The place to read… Avec Jérôme Attal !

Vous le savez déjà mes Bookinautes adorés : La Gazette du Lecteur est une revue passionnée réalisée par des passionnés pour des passionnés, dans laquelle je pars à la rencontre d’auteurs, ceci afin de vous faire découvrir leurs lectures mais aussi leur plume et leur univers. A l’occasion de la parution de son dernier roman, “Neuf rencontres et un amour“, publié aux éditions Fayard, il me fallait absolument vous présenter Jérôme Attal, formidable écrivain dont j’adore l’écriture, la poésie, la tendresse et la sensibilité. En dépit d’un emploi du temps chargé avec la sortie concomitante  de son nouvel album, il a très gentiment accepté de répondre à mes petites questions indiscrètes, me permettant ainsi de vous le faire découvrir comme moi je le vois et je l’en remercie du fond du cœur avant de vous laisser découvrir ses réponses : Belle rencontre et bonne lecture !

Quel auteur es-tu ? Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis une personne qui écrit. J’ai toujours du mal à dire que je suis écrivain, ça me parait un peu pompeux, et je trouve le terme « auteur » un peu passe-partout. Je préfère donc dire que je suis une personne qui écrit. Des romans, adulte et jeunesse, des chansons, et quand j’étais plus jeune : des lettres d’amour.

Pourquoi écris-tu ?
J’écris parce que je trouve dans l’écriture un territoire plus valable pour moi que si je n’avais que la vie de tous les jours pour m’exprimer. C’est un refuge, une chambre, mais aussi une aire de jeux qui me permet de mieux saisir et de mieux exprimer ce que j’ai dans et sur le cœur.

Pour qui écris-tu ?
J’écris pour moi, pour partager avec les autres, et pour rendre hommage ou retenir un peu la sensation des personnes qui me bouleversent.

Te voici de retour en librairie avec les éditions Fayard et un nouveau roman intitulé « Neuf rencontres et un amour » : Neuf rencontres… Comme les neuf vies du chat auquel on te sait tant attaché ? D’où vient ce titre ?
Oui, je venais de publier aux éditions Les Pérégrines un « Petit éloge du chat » et j’étais encore tout imprégné de cette histoire des neuf vies du chat. D’où l’idée des neuf rencontres dans une histoire d’amour pour que quelque chose de magique se produise. Et puis j’aime l’idée que mes personnages, Anaïs Nin et Antonin Artaud, entretiennent un certain cousinage avec Catwoman et Batman, une chatte et un oiseau. Ce jeu du chat et de l’oiseau, de la griffe et le plume, c’est aussi quelque chose que l’on peut transposer sur le territoire de l’écriture. L’idée dans mon roman, c’est que lorsqu’on rencontre une personne qui nous plait, nous n’avons que huit autres possibilités, dues au hasard ou à des rendez-vous programmés, pour que se décide une grande histoire d’amour. Passé ce délai, l’idylle retombe dans une sorte d’amitié, de relation plus distante, ou bien l’un et l’autre des prétendants renonce, se lasse ou revient sur ses pas, passe à autre chose. C’est donc un livre à suspense amoureux !

Sans vraiment les nommer, sans vraiment la dater, ces personnages comme cette intrigue nous content l’histoire folle et fugace entre Antonin Artaud et Anaïs Nin : En quoi ces deux-là en sont-ils venus à guider tes lignes ?
J’ai toujours adoré Anaïs Nin. Après tout n’a-t-elle pas déclaré : « Si vous ne chantez pas en écrivant, n’écrivez pas ! » J’aime sa liberté, sa prédisposition pour l’appel de l’écriture et l’élan amoureux, son côté ultra féministe et à la fois hyper romantique, elle déclare par exemple qu’elle est prête à s’enchaîner à un homme par amour, ce qui ferait bondir plus d’une féministe actuelle, et en même temps elle n’est jamais dupe des limites et parfois des médiocrités égotistes des hommes qu’elle fréquente, de leur domination crasse sur le monde, et elle accepte tout hormis qu’on empiète sur sa liberté de conscience et de corps, et surtout sur sa liberté d’écrire, de faire une œuvre.
Pour Antonin Artaud, je le lisais quand j’avais 20 ans. Il faisait partie de mes lectures de jeune homme romantique. Alors j’en ai fait un jeune type romantique.

Sans faire de généralités, tes romans s’inspirent souvent des amours plus ou moins incandescentes d’illustres figures – de la musique ou de la littérature – ayant écrit avant toi : Comment l’expliques-tu ?
Oui, tu as raison ce n’est pas une généralité puisque ce n’était pas le cas de mon précédent roman : « L’âge des amours égoïstes ». Quand je m’attaque à des personnes qui ont réellement existé, comme c’est le cas avec Anaïs et Antonin, c’est pour y mettre beaucoup de moi, beaucoup des sujets qui me préoccupent ou m’animent au moment où j’écris. À chaque fois, j’y vois aussi les conditions de pouvoir déployer ma propre poésie. Dans le cas précis, je lisais le journal d’Anaïs Nin et je tombe sur un passage où elle raconte qu’elle est à une soirée très pédante, parmi des écrivains qui n’arrêtent pas de se la raconter, et Antonin est présent lui aussi. À un moment, il n’en peut plus de ce petit cercle de vaniteux, et il décide de quitter la soirée. Et Anaïs écrit qu’à ce moment, elle a décidé de le suivre et ils sont rentrés ensemble en marchant dans les rues. C’est cet extrait qui fait tilt, j’y vois une porte d’entrée pour mon roman. Je me dis : Moi aussi, quand j’étais adolescent, j’aurais adoré quitter une soirée et que la fille qui m’a captivé me court après. J’ai tellement envie de vivre ce moment. Par bonheur, je peux le faire par l’écriture.

Après t’être fait le talentueux parolier des plus grands, te voici également de retour en musique avec « Les attaches fines », un second album à la pochette sublime… Sorti presque vingt ans après le précédent : Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Pourrais-tu nous en parler ?
Je ne suis pas autonome en musique, j’ai besoin de trouver les bonnes personnes pour composer et réaliser mes désirs de chansons, alors ça prend un peu de temps quand je dois écrire pour moi. Et puis, ces dernières années, j’ai été beaucoup pris par des chansons écrites pour les autres et par mes romans, adulte et jeunesse. Il y a deux ans le label ROY MUSIC m’a proposé de faire un nouveau disque, et j’ai rencontré deux jeunes gens qui ont un projet qui s’appelle Noroy, et qui ont su bâtir un véritable écrin musical pour les textes que j’avais en tête et dans le cœur, et aussi pour me permettre de revenir, me retrouver, en tant qu’interprète. Il y a donc douze nouvelles chansons. Qui sont très cohérentes avec mon travail en littérature. Par exemple deux des chansons, « La solitude suprême », ou « Combattant le vent à mains nues » pourraient être une jolie bande originale à « Neuf rencontres et un amour ». On a aussi essayé de faire des chansons puissantes et mélancoliques, et assez fortes pour qu’elles puissent passer à la radio, dans l’idéal.
Pour la pochette du disque, j’ai demandé à Fred Bernard, qui a illustré plusieurs de mes romans jeunesse, de créer un dessin original. Je dois dire que le résultat dépasse toutes mes attentes, jusqu’au magnifique renard dessiné sur le rond du vinyle.

Que ce soit en littérature ou en musique, l’amour s’immisce toujours dans tes écrits… Sais-tu seulement pourquoi ? Toi-même es-tu passionné par l’amour ou par la rencontre ?
La rencontre amoureuse, qu’elle soit ou non suivie d’une histoire, reste mon territoire. C’est ce qui me touche, m’émeut, me galvanise le plus dans la variété des moments de vie. Pourquoi une personne va nous captiver plus que toutes les autres, en un instant précis au-delà de toutes les autres ? Pour moi, la fascination et l’élan qui sont les nôtres devant une personne qui nous bouleverse par sa personnalité ou son allure, cet appel d’air et de possibilités, sont très proches de l’écriture, très proches du moment où je me lance dans le projet d’un nouveau roman. Le meilleur exemple, c’est Picasso. À chaque fois qu’il tombe amoureux, il change de style, il aborde de nouveaux horizons. Le visage de la personne aimée lui fait revisiter l’histoire de l’art et exprime sa modernité d’une façon tout à fait différente et nouvelle.

Penses-tu qu’on puisse te définir comme un romantique ? As-tu seulement conscience de la poésie qui t’anime ?
Je ne sais pas. Je crois en tout cas que j’ai une vision romantique des choses et des êtres. Et j’essaie, dans mes romans, mais aussi dès que cela est permis dans la vie de tous les jours, de créer des moments poétiques. Car je crois qu’au cours de l’existence, on ne retient que les moments poétiques. Et que ce qui lie nos existences, ce sont les instants poétiques que nous créons les uns pour les autres. Des petits abris dans la violence et la vulgarité de tout.
Il y a une chanson dans mon disque qui parle de ça, du besoin que nous avons de créer des moments poétiques, cette chanson s’appelle : « Tunnel tous les deux ».

Tes mots régalent nos yeux comme nos oreilles en ce début d’année mais l’inspiration t’en a-t-elle déjà apporté d’autres ? Quels sont désormais tes projets ?
Oui je suis un créatif, donc je travaille tout le temps. J’ai des projets de nouveaux livres, en adulte et jeunesse. Et puis j’entame une grande tournée de dédicaces pour « Neuf rencontres et un amour » qui va m’emmener dans une vingtaine de festivals et de villes parmi lesquelles Bordeaux, Saumur, Montaigu, Châteauroux, Limoges, etc.

Question pêle-mêle : Si tu devais te raconter en…
– Un roman ? « Le chardonneret » de Donna Tartt.
– Une chanson ? « Betty » de Taylor Swift.
– Une histoire d’amour ? Celle des personnages de « Tomorrow, and Tomorrow, and Tomorrow » de Gabrielle Zevin.
– Un héros ? « Albator », le corsaire de l’espace.
– Un duo ? John Lennon et Paul McCartney.
– Un couple mythique ? Jane Birkin et Serge Gainsbourg.
– Un salon ? Ceux qui me sont fidèles.
– Un concert ? Nick Cave and the Bad Seeds ou The National.
– Une passion ? Londres, la pluie, les parcs, le thé et les scones.
– Un souvenir ? N’importe quel souvenir de Noël avec mes parents.

Un petit mot pour la fin ? Que pourrait-on te souhaiter ?
Déjà, ton intérêt et ta fidélité pour mon travail me touchent beaucoup, et si notre petit entretien permet à de nouvelles personnes de le découvrir et de s’y attacher également, j’en serais très heureux.

Je n’en doute pas un seul instant, cher Jérôme, car tes livres sont comme toi : Passionnés et passionnants… Je te remercie très chaleureusement pour ce bel échange ! A présent, mes Bookinautes, c’est à vous de bouquiner : Foncez découvrir Jérôme Attal si vous ne l’avez pas encore fait !

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