Coup de cœur pour ce roman brillant et bouleversant d’humanité : “Alabama 1963” de Ludovic Manchette et Christian Niemiec, initialement paru aux éditions du Cherche Midi et désormais disponible aux éditions Pocket.
Le pitch : Dee Dee, onze ans, ne rentre pas à la maison ce 08 août 1963, ce qui plonge ses parents dans un grand désarroi. S’ils signalent sa disparition à la police dès le lendemain, les mentalités peinent encore à évoluer dans ce coin reculé de l’Alabama. La fillette est noire, la police rechigne, les jours défilent… Aussi les parents se tournent-ils vers Bud Larkin, détective privé depuis sa radiation de la police, aussi imbibé d’alcool qu’il est blanc. C’est dans son bureau qu’une “mauvaise blague” conduit justement Adela Cobb, femme de ménage noire, veuve et mère de trois enfants, à travailler le mercredi après-midi…
Honte à moi qui n’ai pas lu cette pépite plus tôt ! Un bouquin qui m’a complètement échappé à sa sortie, que j’ai seulement repéré alors qu’il entamait sa deuxième vie aux éditions Pocket… Sans toutefois parvenir à franchir sa couverture : Au risque de vous surprendre, j’en avais alors trop entendu parler pour me laisser tenter, par crainte d’être déçue, de trop attendre de cette lecture… En outre, je lis relativement peu de livres écrits à quatre mains et je préfère les polars alors qu’il se classe plutôt parmi les romans… Autant d’éléments qui l’ont condamné à être relégué… Jusqu’à ce que mon mari lui-même finisse par se le procurer ! Dès lors les chapitres s’emballent : Je rencontre les auteurs lors du salon “Livr’A Vannes“, nous échangeons bien volontiers, je leur avoue ma méconnaissance de leur œuvre, ce qui ne les empêche pas de griffer “mon” (Oui.. Bon… C’est celui de mon mari mais c’est – presque – pareil !) exemplaire d’une charmante dédicace… C’est décidé : Ce bouquin accompagnera mes congés cet été ! L’été est justement arrivé et les vacances avec lui… L’heure de la lecture a donc enfin sonné et le coup de cœur fut aussi foudroyant qu’un orage sur l’océan !
Sous couvert d’une intrigue policière – fort bien ficelée au demeurant -, les auteurs nous dressent un saisissant portrait des Etats-Unis dans les années 1960. Très vite je me suis passionnée pour cette ville de l’Amérique profonde et ses habitants. Très vite je me suis émue, indignée, révoltée du sort de la population noire américaine à cette époque, de la ségrégation et toutes ces injustices dont ces gens étaient victimes pour une stupide question de couleur de peau… Un sinistre passé pas si lointain qu’il n’y paraît et qui fait encore tristement écho de nos jours comme en atteste encore régulièrement l’actualité…
Brouillant les pistes pour mieux maintenir le suspense jusqu’aux grandes révélations, les auteurs nous font dès lors arpenter les rues de Birmingham et ses alentours aux côtés de personnages hauts en couleur, étoffés en substance et dotés d’un véritable supplément d’âme pour ne jamais nous laisser indifférents… Certains s’avèrent bien vite détestables – de vrais connards, n’ayons pas peur des mots – tandis que d’autres se révèlent dans toute leur splendeur au fil des pages, deviennent très vite sympathiques, parfois même foncièrement attachants jusqu’à un dénouement absolument éblouissant, profondément émouvant et porteur d’espoir.
Bien qu’écrit à quatre mains, on ne décèle qu’un ADN littéraire au gré de l’histoire, une plume délicieusement fluide, sensible et addictive, un style agréable, prenant et élégant… Pour autant de magnifiques passages et autres savoureux dialogues, souvent teintés de légèreté pour alléger un propos bien sombre.
En bref, je suis triste d’avoir perdu Bud, laissé Lorraine, Shirley et Gloria, quitté Adela… Aussi triste que je suis ravie d’avoir découvert ce roman percutant, formidable hymne à la tolérance et au respect, aussi captivant qu’émouvant, enrichissant sur le plan culturel et historique mais surtout humain !
Il faut absolument que je le lise 🙂