Mes petits Bookinautes adorés ? Même durant l’été, je suis et reste une lectrice passionnée ! Une lectrice passionnée doublée d’une blogueuse déjantée qui partage ses coups de cœur de toutes les façons possibles… Notamment dans le cadre d’une Gazette (du Lecteur) et à travers quelques interviews… Livresques, à n’en point douter ! J’avais découvert sa plume alors que paraissait son second opus, une plume qui m’a tant plu que je l’avais sollicitée pour participer à un BiblioLive aux côtés de Céline Denjean, demande qu’elle avait très gentiment accepté pour mon plus grand bonheur ! Alors qu’elle est de retour en librairie cette année pour un troisième opus en compagnie de Céleste Ibar, j’ai souhaité soumettre Céline de Roany à un nouvel interrogatoire littéraire, ce à quoi elle m’a répondu OUI ! Je l’en remercie vivement, et c’est donc avec plaisir que je vous laisse à présent découvrir ses réponses : Belle rencontre et bonne lecture !
Quelle autrice es-tu ? Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis une auteure de polars sociaux, j’écris depuis toujours. Mon premier roman est paru en 2021. J’ai 52 ans, je suis professeur de droit international et je vis en Australie.
Y a-t-il un livre/auteur qui t’a poussée à prendre la plume ? Quel a été ton déclic ?
Le déclic, ça a été la découverte de l’écriture créative, lorsque je suis arrivée en Australie, il y a neuf ans. Ça m’a donné les clés nécessaires pour organiser un roman et le mener à bien, tout en y introduisant des personnages denses et nuancés au service d’un thème fort.
J’ai été inspirée par mes lectures, Elizabeth George, PD James, Henning Mankell ou Michael Connelly pour ne citer que quelques auteurs.
Pourquoi avoir basculé du côté obscur de la littérature ?
Je n’ai pas vraiment basculé : je lis presque exclusivement des romans policiers depuis trente ans. La bascule a plutôt été de lectrice à auteure.
Ce que j’aime dans un roman, c’est non seulement qu’il puisse me distraire, mais aussi qu’il mette à l’épreuve mon cerveau pour trouver la clé de l’énigme et qu’il me fasse réfléchir sur des questions de société.
Te voici de retour en librairie en compagnie de Céleste Ibarbengoetxea… Qui t’accompagne maintenant depuis trois romans : Etait-ce prémédité ? Le savais-tu dès la première ligne ? Que dirais-tu pour nous la présenter ?
Dès l’origine, j’avais pour objectif de créer une série. Comme lectrice, c’est une forme qui me plait : on suit des personnages au fil des enquêtes, on voit aussi leur évolution et l’évolution de la société qu’ils décrivent.
Céleste, en apparence, c’est une dure à cuire classique, un peu à l’image des flics testostéronés qu’on lit un peu partout : elle a fait 10 ans à la BRI, elle excelle aux arts martiaux, elle est sportive, déterminée, courageuse. Mais en réalité, tout cela n’est qu’une carapace qu’elle s’est forgée. C’est une femme qui doute, une femme qui a dû surmonter des traumatismes, qui se relève à chaque fois, sans qu’on sache vraiment si ses cicatrices la renforcent ou l’affaiblissent.
C’est un personnage complexe qui est difficile à aimer, parce qu’elle n’a jamais vraiment appris jusqu’à ce qu’elle rencontre sa femme et qu’elles aient deux enfants ensemble. Elle ne se sent pas toujours légitime, pas toujours à la hauteur, mais elle avance.
Il s’agit donc de ton troisième polar mettant en scène Céleste Ibar… Qui n’en demeure pourtant pas moins différent de tes précédents ouvrages : Comment l’expliques-tu ?
C’est difficile pour moi de l’expliquer, je ne parviens pas à avoir une distance objective sur mes romans. Je suis toujours très étonnée qu’ils retiennent l’attention en réalité.
Ce qui peut expliquer l’évolution, c’est ma propre évolution. Mon deuxième roman, je l’ai terminé alors que je finissais ma chimio pour un cancer du sein, c’était pour moi un défi et une façon de fermer la porte sur une période éprouvante de ma vie.
Entre ce deuxième roman et « A Corps Perdus », il y a eu un manuscrit refusé, que mon éditrice ne trouvait pas assez à mon niveau. C’est un échec, évidemment, quand on a travaillé un an sur un texte, mais c’est aussi très formateur, donc peut-être « A Corps Perdus » est-il aussi différent parce que j’ai tiré des leçons de cet échec. On verra avec les suivants.
Avec « A corps perdus », tu nous offres une intrigue résolument moderne et bien ficelée, abordant des thématiques sensibles très actuelles en lien avec la jeunesse, les réseaux sociaux et le milieu sportif : D’où te sont venues ces idées ?
En Australie, j’ai vu un jour un reportage « Children in the Picture », qui raconte le travail d’un groupe d’analystes, à Brisbane, qui luttent contre l’exploitation sexuelle des enfants : ils infiltrent des forums du dark web, ils récupèrent les photos et les vidéos échangées entre eux par ces criminels, et ils les analysent : ils traquent le moindre détail qui permettrait de remonter jusqu’aux agresseurs et aux enfants, n’importe où dans le monde, que ce soit en Australie, aux USA, aux Philippines ou en France. J’ai rencontré une de ces analystes, une Française, et je voulais rendre hommage à ce travail très éprouvant.
Parallèlement, j’ai un jour entendu une brève de France Info qui relatait le passage à tabac d’un jeune homme par les membres de son équipe de foot, simplement parce qu’il avait « avoué » qu’il était homosexuel. J’écris aussi pour dénoncer ce qui me révolte : en tant que maman d’ados, je vois bien l’évolution de l’emprise des réseaux sociaux aussi, cette violence à laquelle les adolescents sont soumis.
J’ai mélangé tout ça, et ça donne « A Corps Perdus ».
Ton récit nous ramène en Loire-Atlantique, une terre qui semble chère à ton cœur… Pour quelle raison ? Pourquoi avoir choisi d’installer tes enquêtes en région nantaise plutôt qu’en Australie ?
Lorsque j’ai débuté ma série, je venais d’arriver en Australie, tout était nouveau et beau, alors que je connaissais bien les problèmes sociaux français. C’était important pour moi d’écrire un premier roman sur les violences faites aux femmes, parce que c’est aussi mon histoire et c’était certainement une façon d’exorciser un vieux démon.
Nantes, c’est une ville que je connais par cœur, je connais les odeurs, les lumières de la ville, la couleur du ciel quand il pleut, ce sont des éléments que je peux transmettre par l’écriture parce que je les ai expérimentés et, comme je vis en Australie et que je ne peux pas me déplacer toutes les semaines pour vérifier ceci ou cela, c’était le plus simple.
Mais Nantes, c’est aussi une ville formidable pour les auteurs de polar : c’est une ville d’estuaire où on trouve des villages de pêcheurs, une capitainerie, un vieux chantier naval, c’est une ville qui doit sa richesse au commerce triangulaire et à la traite d’êtres humains, elle a un passé ouvrier, un passé contestataire et révolté, c’est une ville avec une vie culturelle très forte, qui a été prise d’assaut avec l’arrivée du TGV, et qui connait aujourd’hui des problèmes de sécurité importants. Tout peut y arriver, le merveilleux, comme l’immonde.
Ton roman vient de paraître… Mais as-tu déjà une idée pour tes prochaines pages ? Quels sont désormais tes projets littéraires ?
J’ai déjà commencé à écrire une quatrième enquête de Céleste, toujours en région nantaise, mais dans un château, avec une famille aristocratique (ceux qui ont lu « A Corps Perdus » comprendront pourquoi). L’idée, c’est de mieux éclairer Céleste, de faire résonner son passé avec une intrigue actuelle.
Je songe aussi à débuter une autre série qui se déroulerait en Australie, sans Céleste, plutôt en parallèle.
Tu partages tes aventures littéraires avec « Les Louves du Polar », un collectif solidaire et bienveillant visant à promouvoir les autrices de littérature noire dont tu fais partie des fondatrices. En quoi cela s’est-il avéré nécessaire ? Quelles en ont été les avancées ?
Il y a un peu plus de deux ans, nous nous sommes fait la réflexion que les auteures de polar étaient plutôt méconnues, sous-représentées dans les salons, les prix littéraires, les rayonnages des librairies, dans la presse.
Et lorsque nous étions invitées, impossible d’échapper aux questions qui nous renvoyaient à notre genre : comment se faisait-il qu’on écrive des romans si noirs, pourquoi avoir « choisi » de décrire la violence, pourquoi ne pas faire du feel-good, etc. Nous avons donc décidé de nous prendre en main et de nous promouvoir à notre manière.
Ça a commencé avec une vidéo punchy : nous nous sommes constituées en collectif, nous avons noué des partenariats avec des enseignes comme Cultura ou les Maisons de la Presse pour une mise en avant, avec l’aide de libraires nous montons une opération annuelle « Vitrine des Louves » pour n’exposer que des auteures francophones de polar, nous venons d’organiser un concours de nouvelles avec Gibert, nous nous lisons les unes les autres et nous en faisons état sur nos réseaux sociaux – aidées par plusieurs de nos confrères, d’ailleurs. Bref, nous développons notre visibilité.
Les retours sont très encourageants, les libraires nous font remonter des chiffres de progression importante de nos ventes, nous voyons aussi le résultat sur les invitations en salons et les sélections pour des prix littéraires. Ça progresse un peu plus lentement dans la presse, même si Marie-Claire a consacré un très bel article aux femmes auteures de polar et que nous sommes très soutenus par la presse régionale qui met un point d’honneur à parler de nous dès que possible.
Dans les pays anglo-saxons, c’est un combat qui a été mené au cours des années 1980/1990 et qui a été remporté. Je ne m’inquiète pas. Avec du travail et de la patience, le genre de l’auteur ne sera plus une question.
Question pêle-mêle : Quel est…
– Ton livre de chevet ? Si je devais en avoir un, ce serait peut-être « Tokyo » de Mo Hayder.
– Le livre qui cale ta bibliothèque ? Il y en a tellement…
– Le livre que tu aurais rêvé d’écrire ? « Coup de froid » de Lynda LaPlante. J’admire les auteurs qui rendent leur héros dans un état pire que celui dans lequel ils l’ont trouvé.
– Ta lecture en cours ? Le dernier roman de Camilla Läckberg, « Le nid du coucou ».
Si tu devais comparer ta vie à un roman, lequel serait-ce ?
Le premier titre qui me vient à l’esprit est « Sur La Route », de Jack Kerouac, mais ça pourrait aussi bien être « L’Amant de la Chine du Nord », de Marguerite Duras.
Un petit mot pour la fin ?
J’aimerais bien parler de toi. Tu aimes sincèrement les auteurs, les livres, tu es toujours joyeuse et chaleureuse, tu fais vraiment beaucoup pour nous tous, et nous en sommes tous conscients. J’aimerais te remercier. Je me souviens comme tu as surgi un jour devant mon nez, ça devait être la deuxième séance de dédicaces de ma vie et tu étais exactement pareille que tu peux l’être avec des auteurs très connus ou simplement avec des auteurs que tu suis depuis longtemps. Alors je voudrais terminer cet entretien en te tirant mon chapeau.
Un immense à toi, très chère Céline, pour tes adorables propos qui me touchent énormément et me vont droit au cœur ! J’en profite également pour te féliciter une nouvelle fois pour le Prix du Polartifice, belle récompense dont tu es la lauréate cette année ! Maintenant mes Bookinautes adorés, c’est à vous de bouquiner si ce n’est pas encore fait : On part sans délai à la rencontre de Céleste Ibar, et dans l’ordre s’il vous plaît : “Les beaux mensonges” puis “De si bonnes mères” et “A corps perdus” : Exécution !