette bien étrange chasse aux sorcières… Mais avant d’aller plus avant dans l’analyse, j’en profite ici pour remercier chaleureusement les organisatrices de cette belle récompense pour leur enthousiaste et leur confiance renouvelée !
Au terme d’un prologue percutant qui ne manque pas de faire son petit effet, l’auteur nous entraîne en Alsace pour nous offrir une intrigue bigrement complexe et machiavélique, redoutablement construite et judicieusement menée pour une lecture aussi fascinante qu’étonnante, teintée de mysticisme mais surtout pleine de suspense, dans un décor propice à réveiller nos terreurs de jeunesse tandis que s’installe insidieusement une atmosphère sombre pour ne pas dire oppressante et que la tension monte crescendo au gré de fausses pistes et autres rebondissements. En effet l’auteur joue avec les contes et cultive l’art de prendre son temps sans toutefois nous laisser le moindre répit tout au long d’une intrigue dont les éléments s’imbriquent sans en avoir l’air au fil des pages et des chapitres à la manière d’un escape puzzle dont il faut assembler les pièces pour en comprendre le motif.
Mais si l’intrigue est aussi remarquablement orchestrée, c’est aussi parce qu’elle est servie par une poignée de personnages fort bien croqués, à la psychologie finement étoffée. Adoptant la narration du roman choral, l’auteur développe son récit à travers le point de vue de trois personnages : “L’homme gros” tout d’abord – autrement dit Bernard Cornière, notre enquêteur bourru et accro à la nourriture mais diablement perspicace, qui nous tape légèrement sur le système avant de se faire apprécier à sa juste valeur au cours de l’enquête – mais aussi “La fille au crâne rasé” et “Le garçon à la tête d’ampoule”, soit Olivia et Thomas Walter, une jeune femme de 21 ans isolée et paumée, addict aux jeux vidéos et son frère, un préado surdoué de 11 ans dont la finesse d’esprit interpelle. C’est à leurs côtés qu’on avance dans l’histoire tout en croisant d’autres personnages qui ne sont pas en reste, chacun ayant son rôle à jouer dans cette histoire pour en comprendre les tenants et les aboutissants tout en laissant le doute s’installer à l’égard de tout et tous jusqu’à un dénouement qui nous laissera pantois.
Malgré quelques coquilles, l’histoire est soutenue par une plume prenante et attrayante, un style vif et plaisant, agrémentée de quelques touches d’humour pour en alléger le propos et rythmée par des chapitres courts et entraînants, ce qui apporte beaucoup de fluidité à cette lecture dont on tourne les pages avec empressement afin d’en connaître le fin mot.
En bref, un grand merci au Prix des Auteurs Inconnus pour cette très belle découverte avec ce polar bluffant décidément… Malin : Ne vous fiez pas aux apparences !
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