Mes petits Bookinautes adorés : Pour aborder l’automne avec passion et sincérité, j’ai sollicité un auteur dont j’apprécie énormément la plume, pour une interview “historique” dont vous me direz des nouvelles ! En effet Eric Fouassier a très gentiment accepté de répondre à mes petites questions indiscrètes et je l’en remercie infiniment ! A présent je vous laisse découvrir notre échange : Belle découverte et bonne lecture !
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je vais avoir 60 ans et suis à la fois professeur des universités et écrivain. Docteur en pharmacie et en droit, j’enseigne le droit de la santé et l’histoire de la pharmacie à l’université de Paris-Saclay où je dirige également une équipe de recherche. J’écris depuis que j’ai l’âge de 15 ans et j’ai d’abord commencé à publier des nouvelles en revues puis chez de petits éditeurs. Depuis 2016, cette activité d’écrivain est devenue plus importante et j’ai acquis un lectorat fidèle avec plusieurs romans policiers historiques parus d’abord aux éditions JC Lattès puis, aujourd’hui, aux éditions Albin Michel.
Y a-t-il un livre/auteur qui t’a poussé à prendre la plume ? Quel a été ton déclic ?
Il s’agit d’Henri Bosco, un écrivain bien trop méconnu ou relégué aujourd’hui à tort comme auteur jeunesse à cause du succès passé de « L’enfant et la rivière », mais qui est sans doute le plus grand écrivain français de l’invisible. Après avoir lu son roman « L’âne culotte » à 15 ans, je suis tombé sous le charme de son écriture et d’un livre dont le sujet était justement l’enchantement. Je me suis dit que c’était absolument magique de pouvoir embarquer comme ça un lecteur, juste par le pouvoir des mots, et j’ai commencé à écrire mon premier manuscrit sitôt lue la dernière page du roman.
Docteur en pharmacie et docteur en droit, c’est pourtant dans l’Histoire que s’ancre une grande partie de ta littérature, noire par ailleurs : Comment l’expliques-tu ?
J’ai toujours adoré l’Histoire, sans doute parce que j’ai eu la chance de croiser sur ma route des enseignants passionnés qui ont su me transmettre leur goût pour l’étude du passé. Il se trouve que les hasards de l’existence font que j’enseigne moi-même l’histoire de la pharmacie depuis plus de 30 ans à l’université et que je dirige un petit musée consacré à cette thématique au sein de ma faculté. Du coup, il est assez logique qu’une partie de ma production littéraire s’ancre elle aussi dans le passé. Et puis notre monde actuel n’est pas si réjouissant, alors autant faire voyager les lecteurs dans le temps…
Qui dit Histoire dit nécessairement travail de recherche : Pourrions-nous en savoir plus à ce sujet ?
Les lecteurs de romans policiers aiment apprendre des choses au cours de leur lecture. Il est donc essentiel de ne pas tricher et de se livrer à un gros travail de recherche en amont de l’écriture. Pour chaque roman, cela me demande plusieurs mois de lecture et de rédaction de fiches documentaires. Je fonctionne selon la technique de l’entonnoir avec d’abord des lectures d’ouvrages généraux sur la période que j’ai choisie, puis des biographies des personnages historiques emblématiques de cette période. Vient ensuite le travail de documentation sur le quotidien : que mangeait-on ? comment se déplaçait-on ? où se divertissait-on ? etc. Pour cela, j’ai recours à des ouvrages plus pointus, des articles d’historiens et des documents d’archive. Puis vient la documentation de détail, par exemple pour décrire tel bâtiment aujourd’hui disparu. Là encore, il faut avoir recours aux documents d’archive (heureusement, aujourd’hui beaucoup de documents sont numérisés et consultables sur Internet).
Après la saga d’Héloïse et Les Francs Royaumes, tu as fait ton retour en librairie avec « Le bureau des affaires occultes » dont le premier tome fut récompensé du Prix Maison de la Presse en 2021 : Peux-tu nous conter la genèse de cette série ? Quelle part de réalité y a-t-il dans celle-ci ?
L’idée de cette série est née d’un constat multiple. Le règne de Louis-Philippe, encore appelée la Monarchie de Juillet, est une période méconnue mais pourtant passionnante de l’Histoire de France. Deux éléments, au moins, en font le cadre idéal pour des intrigues policières. Premièrement, c’est un tournant dans l’histoire de la police. La police d’avant, c’était celle des mouchards et du flagrant délit, illustrée par le fameux Vidocq. On était allé chercher un ancien bagnard pour diriger la Sûreté parisienne car il connaissait le milieu et pouvait aisément l’infiltrer. Mais, sous Louis-Phillipe, les progrès de la médecine et de la chimie vont permettre de basculer dans la police de la preuve. Le héros de mes romans, l’inspecteur Valentin Verne, est un pionnier de cette police moderne. Deuxièmement, l’époque est également fascinante parce qu’elle se caractérise à la fois par des progrès scientifiques et technologiques considérables, mais aussi par un goût prononcé de la population pour l’occulte, l’inexplicable, l’exotisme (hypnose, spiritisme, orientalisme, paradis artificiels…). Si le contexte des enquêtes menées par l’inspecteur Verne rend compte de tout cela, le bureau des affaires occultes qu’il dirige, lui, n’a jamais existé. C’est une pure invention de ma part.
Valentin Verne et ses acolytes sont-ils inspirés de personnages réels ? Qui – de tes intrigues ou de tes personnages – s’est d’ailleurs immiscé en premier dans ton imaginaire ?
Comme pour beaucoup d’écrivains, j’imagine, mes personnages sont des créatures composites. J’y mets un peu de moi, de mes proches, de mes connaissances, de personnages historiques, de célébrités (pour les descriptions physiques, j’aime bien quelquefois m’inspirer d’acteurs ou d’actrices) et aussi d’autres personnages tirés de romans qui m’ont plu. En ce qui concerne plus particulièrement le personnage de Valentin, il s’est imposé à moi dès que j’ai compris qu’il y avait tant de choses à dire sur l’époque qu’il me faudrait plusieurs romans pour les évoquer toutes et que je partais donc pour une série au long cours. Si je voulais ne pas lasser les futurs lecteurs, il me fallait donc un personnage principal suffisamment attachant, complexe et susceptible d’évolution.
« Les nuits de la peur bleue » : Un titre pas banal pour un troisième opus peut-être légèrement différent des précédents au regard des aventures comme des révélations qui nous y attendent : D’où t’es venue cette idée ?
Quand j’ai commencé à réfléchir au thème de la troisième enquête de Valentin, nous étions en pleine vague de COVID. Forcément, cela m’a incité à m’intéresser à la terrible épidémie de choléra qui toucha la France en 1832, choléra qu’on appelait justement la peur bleue à l’époque, en raison de la coloration du visage des victimes. Or, quand j’ai commencé à me documenter sur cette maladie qui fit des ravages à Paris, j’ai été frappé par les similitudes que l’on retrouvait entre les deux épidémies, à deux siècles pourtant de distance. Je me suis dit qu’il y avait matière à plonger les lecteurs dans une intrigue qui les ramèneraient à la fois loin en arrière dans le temps, mais raviverait pourtant aussi des événements beaucoup plus récents.
Un troisième tome comme la conclusion à la petite histoire d’une grande Histoire, celle de Valentin sous la Monarchie de Juillet… Mais Valentin Verne nous a-t-il vraiment tout raconté ? Plus largement as-tu déjà une idée pour tes prochaines pages ? Quels sont désormais tes projets littéraires ?
Les trois premiers romans bouclent un premier cycle à l’intérieur de la série, celui du passé de Valentin. Mais tout n’a pas encore été dit. J’ai envie de promener un peu mon héros en dehors de Paris, histoire de varier les plaisirs. Le quatrième tome, que je suis en train d’écrire, se déroulera pour une grande partie en province et évoquera la dernière guerre de Vendée dont l’instigatrice fut la duchesse de Berry. Par la suite, je ne compte pas poursuivre au même rythme que ces quatre dernières années, avec une enquête du Bureau des affaires occultes tous les ans. Je prévois plutôt d’alterner, un an sur deux, avec des polars historiques « one shot » qui me permettront d’explorer d’autres périodes de l’Histoire et d’autres schémas narratifs. Par ailleurs, mes trois premiers polars qui étaient des thrillers contemporains devenus introuvables, sauf sur le marché de l’occasion, vont ressortir en 2025 et 2026 au Livre de poche.
Question pêle-mêle : Quel est…
– Ton livre de chevet ? « Le désert des Tartares » de Dino Buzatti, un pur chef d’œuvre, tant sur le fond que sur la forme !
– Le livre qui cale ta bibliothèque ? Tous les tomes de « À la recherche du temps perdu ». À ma grande honte, je n’ai jamais lu Proust. Son univers romanesque ne m’a tout simplement jamais attiré…
– Le livre que tu aurais rêvé d’écrire ? « Les rois maudits » de Maurice Druon, un incontournable du roman historique !
– Ta lecture en cours ? « Les enragés » de Paola Nicolas, livre paru en octobre 2022 et qui raconte les attaques subies de son vivant par Pasteur et la lutte, toujours d’actualité, de la science contre l’obscurantisme.
Si tu devais comparer ta vie à un roman, lequel serait-ce ?
« Love story » d’Erich Segal, sauf que l’héroïne ne meurt pas à la fin et continue à faire le bonheur du héros.
Un petit mot pour la fin ?
Un grand mot : MERCI ! MERCI aux blogueurs, aux libraires et surtout à tous les lecteurs qui contribuent aux succès de mes romans et me permettent de concrétiser enfin le rêve de mes 15 ans.