Jamais deux sans trois… Et c’est un troisième coup de cœur pour ce formidable duo de conteurs : “A l’ombre de Winnicott” de Ludovic Manchette et Christian Niemiec, publié ce 29 août 2024 aux éditions du Cherche Midi.
Le pitch : Un roman dont le magnétisme, la gravité, le spectacle rappellent que toute littérature est une littérature d’évasion.
” Il y a beaucoup de monde ! ” remarqua la visiteuse à peine entrée.
Lucille compta.
“Nous sommes huit. Neuf avec vous.
– Je ne parlais pas des vivants.”
Sussex, Angleterre, 1934. Alors qu’ils viennent d’emménager dans le manoir de Winnicott Hall, Archibald et Lucille Montgomery confient à Viviane Lombard, une Française à l’attitude et au franc-parler peu ordinaires, l’éducation de George, leur jeune fils aveugle. Tandis que la préceptrice et l’enfant apprennent à s’apprivoiser, un doute s’instille peu à peu chez eux comme chez tous les habitants de la vaste demeure, maîtres des lieux et personnel confondus : une présence invisible ne rôderait-elle pas entre les murs de la vieille bâtisse ?
Avec ce troisième roman, Manchette-Niemiec se posent en maîtres de la narration, faisant coïncider la force d’une histoire avec la puissance des images. Leur façon de mêler la grammaire cinématographique au langage romanesque impressionne. Prenez George, cet enfant aveugle aux prises avec les cauchemars ou les fantômes : Henry James ou Steven Spielberg auraient adoré l’inventer.
S’il est des auteurs qui aiment à prendre des risques pour mieux se renouveler d’une parution à l’autre, rares sont ceux qui le font avec autant de désinvolture, d’écart… Et de talent que les deux romanciers dont je m’apprête à vous parler… Deux écrivains pour trois romans à quatre mains. Ces deux-là m’avaient déjà conquise avec “Alabama 1963” que je découvrais alors qu’il entamait sa seconde vie aux éditions Pocket… Ils m’ont ensuite enchantée avec “America[s]” dans lequel je m’aventurais sans trop tarder dans sa version originelle aux éditions du Cherche Midi… Ludovic Manchette et Christian Niemiec m’envoûtent littéralement pour leur retour en librairie cette année avec “A l’ombre de Winnicott“, dans lequel je me suis plongée en version numérique, et en avant-première s’il vous plaît, avec l’aide précieuse de NetGalley !
A chaque roman son genre, son style, son décor, son ambiance, ses personnages… Good Bye America, cette fois-ci notre duo d’auteurs nous invitent en Angleterre, précisément dans le Sussex des années 1930. Le manoir de Winnicott Hall nous ouvre ses portes et le couple Montgomery nous y attend avec leur fils George, aveugle de naissance mais à l’intelligence vive et à la répartie mordante. Nous intégrons les membres du personnel en même temps que Viviane Lombard, une Française qui ne manque décidément pas de piquant, engagée pour devenir la préceptrice du jeune homme qui va, comme tout un chacun dans cette bâtisse, assister à de biens étranges évènements…
Vous l’aurez compris, l’excellent duo Manchette-Niemiec nous offre un fascinant roman gothique dont il maîtrise remarquablement les ficelles comme la narration. Maniant l’art de la description sans jamais alourdir leur propos, les auteurs plantent immédiatement un décor exceptionnel pour mieux nous prendre au piège – sans en avoir l’air – d’une atmosphère qui, rapidement, se fait pesante, oppressante, angoissante… Amis lecteurs qui pénétrez ces lieux, il est trop tard pour reculer : Vous resterez sur le qui-vive tant que vous ne connaîtrez pas le fin mot de cette captivante histoire…
Une histoire d’autant plus captivante qu’elle est portée avec brio par une galerie de personnages fort bien croqués, étoffés en substance et dotés d’un véritable supplément d’âme, tant et si bien qu’on a tôt fait de s’y attacher. On retiendra évidemment George et Viviane dont la relation puis la complicité n’aura de cesse de nous toucher. Mais les protagonistes qui gravitent autour d’eux ne sont pas en reste et s’avèrent aussi indispensables qu’inoubliables au récit. Chacun tient y trouve sa place et y tient son rôle à merveille, apportant douceur, humour et légèreté à travers leurs savoureux dialogues et péripéties. Mais surtout chacun se grave immédiatement dans notre mémoire et nous submerge d’un véritable flot d’émotions par leurs actes comme leurs propos jusqu’à une fin… O combien émouvante et tout simplement parfaite, je peux vous l’assurer.
Mais l’intrigue ne serait pas aussi belle et captivante sans aborder des thématiques fortes – telles que le handicap et la tolérance, le deuil et l’absence, l’amour et l’amitié – avec justesse et sensibilité, sans être portée par une plume unique et indivisible, fluide et élégante, visuelle et attrayante, un style remarquablement vif et fouillé, auréolé de références cinématographiques pour mieux nous envoûter… Pour une lecture passionnante qu’on prend pourtant le temps de lire, avide de connaître les secrets de Winnicott Hall sans toutefois vouloir quitter le manoir et ses occupants…
En bref, je suis finalement restée à Winnicott Hall tant j’ai aimé cette lecture qui m’a fait autant sourire que frissonner… Qui m’a surtout profondément touchée : Un immense merci à Ludovic Manchette et Christian Niemiec… Kenavo mes amis (Comprendra qui lit ^^) et rendez-vous le 29 août en librairie !