Livres et vous ? Livrez-vous… Avec Olivier Bal !

Ce n’est pas à vous que je l’apprendrai, mes Bookinautes adorés : Il est des auteurs dont on attend religieusement chaque roman. Alors que j’ai dévoré l’ensemble de sa bibliographie de ses débuts dans l’autoédition puis chez De Saxus jusqu’aux sommets aux éditions XO, Olivier Bal en fait incontestablement partie. C’est donc avec une franche impatience que j’attendais de pouvoir me confronter à “La Meute” sitôt que celle-ci débarquerait en librairie, le 25 avril… Mais l’auteur et son éditeur m’ont offert la chance d’avancer l’évènement… Et le plaisir de lecture fut tel qu’il me fallait absolument partager cela avec vous, à travers une chronique, oui, mais pas seulement. Aussi ai-je sollicité Olivier Bal et c’est avec une immense joie que je l’ai vu se prêter au jeu de mes petites questions livresques ! Ladies and gentlemen, mesdames et messieurs, Olivier Bal et moi-même avons maintenant le bonheur de vous présenter “La Meute” : Belle rencontre et bonne lecture !

Quel auteur es-tu ? Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Exercice toujours un peu difficile, mais je vais tenter ! Je m’appelle Olivier Bal. J’ai 45 ans. Après avoir été journaliste pendant une quinzaine d’années, voilà six ans que je me consacre pleinement à l’écriture. J’ai publié différents romans, un diptyque fantastique « Les Limbes », puis trois polars qui se passaient aux États-Unis avec un héros récurrent, Paul Green, chez XO Éditions. L’année dernière, j’ai pris un nouveau départ en sortant un thriller qui se déroulait en Europe et en Corse, qui s’appelait « Roches de Sang ». Il s’agissait d’un roman totalement indépendant. J’aime cette liberté de raconter une histoire, de construire des personnages qui se suffisent à eux-mêmes. Je continue sur ma lancée cette année avec « La Meute » qui est une histoire sans aucun lien avec mes précédents romans.

Après avoir fait « Mille morts » pour ensuite nous plonger dans « Les Limbes » avant de nous présenter Paul Green puis nous embarquer en Corse, tu nous confrontes à « La Meute »… Comment t’est venue cette idée ?
Cela fait plus de cinq ans que je pense à ce roman. Le déclic de l’idée de « La Meute » m’est apparu alors que je visitais le château de Pierrefonds, dans les Hauts-de-France. En arrivant dans la cour, j’ai été interpellé par des cris, des bruits de choc, de fracas. Il s’agissait d’un combat de béhourd, un sport où l’on s’affronte en armure médiévale. Pas de mise en scène ici, mais des affrontements brutaux, violents. J’étais à la fois fasciné et terrifié par ce que je voyais. Instantanément, une idée est née. Et si on suivait un jeune qui se passionnait pour ce sport, pour être ensuite entraîné vers quelque chose de plus terrible, de plus sombre… J’avais envie de plonger le lecteur dans les racines du fanatisme et du conditionnement. Pourquoi un jeune décide de tout abandonner pour rejoindre un groupuscule extrémiste ? Je voulais ainsi parler des jeunes « loups » mais aussi des chefs de meute, ceux qui tirent les ficelles. Ces semeurs de haine qui soufflent sur les braises pour faire monter un climat de haine et de violence.

Passé maître dans l’art du thriller, tu nous offres ici une intrigue bien plus complexe qu’il n’y paraît, dans laquelle tu abordes des thématiques particulièrement fortes et terriblement actuelles, à commencer par la montée des extrêmes. Pourquoi avoir choisi d’aborder un tel sujet ?
C’est vrai que « La Meute » est mon roman le plus sociétal, le plus ancré dans la réalité. Voilà des années que je suis interpellé par la montée des extrêmes en France et à travers l’Europe. Alors que les démocraties reculent, les partis souverainistes et populistes prennent le pouvoir, un peu partout. Aujourd’hui, des jeunes aux idées rouge sang défilent dans les rues des grandes villes françaises, et ce dans une indifférence quasi-générale. Un climat de tension monte sans que personne ne semble vouloir y changer grand-chose. Aujourd’hui, selon Europol, l’ultradroite représente pourtant la deuxième menace terroriste en Europe. En France, plus de 2000 individus sont sous surveillance active. Mais attention, je n’ai pas la prétention d’écrire un essai ou une enquête journalistique sur le sujet. Je suis un auteur de fiction. Il m’a donc fallu digérer toutes les informations recueillies, des mois et des mois de documentation, les nombreux échanges que j’ai pu avoir avec des spécialistes pour laisser émerger mon histoire et mes personnages. Ramener de la fiction. Car, après tout, ce qui compte, c’est de vous entraîner dans une histoire forte, construire des personnages complexes et attachants. Si, au passage, on peut interroger un peu le lecteur, tant mieux.

Avec ce roman, et notamment à travers le personnage de Darya (et son époux), tu t’intéresses aussi au sort des migrants, un sujet qui semble te tenir particulièrement à cœur. Pour quelle raison ?
Nous vivons dans une société où l’on fait tout pour détourner les yeux de nos maux. Les réfugiés font partie de ces invisibles qui vivent en périphérie de notre monde. Ils sont souvent des silhouettes floues que l’on voit dans des reportages, en bordure des routes… Ou sont dépeints comme une menace terrible par certains camps politiques. J’avais envie de leur donner un peu la parole, et raconter leur histoire, leur parcours. Darya est ainsi un personnage très important du roman. Avec son mari, elle a traversé huit pays pour arriver en France. Elle rêvait de paix, de liberté… Darya est une femme forte, courageuse, brillante, par bien des aspects. C’est elle, souvent, qui fera avancer l’enquête. Elle aussi, qui ramènera Gabriel parmi les vivants. Qui lui tendra la main quand il en aura le plus besoin. Avec ce roman, je voulais montrer, peut-être, que derrière ces silhouettes en marge de nos existences, il y a des destins, des gens comme vous et moi. Montrer, surtout, que l’on se construit sur nos différences, que l’on n’existe qu’avec l’autre.

Autre thème évoqué ici, et qui semble d’ailleurs s’imposer de lui-même à toi pour l’avoir déjà croisé sous ta plume, c’est celui des liens familiaux et de l’héritage qui en découle. En quoi cela t’inspire-t-il autant ?
En effet, je me rends compte que, livre après livre, je creuse ce sillon. Le poids de l’héritage, les liens familiaux qui entravent et qui étouffent sont des sujets qui apparaissaient en filigrane dans « L’Affaire Clara Miller » ou « Roches de Sang ». Mais ici, à travers le portrait des membres de la famille Mirval, et notamment de la relation entre Armand Mirval et son fils Victor, je m’intéresse au conditionnement, à la manière dont on peut façonner, sculpter un individu. J’aime m’interroger sur la notion de destin, de libre arbitre. Quand une famille vous impose une destinée, peut-on échapper à son histoire ? Dans le cas des Mirval, Victor pourra-t-il briser ce cycle de haine et de violence ?

Sur les traces de « La Meute » mais aussi de « L’Ange noir », on rencontre deux enquêteurs au lourd passé qui ne vivent que pour leurs investigations : Sofia Giordano et Gabriel Geller. Comment ces deux-là se sont-ils invités dans ton imaginaire ?
J’essaie d’écrire des romans organiques, dans lesquels la thématique du livre, centrale, se retrouve en écho dans le chemin qu’emprunteront les personnages. Ici, dans « La Meute », on parle de la société de la peur, de l’enfermement sur soi, de l’appel à la haine, Sofia et Gabriel se construisent un peu en miroir. Chacun a une blessure dans son passé qui l’a façonné et le hante encore aujourd’hui. Mais pas de la même manière. Sofia, elle, s’efforce d’oublier, d’occulter ce drame. Gabriel, au contraire, est en boucle. Il ne peut avancer, prisonnier de ce qui est arrivé deux ans plus tôt. Il revit sans cesse cet instant, ce moment qui a fait basculer sa vie à jamais. Au début du roman, on le découvre sur un quai de gare. Il observe les trains passer. Et c’est vraiment la définition du personnage. Gabriel est à l’arrêt.

Dans ce roman, nous rencontrons également Louis, personnage complexe qu’il faut apprivoiser au fil des pages, et avec lui on s’essaie au béhourd… Peux-tu nous en parler et évoquer ton travail de recherche et de documentation par la même occasion ?
Oui, Louis est le personnage qui a sous-tendu l’écriture de « La Meute ». Je voulais un personnage ambigu, complexe que l’on puisse détester pour certaines de ces décisions, et comprendre, peut-être, au gré des pages. Louis, son langage, c’est la violence. Comme je le dis dans le roman, il a toujours eu « les mains rouges ». Il va se prendre de passion pour un sport de combat, le béhourd, et trouver, enfin, un sens à son existence. Mais les loups rôdent et vont s’intéresser à ce jeune dévoré par sa violence. Ce qui m’intéressait ici, c’est qu’il s’agisse du début du glissement du personnage vers les extrêmes. En étudiant la question, j’ai remarqué des similitudes entre tous les types de fanatisme, qu’importe les « croyances ». Les adeptes sont, très souvent, des jeunes en perte de repères. Dans le discours, on met en avant une forme de chevalerie, l’illusion de faire partie des élus, de défendre un dessein qui les dépasse. Et on retrouve une approche du monde assez médiévale. Ces jeunes veulent partir en croisade, chasser leurs ennemis. Et ceux qui les dirigent, diviser un peu plus notre pays. Alors évidemment, j’ai essayé de pousser la documentation sur le sujet. À chaque roman, j’aime m’immerger dans une thématique. Chaque nouveau livre me permet d’apprendre, de grandir un peu. Ici, j’ai lu des ouvrages sur la montée du fanatisme, des récits de jeunes Français partis faire le jihad en Syrie, notamment les ouvrages de David Thomson. J’ai pu échanger avec un sociologue, Erwan Lecoeur, spécialisé dans la montée de l’ultradroite, une psychologue qui a travaillé dans la radicalisation violente, un policier de la SDAT, des membres d’associations de réfugiés… Et, dans mon côté jusqu’au-boutiste, j’ai décidé de participer à un véritable entraînement de béhourd avec Antoine Bernal, champion du monde de duel épée-bouclier. C’était intense, épuisant, mais hyper enrichissant. Je voulais vraiment ressentir ce que ça faisait de se retrouver avec 30 kilos d’armure sur le dos, perdre ses repères, voir sa mobilité réduite, son souffle coupé. J’espère avoir su retranscrire l’intensité des combats dans le roman. C’était mon envie, offrir des scènes mémorables, viscérales où l’on sent chaque coup, où l’on souffre avec les personnages.

« La Meute », c’est un sombre roman – et un château qui l’est tout autant – qui s’inscrit dans la lignée de la « Divine Comédie » de Dante, qui nous rappelle aussi les univers notamment d’Arturo Perez-Reverte et de Dan Brown… Sans toutefois en exclure toute lumière : En avais-tu conscience ?
Absolument. En écrivant le roman, page après page, j’ai ressenti l’envie de plonger le lecteur dans une ambiance gothique. J’ai toujours été un grand amateur de cet univers. Des livres comme « Rebecca » de Daphné du Maurier ou « Le Tour d’Écrou » de Henry James, des films comme « La Splendeur des Amberson » d’Orson Welles ou « La Maison du diable » de Robert Wise m’ont profondément marqué. Le gothique a toujours été présent dans mes œuvres mais là, en effet, je m’en donne à cœur joie. Dans l’esthétique, la construction des lieux, le château de Noirval, le labyrinthe, la volière… Autant que dans la manière dont j’ai approché l’histoire de la famille Mirval. La malédiction qui les hante, cette sensation, page après page, que ses membres sont des fantômes prisonniers des hauts murs du domaine. J’avais aussi cette envie d’utiliser le gothique pour ramener de la fiction et de l’imaginaire dans le récit, et éviter qu’il ne soit trop réaliste. De même, sachant combien l’histoire était sombre, je voulais apporter des touches de lumière et d’espoir, notamment à travers les relations qui vont se tisser entre les différents personnages : Gabriel et Darya, Djibril et Sofia, Louis et Victor. Il y a toujours quelque chose à sauver, un espoir quelque part. Même au cœur de la nuit la plus profonde.

Ton roman vient tout juste de paraître… Mais as-tu déjà une idée pour tes prochaines aventures livresques ? Se peut-il qu’on croise de nouveau certains protagonistes de “La Meute” ? Quels sont tes projets littéraires ?
J’attaque à peine mon prochain projet, donc je ne pourrai trop en en dévoiler. Mais il s’agira à nouveau d’un roman indépendant. Après « La Meute », qui était très exigeant, très complexe à écrire, j’ai l’envie d’un roman où je m’amuse un peu. Tisser un récit ludique et machiavélique où le lecteur devra enquêter, creuser au gré des indices, des pages. L’envie d’écrire un pur thriller, en huis-clos. Avec, à nouveau, un lieu qui soit comme un personnage à part entière du roman. Il y aura une île. Une nuit de terreur. Une histoire d’amitié…

Un petit mot pour la fin ?
Un petit mot, oui, où je retrouve ma place de lecteur ! En effet, j’ai l’impression qu’on vit une période assez formidable dans le monde du polar français. Il existe une variété incroyable d’autrices et d’auteurs qui ont chacun leur plume, leur identité, leur univers. Nous sommes tous réunis autour de la littérature noire, pourtant chaque livre est unique. Roman noir, thriller pur, polar historique ou à la lisière du fantastique… Bref, j’ai envie de vous inviter à découvrir des auteurs qui montent, hyper prometteurs, et tenter l’aventure de leurs livres… Chrystel Duchamp, Angélina Delcroix, Anouk Shutterberg, Cyril Carrère, Jack Jakoli, Salvatore Minni, Alexandre Murat… Et toutes celles et ceux que vous pourrez croiser en salon et que vous n’avez encore jamais lu. Tentez : vous ne le regretterez pas !

Et mon petit mot de la fin sera merci : Merci, cher Olivier, de t’être si volontiers soumis à ce petit interrogatoire littéraire en dépit d’un planning overbooké ! A présent mes Bookinautes chéris, il est temps de partir à la chasse en librairie : “La Meute” n’attend plus que vous pour être bouquinée si ce n’est pas encore fait !

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