The place to read… Avec Guillaume Coquery !

Si ce n’est pas flagrant dans les faits, l’été est bel et bien arrivé sur le calendrier… Et avec lui la sacrosainte période des congés ! A cette occasion, la Gazette du Lecteur va également s’offrir une petite récré pour mieux revenir à la rentrée… Sans toutefois oublier de vous régaler de chroniques et d’interviews dans un maxi numéro pour patienter, comme vous avez déjà pu le constater !
Parmi ces interviews, une double idée me trottait dans la tête depuis mon escapade à Encausse les Thermes en juin dernier… Car je ne vous ai pas encore assez parlé de deux auteurs aussi passionnants que passionnés, qui ne manquent pas d’enthousiasme ni d’inspiration, à n’en point douter ! Je parle évidemment de Céline Servat et Guillaume Coquery, formidables auteurs de polars, tous deux publiés chez M+ Editions, mais également organisateurs du salon Thermes Noirs depuis maintenant quatre belles années… Deux auteurs qui se sont très gentiment prêtés au jeu de mes petites questions indiscrètes en dépit d’un court délai et d’un emploi du temps chargé, ce dont je leur suis profondément reconnaissante ! Mais je n’ai déjà que trop parlé, aussi je laisse la parole à Guillaume Coquery cette fois-ci : Belle rencontre et bonne lecture ! 

Quel auteur es-tu ? Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
J’ai bientôt 60 ans – J’ai encore presque deux ans pour m’y préparer… ! -, j’ai toujours écrit, mais beaucoup pour ma poubelle et je suis édité depuis quatre ans. Dans la vie, je suis un pur technicien et je suis concepteur de machines spéciales dans le domaine du béton. J’aime lire, écrire, mes enfants, ma tendre et douce, le rugby, le VTT, la bière avec des potes, rire avec les amis, rire de moi, rire de tout et perdre mon temps, parfois. Je n’aime pas les cons (mais je suis conscient d’être le con de beaucoup ^^), perdre mon temps (parfois, aussi), le champagne, la télé et son cortège déprimant de nouvelles et de cons (mais ça, je pense l’avoir déjà dit). Je déteste la violence gratuite dans les livres et la méchanceté gratuite dans la vie. En bref, je suis un gentil qui peut grogner, un râleur qui peut câliner, un bosseur qui aime profiter de la vie. Je peux être maladroit et l’oral n’est pas mon vecteur favori alors, souvent, je me tais et je devrais le faire plus souvent…

Auteur… Mais avant tout lecteur : Quel rapport entretiens-tu avec la lecture ?
Eh bien, sans livre, la vie serait bien déprimante. Je suis un lecteur lent et avec de belles amours… Multiples. J’aime les polars et les thrillers, bien sûr, mais je suis aussi un contemplatif amateur de belles phrases, quand elles ne sont pas pompeuses. Je peux relire un beau paragraphe, rien que pour la qualité du verbe. Je suis fan de Khadra, Kerr (oui, je suis aussi adepte du grand écart), Lemaitre, King, Zola, Hugo et tellement d’autres. Je relis Camus deux à trois fois par an (et en ce moment : « Les Justes »). En polar, j’aime les auteurs qui mettent du sens dans leurs pages, et je suis un amoureux des personnages. Enfin j’ai une petite sélection d’autrices et d’auteurs dont j’achète les sorties sans lire le pitch, je vais en citer (uniquement pour l’exemple de ce que j’aime lire, l’idée n’étant pas de faire un inventaire !) Denjean, De Roany, Cabanac, Leduc, Vasse, Manook, Bouquin, depuis peu Connelly, Ellory, Slocombe… Et une bonne trentaine d’autres…

Y a-t-il un livre/auteur qui t’a fait prendre la plume ? Quel a été ton déclic ?
Le meilleur ami de mon père s’appelait Charles Exbrayat, si bien que le travail d’écrivain était un boulot classique pour moi, puisque c’était le métier du copain de papa… Mais je n’ai pas eu à proprement parler de déclic, c’est un processus tout à fait naturel, le prolongement de mon état de lecteur et d’amoureux des histoires. Bon… A la réflexion, on peut parler d’un déclic quand même, un jour, avec Céline (ce devait être pendant un apéro), on s’est mis au défi de finir l’écriture d’un livre (Tu vois, que je suis paradoxal, je peux dire le tout et son contraire) : « Internato » (pour elle) et « Oskal » (pour moi) étaient écrits six mois plus tard… Je pense qu’on était tout simplement prêts !

Ainsi t’es-tu lancé dans l’écriture… Mais parce qu’un roman ne suffit pas, c’est toute une trilogie que tu nous proposes en librairie : En avais-tu conscience dès la première ligne ?
J’en ai pris rapidement conscience… Enfin, presque. Lors de l’écriture d’Oskal, je me suis rendu compte que je voulais y mettre tant de choses qu’il me faudrait le couper en deux. Quand j’ai trouvé mon éditeur, il m’a parlé de la suite et, à l’esbrouffe, je lui ai annoncé une trilogie, parce que les suites, ça rassure un éditeur… Mais je n’avais pas encore l’idée de « Putain de Karma ». Après il a fallu tenir promesse.

Dirais-tu d’ailleurs qu’il s’agit vraiment d’une trilogie… Ou plutôt d’un triptyque ?
On peut l’appeler comme on veut, la définition de trilogie, c’est comme la recette de la bolognaise, chacun a la sienne (moi, je l’aime bien à la bière…) c’est une série de trois livres avec le même groupe d’enquêteurs et un malfaisant que l’on retrouve dans les trois volumes. Les trois romans sont très différents. « Oskal » est une histoire à tiroirs avec plusieurs temporalités et plusieurs lieux. On retrouve la trajectoire de trois pères de familles dont deux ont la même blessure originelle, mais ce qui va germer de ce trauma sera complètement différent. « Oskal » est plutôt un thriller avec les petits frissons qui vont avec… « Vakarm » est plus linéaire. C’est clairement mon roman le plus féministe (sans le coté militant). Les personnages forts du livre sont les femmes. C’est celui qui s’est le moins vendu, mais j’ai une vraie tendresse pour ce bouquin. Le troisième est, je pense, mon meilleur roman, il y a une vraie démarche derrière avec une construction solide. Je me suis régalé à l’écrire. C’est un pur polar, abonné aux prix policiers, puisqu’il a reçu le Prix de l’Embouchure 2023 et il vient d’obtenir un magnifique Prix aux Acadénîmes du polar 2024.

« Oskal »… « Vakarm »… « Putain de karma »… Trois titres mystérieux qu’il te faut maintenant nous présenter : Que dirais-tu pour pitcher chaque ouvrage ?
Dans « Oskal », une danseuse de cirque est retrouvée morte dans sa caravane, le capitaine Sergent enquête. Le cirque est de Besançon, donc mes flics de Saint-Gaudens (dans les Pyrénées) vont s’y rendre mais, sur place, ils vont être confrontés à l’hostilité des flics locaux. Le préfet du Doubs n’a aucun intérêt à ce que cette enquête aboutisse.
« Vakarm » : Saint-Gaudens, 2 janvier. Les ouvriers d’une usine de parfum retournent au travail après les vacances de Noël. Les locaux sont vides, plus de machine, plus de stock. Au centre d’un atelier, se trouve le corps sans vie d’une femme.
Dans « Putain de Karma », Damien va mal, il n’arrive pas à surmonter un deuil proche. Il s’est mis à l’écart dans une vallée isolée. Une crue centennale détruit les routes et les ponts, la vallée est coupée du monde et un cimetière est traversé par la crue. Trente corps partent à la dérive. Lorsque les villageois découvrent leur nécropole, dans le caveau provisoire, il y a un corps en trop. Un homme nu, mutilé. Damien est le seul policier à pouvoir être sur place, il va devoir accepter cette enquête qui va être le support de sa rédemption. Mais il va aussi s’en sortir grâce au soutien de ses collègues. C’est un polar noir, un huis-clos à l’échelle d’une vallée, un bouquin sur l’amitié et la résilience.

Auteur en série… Mais aussi en réunion puisque vous avez coécrit un recueil de nouvelles avec ton acolyte de plume Céline Servat : Comment vous est venue cette idée ?
Comme souvent en pareil cas… Pendant un apéro !

Plus qu’une expérience, l’écriture à quatre mains ne relève-t-elle pas du défi, surtout quand on sait à quel point vos univers originels sont distants ?
Dans le recueil (qui n’est malheureusement plus disponible), il n’y a qu’une nouvelle qui était écrite à quatre mains. Je trouve que ça s’est fait assez naturellement et, étonnamment, nous avons survécu tous les deux !

En quoi l’écriture d’une nouvelle est-il un exercice différent de celle d’un roman ? Quelle aventure préfères-tu, et pour quelle(s) raison(s) ?
Céline Denjean, qui nous a fait l’amitié de préfacer notre recueil, expliquait que la nouvelle était à l’écriture ce que le croquis était au dessin. C’est une belle analogie. Il faut aller à l’essentiel, créer une ambiance, brosser un personnage, décrire un lieu en quelques mots, alors que dans le roman, on peut prendre son temps, perdre son lecteur pour mieux le retrouver, on peut installer une histoire, une atmosphère. La nouvelle est un exercice très intéressant. De plus, sur un recueil avec plusieurs auteurs, c’est l’occasion de découvrir de nouvelles plumes. Je trouve dommage qu’elle ne soit pas plus reconnue en France. Pour répondre à ta question, je préfère l’écriture d’un roman, j’aime ce long exercice qui s’étale sur plusieurs mois et j’aime la solitude que l’écriture nous impose.

Avec Céline, vous êtes des acolytes de plume… Mais aussi de salon puisque vous êtes à l’origine du Festival « T(h)ermes Noirs » organisé à Encausse les Thermes depuis maintenant quatre éditions : Que peux-tu nous en dire ?
Nous avons trouvé notre rythme de croisière cette année. Thermes Noirs est un salon atypique avec des animations très décalées (ceux qui ont la chance d’avoir vu un confessionnal, un tribunal ou une émission littéraire à Encausse savent de quoi je parle). J’en profite d’ailleurs pour souligner la qualité d’écriture de nos intervenants. Comme ça fait un peu « poing poing » et parfois grosse rigolade, le public ne se rend pas trop compte, mais tout est écrit avec un talent qui me bluffe chaque année, et le rire est aussi l’occasion de parler des livres de manière différente. Le thème est annoncé, chez nous il n’y a que du polar, du thriller et du roman noir, les seules romances que l’on peut découvrir finissent en général très, très mal… Il y aussi quelques auteurs jeunesse (du polar, évidemment) et nous avons la volonté d’ouvrir aussi à quelques auteurs BD (même si notre ADN reste le roman).
Notre village de 700 habitants ne peut pas accueillir plus de 25 auteurs, mais je peux te dire que les places sont de plus en plus chères, et le plateau de l’année prochaine commence déjà à prendre forme.

Et maintenant ? Quels sont désormais tes projets littéraires ?
Je suis sur la réécriture d’un manuscrit, écrit l’an dernier, et que j’avais presque abandonné. Il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas, j’ai eu du mal à trouver le déclic et l’énergie pour le reprendre en entier (Je remercie d’ailleurs Eva, Isa, Cécile et Céline pour cet accompagnement). Je pense qu’on est sur une sortie en librairie courant mars 2025. En parallèle, je suis sur un projet de roman jeunesse en écriture à quatre mains. Une histoire avec des pré-ados d’aujourd’hui confrontés à de vieilles légendes Toulousaines. Ma complice pour cette aventure est Eva Kopp, une autrice très talentueuse qui arrive à me supporter… Enfin, Damien pourrait reprendre du service, ma trilogie deviendrait ainsi tétra…

Un immense merci pour ce bel échange cher, Guillaume, un échange décidément à ton image : Passionnant et passionné, plein d’enthousiasme et débordant d’inspiration ! A présent mes Bookinautes adorés, c’est à vous de bouquiner : Foncez donc en librairie pour découvrir la plume de Guillaume Coquery si ce n’est pas encore fait !

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