Un polar noir et bien serré servi au coeur d’une Grosse Pomme gangrénée : “Manhattan Sunset” de Roy Braverman, paru ce 04 février aux éditions Hugo Thriller.
Le pitch : Flic égratigné à l’haleine chargé au Lagavulin, l’inspecteur Donnelli est dépêché sur une affaire sordide. Le corps sérieusement mutilé d’une enfant vient en effet d’être retrouvé dans les locaux d’une casse automobile. Secondé par Mankato pour investiguer, Donnelli peut également “compter” sur la présence de Pfiffelmann, son ancien équipier… Mort il y a trois semaines et dont l’esprit n’a de cesse de l’obséder pour comprendre les circonstances de son décès…
Difficile d’en dire davantage au risque de divulgâcher. Quand j’ai appris le retour de Roy Braverman – alias Ian Manook quand il reprend sa plume pour sillonner les States sur papier -, je me suis évidemment ruée sur ce titre dès sa sortie en librairie. Non plus pour parcourir les grands espaces plus dangereux qu’il n’y paraît, mais cette fois-ci pour découvrir une Mégalopole qui ne dort jamais telle qu’on ne l’a jamais encore explorée…
L’auteur nous entraîne en effet dans un New York des bas-fonds, bien loin de celui qu’on visite et qui fait rêver, pour nous offrir une intrigue à la fois sombre et violente, d’une étonnante puissance et prenante à souhait, dans laquelle on se laisse entraîner sans délai pour ne s’en libérer qu’à regret une fois la dernière page tournée.
Si les morts sont ici légion, certains peuvent encore parler et hanter le héros – comme le lecteur – tant qu’on n’a pas compris les motivations de son meurtrier. Une idée pour le moins originale et inattendue qui m’a énormément plu et nous offrent ainsi quelques scènes surprenantes et délicieusement décalées, éclairant au passage cette intrigue furieusement noire jusque dans sa thématique, à l’instar de ce Manhattanhenge qu’on découvre et admire entre ces pages, assis nous aussi sur le toit de l’Astor…
Mais la vraie force du roman réside incontestablement dans ses protagonistes, abîmés par la vie, cabossés par le destin, campés avec force détails et beaucoup de personnalité, étoffés en profondeur pour les doter d’un supplément d’âme auquel on ne peut résister… Ainsi en est-il évidemment de Donnelli, Pfiffelmann et Mankato… Ainsi en est-il de New York aussi, personnage à part entière sans laquelle l’histoire n’aurait décidément pas la même splendeur, la même intensité, la même saveur ni la même densité.
Servi par une plume percutante, fluide et efficace, un style sans concession teinté d’humour – noir autant que faire se peut -, le récit n’en est que plus palpitant, plus captivant, pas forcément pour ses révélations qu’on a parfois devinées, mais bien plutôt pour l’incroyable fresque urbaine qu’il parvient à exposer… Comme si on y était…
En bref, Roy Braverman s’approprie New York comme personne pour mieux nous la dévoiler à travers un polar aussi intense que brutale et addictif… Sans doute mon préféré de sa bibliographie à l’issue duquel une dernière question me hante : Qu’est donc devenu Darwin ?