Livres et vous ? Livrez-vous… Avec David Coulon !

Si je le lis depuis déjà quelques années, je ne vous en ai pas encore assez parlé… Et sa prolifique actualité n’a fait qu’attiser mon envie de le faire sans plus tarder ! Alors que vient de paraître “Demain disparue“, son tout dernier roman et le premier titre de la collection “Nuit blanche” des éditions Fayard, j’ai donc sollicité le talentueux David Coulon afin de le soumettre à un petit interrogatoire littéraire et celui-ci s’est très gentiment soumis à l’exercice, me permettant ainsi de vous faire (re)découvrir son univers et sa sombre plume : Belle rencontre et bonne lecture !

Quel auteur es-tu ? Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis avant tout un lecteur, qui lit de tout, de la blanche, de la noire, du théâtre. Les classifications me saoulent d’ailleurs.
Pour ce qui est du « type d’auteur » que je suis, je me résumerais en disant que j’aime les mots, et j’écris tout le temps, c’est-à-dire que j’imagine en permanence des histoires, le fond comme la forme, dans ma tête ! Certaines aboutiront, d’autres pas, peu importe !

Y a-t-il un livre/auteur qui t’a poussé à prendre la plume ? Quel a été ton déclic ?
Plusieurs ! Pleins ! Des auteurs de noir, de fantastique, de poésie, de théâtre. Dur de choisir. Disons Edgar Allan Poe et Stephen King (sans doute le plus grand conteur contemporain) pour commencer. Puis il y a eu Chuck Palahniuk, Charles Bukowski ou encore Bret Easton Ellis pour le côté « no limit » dans le style. Marcus Malte chez les Français (un auteur trop peu connu selon moi) a été un choc pour le lecteur que je suis, car il y en a peu comme lui qui arrivent à nous faire entrer par petites touches impressionnistes dans le cerveau de personnages brisés par la vie.

Crédit photo : Yvan Fauth

Après « Biotope » paru en 2021, te voici de retour en librairie avec un… Puis deux… Puis trois romans sur moins d’une année : En 2023, tu as d’abord publié « Sentinelle » aux éditions Magnus puis « Kintsugi », brillamment illustré par Florent Maudoux et publié chez AFITT éditions. Peux-tu nous expliquer cette soudaine frénésie littéraire et brièvement nous parler de ces deux écrits parus l’an dernier ?
Alors pour tout dire, « Sentinelle » est un roman que j’ai écrit il y a très longtemps. Il avait failli être publié dans une autre maison d’édition, dont le directeur littéraire est décédé juste avant. La nouvelle équipe l’a alors qualifié d’impubliable ! En effet, je reconnais qu’il est très gore mais, pour moi, il s’agit avant tout d’un poème écrit par le narrateur. Et je trouve indispensable de coller au réalisme psychologique dudit narrateur. D’autres maisons ont lu le manuscrit, beaucoup l’ont aimé, mais jugé trop hard. Je ne me compare aucunement à Bret Easton Ellis mais, si « American Psycho » était écrit aujourd’hui, je pense qu’il ne trouverait aucune maison d’édition prête à conclure un contrat pour ce roman… On a tendance à aller vers l’aseptisé, ce qui est un peu dommage. Seule Laura Magné a accepté de prendre ce risque, il semblerait qu’il y ait beaucoup de frilosité sur le marché… Plus grand-chose n’existe dans le domaine du gore… Les éditions Faute de Frappe et leur éditeur Marc Falvo proposent une belle collection horrifique et gore et je crois que c’est à peu près tout. C’est dommage.
Pour ce qui est de « Kintsugi », il s’agit d’un travail en collaboration avec Stanislas Petrosky (dont je recommande le superbe « L’Affaire de l’île Barbe ») et les éditions AFITT, qui traitent de ce tout ce qui a trait à la mort. Ce roman occupe une place très à part car je traversais pas mal de deuils lorsque je l’ai écrit et il traite justement de ce sujet-là : la psychologie du deuil, comment on s’en sort (ou pas). Je trouve qu’il s’agit de mon roman le plus profond et le plus intime, même s’il reste un thriller. Il est très cher à mes yeux.

Cette année, c’est aux éditions Fayard qu’on te retrouve avec « Demain disparue », un roman dystopique dans lequel on rencontre Lif, au bord de la rupture avec Romuald. C’est pourtant ensemble, et en dépit d’une tempête en approche, que le couple se rend chez « ses » amis pour une soirée qui va virer au cauchemar… Comment ce premier titre de la collection « Nuit blanche » de l’éditeur t’est-il venu à l’esprit ?
Je suis particulièrement heureux d’initier par ce titre la collection « Nuit Blanche » qui, je l’espère, vous en fera passer plusieurs ! Je suis également très fier de me retrouver chez Fayard avec des auteurs que j’apprécie énormément comme Sylvain Forge ou Armelle Carbonel, par exemple. Et me retrouver chez l’un des éditeurs historiques de Georges Simenon est un honneur incroyable. Je tiens à remercier ma directrice littéraire Margaux Russo, pour sa confiance et son travail sur le texte, ainsi qu’Isabelle Saporta, la directrice de Fayard.
Parlons maintenant du roman, et de la question que tu me poses… Comment ce texte m’est venu à l’esprit ? Tout part toujours de deux éléments pour moi. Un contexte et un personnage. Il y a eu, dans ma région d’adoption, la Normandie, l’explosion d’une usine toxique, Lubrizol, il y a quelques années. Un épais nuage toxique envahissait tout, les gens toussaient, vomissaient, et les autorités disaient que tout allait bien. Alors qu’on voyait bien que tout allait mal. Et qu’on allait continuer à vivre ici, malgré tout. J’ai voulu créer une ambiance inquiétante, latente, autour de cet événement.
Et il y a eu ce personnage, ou plutôt ce couple, en pleine rupture, qui s’est imposé à moi. Je pense être un auteur de la rupture – sociale, générationnelle, individuelle, psychique – et ai imaginé ce couple en pleine rupture comme le parallèle humain, psychologique, de cette usine qui faisait tout exploser autour d’elle. Le monde explose, le mini-monde (le couple) explose, et l’épouvante survient à partir de ces deux éléments – individuels et sociaux – fragilisés.
J’ai voulu confronter ce couple à un couple d’adolescents, nouvelle génération peut-être plus consciente que nous sur certaines thématiques, et sans réels repères moraux. Je trouve la jeune génération très anxieuse, et à juste titre. On les trouve dilettantes, les jeunes. Peu bosseurs etc… Ce sont des clichés. Moi, je les trouve angoissés. Le dilettantisme n’en est que le symptôme. En tout cas, ils sont effrayants dans le roman. Et malgré cela, je ne saurais pas dire, s’ils sont victimes ou bourreaux, si on doit les haïr ou les aimer.

Sans trop en dire, tu abordes des thématiques fortes et plus actuelles que jamais à travers ce récit de « demain » à l’ambiance glaçante : Penses-tu que la littérature puisse davantage permettre d’alerter les consciences ?
Je ne sais pas. On est toujours sur le fil du rasoir. J’adore la littérature qui aborde des thématiques sociales ou sociétales mais je déteste qu’elle donne des leçons. Le prêt à penser me fatigue. Alors j’aborde des thématiques contemporaines, mais j’essaie de ne pas dire aux lecteurs ce qu’ils doivent penser. Je suis avant tout là pour les bousculer, leur faire peur.
J’ai mon avis sur les thématiques abordées dans le roman, mais je considère que mon rôle d’auteur est de pousser le réalisme psychologique au bout : que les humains embarqués au cœur de ces problèmes fassent leurs choix et que ces choix-là apparaissent comme évidents ou compréhensibles pour les lectrices et les lecteurs. Qui a raison, qui a tort, la morale de chacune et chacun en décidera. Cela ne m’appartient plus. Si cela fait peur et que cela déstabilise, c’est gagné.

Si tous tes romans se révèlent très différents les uns des autres, il semblerait que l’atmosphère prédomine toujours et qu’elle soit inhérente à l’état d’esprit du personnage principal, donc ici de notre héroïne : N’est-ce là qu’une impression ? Comment l’expliques-tu ?
Non, tu as tout résumé. Je suis psychologue, donc la psychologie des personnages et leur logique interne est au cœur de mon travail d’écriture. De même pour le contexte. J’essaie d’écrire des romans angoissants, et de planter une atmosphère qui est la base indispensable pour ce type de récit. Si l’angoisse et la logique psychologique des personnages sont là, tout le reste devrait, normalement, fonctionner.

Ce dernier roman vient de paraître mais l’inspiration t’a-t-elle déjà soufflé ton prochain roman ? Quels sont tes projets littéraires ?
Oui, tout à fait. Je suis en pleine écriture d’un nouveau roman d’angoisse psychologique, destiné à la collection « Nuit Blanche ». Il va prendre un peu de temps, mais je pense qu’il va faire très peur. Moi-même, je ne sais pas si je vais rouvrir sereinement mon fichier informatique.

Question pêle-mêle : Quel est…
– Ton livre de chevet ? « 1984 » de Georges Orwell.
– Le livre qui cale ta bibliothèque ? Question à double entrée… Un pavé ou un bouquin que je n’arrive pas à lire ? En pavé que j’adore : « 22.11.63 » de Stephen King. Un bouquin que je n’arrive pas à lire : « Belle du Seigneur » d’Albert Cohen. Essayé mille fois. Mille fois arrêté.
– Le livre que tu aurais rêvé d’écrire ? « La position du mort flottant », un recueil de poésie de Jim Harrison, écrit juste avant sa mort. Une ode à la vie et à la nature.
– Ta lecture en cours ? « L’internat » de Serhiy Jadan. Un roman ukrainien qui, en termes d’atmosphère, restitue hélas particulièrement bien celle de civils pris « au piège » en pleine guerre. Juste avant, j’avais terminé « Héloïse » d’Ophélie Cohen, à la plume particulièrement talentueuse.

Si tu devais comparer ta vie à un roman, lequel serait-ce ?
« L’étranger » d’Albert Camus. Je n’ai tué personne, attention ! En revanche, cette sensation d’être constamment étranger à soi-même face à une condition humaine totalement absurde, me parle totalement.

Un petit mot pour la fin ?
Je te remercie pour cette interview très agréable !

C’est moi qui te remercie, cher David, de t’être si volontiers prêté au jeu de mes petites questions indiscrètes ! A présent mes Bookinautes adorés, c’est à vous de (re)découvrir David Coulon en (re)plongeant dans sa bibliographie si vous ne l’avez pas encore fait : Par quel titre allez-vous commencer ?

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