Chroniques 2024 \ Norferville de Franck Thilliez

Même le paysage le plus immaculé peut se révéler comme le plus sinistre des enfers : “Norferville” de Franck Thilliez, paru le 02 mai aux éditions Fleuve Noir.

Le pitch : Dans l’univers hostile du Grand Nord, personne ne vous entend crier.
Détective et criminologue à Lyon, Teddy Schaffran apprend que le corps de sa fille a été découvert dans une ville minière très isolée du Grand Nord québécois, Norferville. Morgane a été sauvagement mutilée, abandonnée dans la neige non loin d’une réserve autochtone. Sans réfléchir, Teddy plaque tout pour se rendre sur place, bien décidé à comprendre ce qui s’est passé.
Là-bas, Léonie Rock, une flic métisse, est mise sur l’affaire. Elle est alors contrainte de renouer avec cet endroit coupé de tout où elle est née et où, adolescente, trois inconnus l’ont violée. Un retour vers son enfer, alors que les températures frôlent les -20°C.
Ensemble, ces deux êtres éprouvés par la vie vont se démener pour trouver des réponses malgré l’inhospitalité de la nature et des hommes.

Avec ou sans Franck Sharko et Lucie Hennebelle, chaque roman de Franck Thilliez me surprend et constitue une véritable expérience doublée d’une formidable aventure. Et ce nouvel ouvrage ne fait pas exception. Fidèle à ses bonnes habitudes d’écriture, le Maître du Thriller a donné congé à son duo préféré – qu’il a pris soin de malmener l’an dernier – pour mieux nous offrir un aller “simple” au fin fond du Québec où aucun anorak ne saurait vous préserver du froid tant cette intrigue saura vous glacer en moins de temps qu’il ne m’en faut pour vous en parler…

Ici on oublie la science au profit de l’Histoire, celle des peuples autochtones du Grand Nord Américain que les colons ont préféré bafouer, maltraiter, parquer et spolier au lieu de les respecter. L’auteur s’est considérablement documenté à ce sujet, et plus particulièrement sur le sort réservé aux femmes de ces communautés, et ce qu’on apprend au fil de ces lignes est d’autant plus ahurissant et abject qu’on n’en savait rien avant “Norferville“. Si l’on en doutait, Franck Thilliez nous démontre une fois encore que le thriller est incontestablement le genre de la vérité.
Ainsi le Patron du polar français nous propose une intrigue bigrement immersive et dépaysante à souhait, mais aussi et surtout enrichissante et sidérante en plus d’être prenante et captivante. Franck Thilliez use de fiction pour mieux dénoncer, fait grimper la tension autant que la colère tandis que les températures s’effondrent et l’atmosphère nous saisit d’effroi. Car dans cet univers de glace et de fer, la nature n’est pas la seule qui soit particulièrement hostile…
Pour nous aider à apprendre, plus que comprendre, ce qui se déroule sur ces terres, nous nous glissons dans les traces de deux personnages que la vie n’a pas épargnés et que rien ni personne n’aurait dû (r)amener dans cette ville qu’aucune route ne dessert. Teddy Schaffran, détective et criminologue français dont la fille vient d’être sauvagement assassinée, et Léonie Rock, enquêtrice métisse en charge de l’affaire alors qu’elle-même a fui cet endroit maudit qui l’a meurtrie dans sa chair et dans son âme. Deux êtres étoffés en substance qui ne sauront nous laisser indifférents, pas plus que ce récit. Un récit d’autant plus haletant que l’auteur ménage son suspense comme personne, de sa plume toujours aussi fluide, efficace et soignée. Addictive à n’en point douter.

En bref, Franck Thilliez s’empare avec respect de sujets difficiles et révoltants pour nous offrir une lecture dont on ne peut sortir indemne tant elle fait froid dans le dos, et pas juste à cause de la météo : Un thriller entre tradition et modernité dont on se souviendra bien longtemps après la dernière page tournée…

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