The place to read… Avec Aurélie Tramier et Solène Bakowski !

Vous le savez mes Bookinautes chéris, je suis toujours ravie de relever quelques défis quand il s’agit de papoter lecture en votre compagnie… C’est ainsi que je me suis lancée dans la réalisation d’interviews croisées à l’occasion de la DreamBookGazette !
The place to read donc… Quésaco ? Deux auteurs vous parlent donc de leurs romans respectifs, lesquels présentent quelques ressemblances… Mais tellement plus de différences ! Et je ne suis pas peu fière d’accueillir cette fois-ci mes très chères Aurélie Tramier, autrice du roman “La Flamme et le Papillon” paru en février dernier aux éditions Marabout et Solène Bakowski, autrice du roman “Rue du Rendez-vous” paru l’an dernier chez Plon !
Je les remercie toutes deux très chaleureusement de s’être ainsi prêtées à mon livresque exercice, et je vous laisse à présent découvrir leurs réponses : Bonne lecture à tous !

NB : La lecture de cet article sera plus fluide et agréable en version PC.

Quelle autrice es-tu ? Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Eh bien, je suis une autrice encore un peu débutante, avec trois romans à mon compteur ! J’ai beaucoup de choses à apprendre et je ne cesse de m’émerveiller de ce parcours qui se construit. Cela me semble toujours incroyable que de vraies personnes puissent me lire et m’apprécier. A part ça, j’ai 39 ans, je suis mariée, j’ai trois garçons de 11, 9 et 5 ans, et je vis avec ma famille à Munich depuis 2014. Avant nous étions à Paris. Dans la vraie vie, je suis consultante en marketing.

Quelle autrice es-tu ? Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis née en 1981 à Paris, ville que je n’ai jamais pu quitter très longtemps depuis. Je me suis essayé à beaucoup de métiers différents. J’ai tour à tour été réceptionniste, libraire, enseignante de français en Chine, vendeuse en boulangerie, standardiste, gardienne d’immeuble remplaçante, professeur des écoles et permanente associative, etc. Il paraît que ce n’est plus un CV mais un catalogue… Je suis très impatiente, je me lasse vite, ceci explique sans doute cela. En revanche, s’il y a bien quelque chose qui ne varie pas, c’est mon amour pour l’écriture.

“La Flamme et le Papillon”… Un bien joli titre pour un roman qui l’est tout autant : D’où vient-il ? Peux-tu nous conter la genèse de cet ouvrage ?
J’ai toujours du mal à trouver les titres et ils émergent généralement à la dernière minute, quand on n’a plus le choix et que le BAT est presque validé. J’aime beaucoup ce titre et je dois avouer qu’il n’est pas de moi. C’est mon mari qui l’a trouvé, lassé d’écouter mes centaines de propositions quotidiennes ! Derrière ce titre poétique se cache un sujet grave, celui de l’emprise dans le couple et en particulier du pervers narcissique. Mais je voulais un titre qui ne soit pas trop sombre et reste poétique. Celui-ci m’a plu tout de suite. Le hasard a fait que, quelques jours après l’avoir trouvé, j’ai appelé une amie professeur d’anglais qui m’a indiqué qu’il s’agissait d’une expression anglaise signifiant « attraction dangereuse ». Je pense que mon mari avait dû voir ça quelque part dans ses études, même s’il jure ne pas s’en souvenir.
Pourquoi un tel sujet ? J’ai été marquée à plusieurs reprises par des cas de personnes qui donnaient l’impression d’être heureuses et que l’on découvre du jour au lendemain détruites, des personnes qui souffraient en silence sans parler de l’emprise qu’exerçait sur elles un boss, un conjoint ou un parent par exemple. Souvent elles n’en étaient même pas conscientes elles-mêmes. Ces situations m’ont profondément bouleversée, mais ce qui m’a marquée le plus est la capacité de ces mêmes personnes à tout reconstruire. Voilà ce que je voulais évoquer : comment faire rejaillir la lumière quand on est tombé dans l’obscurité la plus totale.

“Rue du rendez-vous”… Un bien joli titre pour un roman qui l’est tout autant : D’où vient-il ? Peux-tu nous conter la genèse de cet ouvrage ?
Ce roman est né d’une chanson réaliste du début du siècle dernier que j’écoutais beaucoup lorsque j’étais petite. « Les roses blanches » raconte l’histoire d’un petit garçon qui vole des roses pour les offrir à sa mère mourante. C’est elle qui m’a donné l’envie de parler d’un garçon, aimant follement sa mère, une mère qui ne voulait pas d’enfant. Parce que je souhaitais traiter d’une période dont ma grand-mère m’a beaucoup parlé, le décor du Paris occupé s’est imposé à moi. La nécessité de raccorder cette histoire du passé au présent est arrivée dans un second temps.

L’intrigue se déroule à Aix en Provence, une ville qui semble chère à ton cœur. Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?
Je suis Aixoise, j’y ai vécu jusqu’à mes 17 ans et aucune ville, même Paris, n’a réussi à remplacer dans mon cœur ma ville natale. J’aime la Provence, la douceur du soleil, l’ocre de la pierre. Je ne peux pas me passer de cette ville, j’ai besoin d’y retourner plusieurs fois par an pour recharger mes batteries. Il faut reconnaître qu’en plus, d’un point de vue romanesque, c’est une ville connue à l’étranger (merci Cézanne, merci Zola) et extrêmement photogénique si j’ose dire. Les descriptions sont faciles !

L’intrigue se déroule à Paris, une ville qui semble chère à ton cœur. Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?
Comme je le disais plus haut, je suis née à Paris, j’y vis et je ne sais pas si je serais capable de vivre ailleurs. Il y a une âme particulière, je trouve. Ce n’est pas que les monuments, ce sont les petites rues, les quartiers qui grouillent, la vie qui est partout. À mes yeux, Paris réussit à être à la fois une ville d’histoire et une ville d’avenir. J’adore m’y promener – partir en balade pendant des heures au hasard des rues constitue d’ailleurs un de mes hobbys préférés – et imaginer ceux qui m’ont précédée ainsi que ceux qui me suivront.

Plus précisément l’histoire prend ses marques au Café du Lapin Blanc… Comment ce lieu s’est-il imposé dans ton roman ?
Ce lieu est né dans mon tout premier roman « Vous reprendrez bien un petit chou ? » qui était autoédité et que tu avais déjà chroniqué (merci pour cette confiance !). C’était un café très cosy, totalement fictif, dont la déco était inspirée d’un petit café en bas de chez moi à Munich, le Café Küche. Le nom du Lapin Blanc s’était imposé tout seul, enfin croyais-je, et de là, j’avais tiré les fils autour des personnages d’Alice au Pays des Merveilles. Je m’étais amusée à introduire le Chapelier fou et le Lièvre de Mars, ainsi, évidemment, que la reine de Cœur. Sur cette base-là, la serveuse de café ne pouvait que s’appeler Alice. Quelle ne fut ma stupeur, un matin en sortant de chez moi, de me rendre compte que le petit salon de thé juste en face s’appelait « The white rabbit » ! Comme quoi, rien ne vient pas hasard, j’avais été influencée sans même m’en rendre compte.

Plus précisément l’histoire prend ses marques à la boulangerie Patach’… Comment ce lieu s’est-il imposé dans ton roman ?
La boulangerie Patach’ a vraiment existé, non pas à Paris, mais à Levallois-Perret. Elle appartenait à mon oncle et j’ai eu l’occasion d’y travailler pendant mes études. J’ai beaucoup aimé cette expérience. Ce n’est pas seulement un endroit où on achète du pain : la boulangerie, comme tous les commerces de proximité, n’est pas qu’un point de passage. La clientèle est régulière, vous voyez la vie des clients changer, vous faites partie de leur décor, certains se confient à vous d’emblée, d’autres ont besoin de temps pour se dérider, quelques-uns vous connaissent si bien qu’ils vous appellent par votre prénom. Bref, c’est un petit concentré d’humanité, terriblement romanesque en fin de compte.

Crédit photo : Astrid di Crollalanza

Nous allons notamment y rencontrer Alice et Elvire, sans oublier son chien Valmont. Peux-tu nous les présenter ?
Alice et Elvire existaient déjà dans mon tout premier roman. Elvire n’était pas encore nommée, mais c’était cette petite vieille dame haute comme trois pommes qui sudokutait dans son coin. Alice, en revanche, avait un vrai rôle. On y assistait à la naissance de son idylle avec Charles. Plusieurs lecteurs m’avaient dit avoir apprécié ce jeune couple et regretter de ne pas connaître la suite de leur histoire. C’est chose faite ! Nous les retrouvons dans ce roman un an après le Petit chou. Alice et Charles sont maintenant ensemble, même si Alice a une peur panique de l’engagement. Quant à Elvire, c’est elle la véritable héroïne de ce roman, même si elle décède dès les premières pages. Je voulais une vieille dame un peu déjantée et aux mille visages, pour brouiller les pistes au maximum. Car les personnes qui ont souffert de l’emprise sont généralement vues comme étant elles-mêmes les personnes faibles ou dépressives, alors que ce sont simplement des personnes détruites ! Petit détail, le prénom d’Elvire est une référence à Dom Juan, mais je n’en dis pas plus.
Ah, ValmontValmont, alias Pepito, c’est mon Cavalier King Charles. Il est arrivé chez nous il y a deux ans, quand j’ai commencé à écrire ce roman. Quand je travaille, il se couche à mes pieds et m’écoute sans se lasser. Il fallait bien que l’héritage d’Elvire ait quelque chose d’un peu encombrant ! Référence aux « Liaisons dangereuses » bien sûr, l’un des personnages de littérature les plus abjects et narcissiques qu’il soit.

Nous allons notamment y rencontrer Alice et Marcel, sans oublier son chien Lucien. Peux-tu nous les présenter ?
Alice a 25 ans, elle est vendeuse en boulangerie et elle aime les gens pour de vrai. Elle se plie en quatre. Elle sourit beaucoup mais elle a le cœur gros.
Marcel a 87 ans. Il attend la mort qui ne se décide pas à arriver dans la solitude de son vieil atelier de bottier situé au fond de la Rue du Rendez-Vous. Il s’accroche à ses fantômes, ses regrets et ses remords, et refuse l’expropriation. Son chien, Lucien, un vieux caniche, est son unique compagnon. Tous deux ont leurs habitudes et pas du tout l’intention d’en changer.

Qui des personnages ou de l’intrigue s’est invité en premier dans ton imaginaire ?
Alors là c’est une bonne question, un peu comme l’œuf ou la poule ! Ils sont indissociables, car dès le début, je voulais parler de l’emprise, mais c’est Elvire qui a jailli. Le tout premier nom de code de mon roman était « Jolie mamie au bois dormant ». Je voulais dessiner le portrait d’une femme qui se réveille comme après un long sommeil.

Qui des personnages ou de l’intrigue s’est invité en premier dans ton imaginaire ?
L’histoire d’un petit garçon nommé Marcel est arrivée en premier. Peu à peu, je l’ai vu grandir, devenir un homme puis un vieillard. J’admets avoir eu plus de mal à tracer les contours d’Alice qui, elle, n’était pas prévue au départ.

A travers ce livre, tu abordes avec douceur et finesse des thématiques particulièrement fortes parmi lesquelles la famille et les liens familiaux : En quoi était-ce important à tes yeux ?
Oui, la famille est très importante à mes yeux, même si dans mes romans, j’ai plutôt tendance à brouiller les gens entre eux ! J’aime quand même bien que tout le monde se réconcilie à la fin. La famille était déjà au cœur de mon précédent roman, « Peindre la pluie en couleurs », et ça l’est encore plus ici puisque Alice fait ressurgir de très vieux secrets de famille qui ne sont pas tous jolis jolis. Cela a beau être des fictions pures et dures, elles sont forcément basées sur des situations que j’ai observées et parfois ressenties au fond de mes tripes, et je peux vous dire que ce roman a été difficile à faire sortir.

A travers ce livre, tu abordes avec douceur et finesse des thématiques particulièrement fortes parmi lesquelles la famille et les liens familiaux : En quoi était-ce important à tes yeux ?
Je voulais évoquer la vie, ce qui nous touche tous, les expériences que l’on a en commun, peu importe la catégorie sociale à laquelle on appartient : on naît, on aime, on meurt, et le cycle de la vie recommence toujours, que ça nous plaise ou non. Je crois que c’est l’amour qui nous fait. Rue du Rendez-Vous, au fond, ne parle que d’amour. Amour filial, amour passion, amour tendresse.

Plus qu’une simple histoire, tu nous offres un roman résolument lumineux qui s’avère aussi prenant et intrigant qu’un thriller : Une telle construction était-elle préméditée ?
Tout à fait, et cela rend ce livre difficilement catégorisable car ce n’est surtout pas un thriller (les lecteurs de polars seraient affreusement déçus) mais ce n’est pas un feel good non plus. Après la sortie de « Peindre la pluie en couleurs », j’ai été déboussolée par les commentaires élogieux. J’ai voulu montrer que je pouvais écrire quelque chose de radicalement différent. Dans la mesure où je reprenais un lieu et des personnages existants, j’ai déroulé cette idée d’une Alice qui irait de personnage en personnage, même si ce qu’elle découvre n’est pas le pays des merveilles. Par ailleurs, comment parler du thème du pervers narcissique, qui est tout à fait invisible, comment montrer les erreurs de jugement des gens tout autour si ce n’est en les faisant parler ? C’est en tout cas l’idée que j’ai trouvée.

Plus qu’une simple histoire, tu nous offres un roman résolument lumineux qui s’avère aussi prenant et intrigant qu’un thriller : Une telle construction était-elle préméditée ?
Je dois confesser que je ne prémédite pas grand-chose. Je ne sais pas construire un plan, j’ai besoin d’écrire pour voir les personnages et imaginer leurs actions. J’ai une ligne directrice, parfois mince, et j’avance beaucoup au fil de la plume. De la même façon, la construction est arrivée au fur et à mesure.
Travailler de cette manière est très grisant car chaque jour d’écriture apporte son lot de surprise. En revanche, c’est sans doute moins « efficient » qu’écrire en suivant des rails précis. Cela implique un travail important de réécriture et de mise en cohérence. Mais je suis incapable de fonctionner autrement. Ma façon de faire relève de l’artisanat, je suis comme un tailleur de pierre sans but. Il taille en aveugle jusqu’à trouver une forme qui lui plaît.

Et maintenant : Où et avec qui comptes-tu nous emmener pour ta prochaine intrigue ? Quels sont tes projets littéraires ?
J’ai toujours besoin d’attendre d’avoir les premiers retours pour me sentir boostée et me relancer. J’ai trouvé une idée, une idée très différente car elle est beaucoup plus historique. Je rêve en effet d’écrire un roman de « micro-histoire », je veux dire basé sur un petit élément historique du type « Le bal des folles » ou « La part des flammes ». Je crois que j’ai trouvé un peu par hasard un sujet qui me fait vibrer. Une jolie boîte de Pandore sur un thème qui m’est très cher. Et il pourrait bien que cela se passe une nouvelle fois en Provence. Avec une amie illustratrice, nous avons aussi lancé un projet d’album pour les enfants, et nous cherchons un éditeur ! J’aimerais beaucoup que mon plus petit, qui n’a que 5 ans, puisse lire un de mes livres ! Dans mes rêves les plus fous, il y a aussi un roman jeunesse type « Percy Jackson », mais là, on est uniquement au stade rêve.

Et maintenant : Où et avec qui comptes-tu nous emmener pour ta prochaine intrigue ? Quels sont tes projets littéraires ?
Mon prochain roman s’intitule « Il faut beaucoup aimer les gens » et sortira le 5 mai, soit le lendemain de la sortie poche de « Rue du Rendez-Vous ». Il met en scène Eddy, veilleur de nuit, allergique aux autres qui, vidant l’appartement de son enfance, retrouve les effets personnels qu’il a dérobés 20 ans plus tôt à une SDF morte. Poussé par la culpabilité, il décide de rendre à cette femme l’histoire qu’il lui a confisquée. Eddy se lance alors dans une enquête, à la recherche de ceux qui l’ont connue.

Cette publication a un commentaire

  1. Catherine

    Jolie interview croisée, merci ! Ravie d’avoir pu vous rencontrer au festival du livre de Paris ce week-end.

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