Quand une autrice de talent nous livre “sa” version des faits à travers un roman aussi dur que captivant : “Un lundi de Pentecôte” de Patricia Delahaie, paru le 28 mars 2024 aux éditions Belfond Noir.
Le pitch : Loïc le sait : un ogre habite ses pensées.
Attiré par les enfants, le jeune homme de vingt ans pense savoir contenir la bête qui vit en lui. Mais ce lundi de Pentecôte 1974, la bête s’échappe.
Une petite fille passe dans son champ de vision. Huit ans, robe blanche au motif cerise.
Son corps sera retrouvé deux jours plus tard.
Loïc risque la peine de mort.
Pour sa mère, Louise, son inculpation est une terrible erreur. Comment son fils, son tendre garçon qu’elle a élevé seule pourrait être le monstre que l’on dit ?
Alors que la lame de la guillotine pèse sur le procès de Loïc, mère et fils vont tisser ensemble une histoire difficile à croire. Mais à trop vouloir innocenter Loïc, Louise ne risque-t-elle pas de le conduire à l’échafaud ?
Après La Faussaire, finaliste du prix des lectrices Elle polar en 2022, Patricia Delahaie livre une réinterprétation intime, puissante et sensible de l’affaire Ranucci, vue à travers le prisme d’une relation mère-fils d’une rare délicatesse, d’une rare cruauté.
Après en avoir énormément parlé avec son autrice au fil des salons où nous nous sommes retrouvées l’an dernier, c’est avec une franche impatience et un vif intérêt que j’ai vu le grand jour enfin arriver : “Un lundi de Pentecôte” a débarqué en librairie et je me le suis moi-même procurée quelques jours plus tard, à l’occasion des Quais du Polar. Malheureusement le temps a filé, les mois se sont enchaînés… C’est pourtant fin juin que je me suis enfin plongée dans ce bouquin que j’ai littéralement dévoré… Seulement voilà, je ne suis jamais à jour bien longtemps, surtout quand il s’agit de mes chroniques ! Mieux vaut tard que jamais, vous me direz… Et vous aurez raison : Alors évoquons ensemble cette affaire, et sans délai s’il vous plaît !
L’autrice s’est inspirée de l’affaire Ranucci, sinistre “fait divers” ayant défrayé la chronique en son temps (dans les années 1970), pour mieux nous en livrer “sa” version à travers une fiction dans laquelle elle aborde différents aspects plus inattendus mais tout aussi saisissants. Dès lors vous ne lirez pas un essai, une enquête ou un témoignage mais bel et bien un roman. Un roman fort bien construit, à la trame narrative tout à la fois éprouvante et prenante, dans lequel elle retrace les faits, l’enquête, le procès mais s’immisce aussi dans la tête du personnage central pour nous en livrer les plus sombres pensées.
Mais l’autrice va plus loin et s’éloigne du polar pour mieux se concentrer sur d’autres éléments. Elle met l’accent sur la relation entre Loïc et sa mère qui tente de (se) convaincre de son innocence, mais également sur les nombreuses victimes collatérales de cet odieux crime, sans oublier d’aborder l’angle social et sociétal en mettant en exergue les débats sur la peine de mort qui ont enflammé la population et mis à mal le processus judiciaire, incapable de se dérouler dans des conditions sereines alors que la peine capitale ne laisse aucun droit à l’erreur, qui est pourtant humaine.
Ainsi l’autrice nous propose une intrigue bien plus inédite qu’il n’y paraît, s’intéresse davantage à la psychologie de ses protagonistes pour essayer de comprendre le mécanisme de basculement d’un être humain, explore l’humanité et l’inhumanité avec une plume extrêmement fluide et un style journalistique qui nous embarquent en moins de temps qu’il ne m’en faut pour vous le raconter.
En bref, j’avais déjà beaucoup aimé “La faussaire” mais Patricia Delahaie transforme brillamment l’essai avec “Un lundi de Pentecôte“!