Chroniques 2024 \ Il ne se passe jamais rien ici d’Olivier Adam

Un roman tout en faux semblants : « Il ne se passe jamais rien ici » d’Olivier Adam, paru le 1er mai 2024 aux éditions Flammarion.

Le pitch : La saison touristique touche à sa fin dans ce village niché sur les rives du lac d’Annecy. Comme souvent, Antoine passe la soirée au Café des Sports avec les habitués. L’atmosphère est à la fête. Mais quand, au petit matin, on découvre le corps d’une femme assassinée au bord de l’eau, c’est vers lui que se portent les regards. Connu de tous, jugé instable par beaucoup, y compris par sa propre famille, ce bientôt quadragénaire aux airs d’éternel adolescent fait vite figure de coupable idéal. Sans doute un peu trop. Car, ce soir-là, ils sont nombreux à être partis tard dans la nuit. Dans ce roman redoutable empruntant au genre du roman noir, Olivier Adam donne la parole à tous les protagonistes de l’affaire et fait l’autopsie d’une communauté où sont tapis la violence des hommes et leurs silences.

Si j’ai déjà lu plusieurs titres d’Olivier Adam, dont la bibliographie se révèle conséquente au fil des années, je n’ai pas encore tout bouquiné… Et je ne m’étais pas encore plongée dans son dernier, paru en mai. Jusqu’à ce que j’apprenne l’heureuse nouvelle de ce que j’allais avoir la chance et le plaisir d’animer une table ronde au salon des Livres dans la Boucle à Besançon en sa compagnie, avec Adeline Fleury et Johanna Krawczyk, ceci afin d’évoquer ces « étranges villages » dont il est question dans chacun de leurs ouvrages… Une occasion idéale pour retrouver la plume si juste et pertinente de cet auteur redoutablement attentif aux travers de ses semblables…

S’il n’oublie pas totalement le littoral qui sert plus habituellement de décor à ses romans, Olivier Adam lui préfère cette fois-ci un village niché sur les rives du lac d’Annecy pour mieux nous cerner par les montagnes et nous entraîner dans un huis clos à ciel ouvert en jouant avec les codes de la littérature noire sans pour autant nous y ancrer tout à fait. Car s’il est bien question d’un crime puis d’une enquête à travers cette intrigue prenante et bien construite, la révélation du coupable – qu’on devine d’ailleurs assez vite – n’est pas vraiment l’intérêt ici, au profit du lieu et de sa population, véritable échantillon de la société que l’auteur se plaît à explorer et disséquer.
Olivier Adam nous présente d’abord Antoine, anti-héros par excellence puisqu’il est le loser parfait aux yeux de tous, y compris de son plus proche entourage… Et le coupable idéal dans le drame qui vient frapper cette petite bourgade où « il ne se passe jamais rien ». Si la victime aimantait l’ensemble des habitants, et les hommes en particulier, personne ne la connaissait vraiment ou complètement… C’est sans aucun doute la raison pour laquelle Olivier Adam adopte la technique du roman choral, en donnant la parole à différents protagonistes au gré des chapitres, chacun ayant côtoyé la défunte d’une manière ou d’une autre au cours de leur vie. Grande absente pourtant omniprésente de ce roman, on apprend ainsi à la connaître comme on assemble les pièces d’un puzzle tandis que chaque témoin nous en dévoile une facette… Tout en se dévoilant lui-même par la même occasion.
Car tout le monde se connaît dans ce petit patelin… Tout le monde se connaît et tout se sait… Tout se sait mais tout se tait… Jusqu’à ce que le vernis de ce tableau idyllique vienne à craqueler à coups de révélations au fur et à mesure des investigations, inévitables conséquences du meurtre. Les personnalités se révèlent, les secrets remontent à la surface, quelques vérités éclatent et, par l’intermédiaire de ces personnages pas si heureux qu’il n’y paraît sont abordées de nombreuses thématiques toujours tristement d’actualité pour mieux nous livrer une critique acerbe de notre société d’une plume fluide mais incisive, avec un style vif et aiguisé.

En bref, un proverbe japonais dit qu’on a tous trois visages : Un pour le monde, un pour ses proches… Et un qu’on ne montre jamais. Olivier Adam se charge admirablement de nous le prouver à travers ce roman contemporain remarquablement éloquent.

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