The place to read… Avec Céline Servat !

Si ce n’est pas flagrant dans les faits, l’été est bel et bien arrivé sur le calendrier… Et avec lui la sacrosainte période des congés ! A cette occasion, la Gazette du Lecteur va également s’offrir une petite récré pour mieux revenir à la rentrée… Sans toutefois oublier de vous régaler de chroniques et d’interviews dans un maxi numéro pour patienter, comme vous avez déjà pu le constater !
Parmi ces interviews, une double idée me trottait dans la tête depuis mon escapade à Encausse les Thermes en juin dernier… Car je ne vous ai pas encore assez parlé de deux auteurs aussi passionnants que passionnés, qui ne manquent pas d’enthousiasme ni d’inspiration, à n’en point douter ! Je parle évidemment de Céline Servat et Guillaume Coquery, formidables auteurs de polars, tous deux publiés chez M+ Editions, mais également organisateurs du salon Thermes Noirs depuis maintenant quatre belles années… Deux auteurs qui se sont très gentiment prêtés au jeu de mes petites questions indiscrètes en dépit d’un court délai et d’un emploi du temps chargé, ce dont je leur suis profondément reconnaissante ! Mais je n’ai déjà que trop parlé, aussi je laisse la parole à Céline Servat cette fois-ci : Belle rencontre et bonne lecture !

Quelle autrice es-tu ? Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Bonjour Aurélie, je suis une personne lambda. J’ai bientôt 50 ans, je suis assistante sociale auprès d’enfants ayant des troubles du comportement. Je vis au pieds des Pyrénées, à Encausse les Thermes. Je suis intéressée par de nombreux sujets donc je fais mille choses : du bénévolat, des interventions dans les centres de formation de travailleurs sociaux… Et j’écris des thrillers et des polars.

Autrice… Mais avant tout lectrice : Quel rapport entretiens-tu avec la lecture ?
Un rapport quasi charnel. En tout cas addictif. Quand j’étais petite, je n’avais qu’une envie, apprendre à lire pour découvrir moi-même les histoires que l’on me racontait. Depuis que je sais lire, je n’ai jamais cessé de le faire. Je suis une serial lectrice, les romans sont mon yoga, mon moyen de me ressourcer.

Y a-t-il un livre/auteur qui t’a fait prendre la plume ? Quel a été ton déclic ?
Il n’y a pas forcément un auteur qui m’a donné envie de passer par la plume. Adolescente, j’écrivais car j’en avais besoin, pour exprimer ce que je ne pouvais pas formuler. Mais je n’imaginais pas en faire quoi que ce soit. En revanche, des auteurs ont favorisé mon envie de travailler dans le social : « Les misérables » de Victor Hugo et « L’assommoir » d’Emile Zola y ont sans aucun doute contribué. Toutefois, c’est mon frère, Tomas Jimenez, qui m’a remis le pieds à l’étrier. Il est musicien et chanteur, et son répertoire est lié aux chants de luttes, le plus souvent en espagnol. Il a été sollicité pour participer à un recueil de nouvelles, et il m’a proposé d’écrire avec lui. Je lui ai ensuite parlé de l’idée d’Internato. Il a soulevé l’idée que l’histoire que j’imaginais avait plus la densité d’un roman que d’une nouvelle. Je lui ai répondu : « alors on va écrire un roman ». Finalement, je l’ai rédigé entièrement, car il n’attaquait jamais sa partie. Quand je lui ai annoncé avoir terminé, il m’a dit : « tu vois, tu pouvais l’écrire toute seule ».

Ainsi t’es-tu lancée dans l’écriture… Mais parce qu’un roman ne suffit pas, c’est toute une trilogie que tu nous proposes en librairie : En avais-tu conscience dès la première ligne ?
Je n’y pensais pas lors des premières lignes, mais rapidement, dès les premiers chapitres. J’avais fait un plan serré de mon roman « Internato », mais je m’apercevais que j’avais envie d’aborder ces sujets des dictatures et des secrets de famille de manière plus large. D’où, l’idée de la trilogie.

Dirais-tu d’ailleurs qu’il s’agit vraiment d’une trilogie… Ou plutôt d’un triptyque ?
J’ai tendance à parler de trilogie car c’est un terme plus connu et plus parlant pour les lecteurs. Les histoires ont des vraies fins et peuvent être lus indépendamment, mais il y a des personnages récurrents, et les trois romans permettent de boucler la boucle de l’histoire entamée dans « Internato ». Donc les deux termes me conviennent.

« Internato »… « Norillag »… « Alambre »… Trois titres mystérieux qu’il te faut maintenant nous présenter : Que dirais-tu pour pitcher chaque ouvrage ?
« Internato », c’est l’internat, en espagnol. Dans cet opus, Gustave, 17 ans, intègre un pensionnat en Argentine où l’on forme les dictateurs de demain. Choqué, il enquête sur ce qui les réunit, alors que le meurtre d’un camarade rebat les cartes. En parallèle, nous découvrons Gabriela, qui vit sous la dictature de Videla et refuse de se soumettre.
Pour « Norillag », le titre est le nom du camp du Goulag de Norilsk, en Sibérie : Gustave a besoin de comprendre d’où il vient. Ses recherches l’entraînent dans une saga familiale qui nait dans le camp du Goulag de Norilsk, à l’époque Stalinienne. S’ensuit une course contre la montre pour trouver des interlocuteurs à même de lui donner les réponses qu’il attend.
Enfin, « Alambre » veut dire fil de fer et Alambre de espino, fil de fer barbelé, en espagnol. Le récit débute en 1936, dans un petit village d’Andalousie, alors que Franco a pris le pouvoir. Esteban n’a jamais quitté son village, n’a jamais tenu d’arme, mais il va devoir tout quitter pour s’engager pour la cause qui lui parait juste. Dans la deuxième partie, Gustave pense passer des vacances sur la Costa Brava, quand un meurtrier s’en prend à ses proches. Ce roman est le plus personnel pour moi, car Esteban vient du même village que mon grand-père et le croise plusieurs fois.

Auteur en série… Mais aussi en réunion puisque vous avez coécrit un recueil de nouvelles avec ton acolyte de plume Guillaume Coquery : Comment vous est venue cette idée ?
J’en ai même co écrit deux ! En effet, un avec Guillaume puis, en 2023, un avec mon frère. Guillaume et moi habitons le même village et nous nous connaissions en tant que lecteur de littérature noire, avant même d’écrire. Il s’avère que nous avions tous les deux des nouvelles primées lors de concours, et nous avons voulu les rassembler dans « Au-delà de nos oripeaux ». Nous avons juste co-écrit la dernière, en nous mettant nous-mêmes en scène, dans une nouvelle satyrique où notre amie Isabelle tue un homme accidentellement et nous demande de l’aide pour faire disparaître le corps. J’ai renouvelé l’expérience avec Tomas, puisque nous avons écrit plusieurs fois ensemble.

Plus qu’une expérience, l’écriture à quatre mains ne relève-t-elle pas du défi, surtout quand on sait à quel point vos univers originels sont distants ?
Tu as raison. Cependant, quand nous avons pensé à cette nouvelle, Guillaume et moi, nous avons imaginé le contenu, découpé celui-ci en « parties », et chacun a écrit la sienne. Puis nous nous sommes relus, et chacun a modifié la partie de l’autre pour qu’elle soit à son gout. A la fin, nous ne savions plus qui avait écrit quoi et nous en avions beaucoup ri.
Depuis, je procède de la même façon avec mon frère, puisque nous en avons co-écrit trois (et demi… L’une est en cours !), dont deux pour des recueils collectifs. Cela permet de rebondir et, entre frère et sœur, on ose se dire ce que l’on aime ou pas. Cela renforce notre complicité.

En quoi l’écriture d’une nouvelle est-il un exercice différent de celle d’un roman ? Quelle aventure préfères-tu, et pour quelle(s) raison(s) ?
L’écriture d’une nouvelle demande une technique particulière. Il ne faut surtout pas louper l’entame, il est nécessaire de surprendre au moment final, mais aussi de garder un rythme soutenu pendant le récit. Le roman permet un peu plus de libertés, mais demande un investissement à long terme, une traversée en solitaire où l’on est donc, par définition, seul avec soi-même. Ce serait comme comparer un cent mètres et un marathon. Je ne peux pas choisir entre ces deux formats : d’une part car je ne sais pas faire de choix, ensuite car, selon l’histoire que je souhaite raconter, la forme s’impose naturellement à moi.

Avec Guillaume, vous êtes donc des acolytes de plume… Mais aussi de salon puisque vous êtes à l’origine du Festival « T(h)ermes Noirs » organisé à Encausse les Thermes depuis maintenant quatre éditions : Que peux-tu nous en dire ?
Nous organisons en effet un Festival du polar à Encausse les thermes, dans ce village de 600 habitants. Ce rêve est devenu possible grâce à un groupe d’amis qui m’ont suivie dès le départ en devenant bénévoles, et qui donnent une patte particulière à ce salon. Pour preuve, nos animations décalées : nous mettons les auteurs au tribunal, au confessionnal, ils passent dans des émissions télés aux questions surprenantes ou participent à des tables rondes originales… Thermes noirs a permis à des populations rurales d’avoir accès à des auteurs de littérature noire, et le public vient de toute la France pour participer à notre salon. Le village vit alors au rythme du salon et les collectivités territoriales, comme les maisons d’éditions et les auteurs, nous font confiance. Nous relevons ce challenge chaque année avec des auteurs nationaux et internationaux, et on adore ça ! La 5ème édition aura lieu les 7 et 8 juin 2025, pour la Pentecôte. La préparation a déjà commencé !

Et maintenant ? Quels sont désormais tes projets littéraires ?
Je viens de sortir un polar chez Cairn, dans la collection Ovalie et Gastronomie. Je suis la première femme à publier dans cette collection qui parle de polar et de rugby, et j’en suis fière !
Ensuite, mon polar « La vallée des égarés » sortira au premier trimestre 2025 chez Taurnada. Ce roman me tient à cœur et les personnages principaux seront récurrents. Marco, comptable dans un magasin de matériaux, soigne le feu. Il doit aussi se confronter à des cauchemars plus vrais que nature, où les morts lui rendent visite. Marco devient témoin d’une scène de crime, et son univers ritualisé bascule complètement. Il s’appuie sur Manue, sa voisine pétillante et déjantée, pour surmonter cette épreuve, tandis que les gendarmes enquêtent…

Que de belles promesses d’instants livresques bigrement réjouissants ! Un immense merci, cher Céline, pour cette interview passionnante et enrichissante, authentique et sincère ! Maintenant mes Bookinautes adorés, vous savez ce qu’il vous reste à faire : Foncez en librairie découvrir la bibliographie de Céline Servat si ce n’est pas encore fait !

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