Un premier roman en trompe-l’œil : “Les œuvres intérieures” de Charlotte Augusta, paru le 21 août 2024 aux éditions Denoël.
Le pitch : “Le Directeur contemple la cour en silence et il me paraît impossible qu`un tel homme, si posé et réfléchi, puisse être amoral.”
Gabrielle commence son premier job dans le monde de l`art. Elle dérive avec ravissement dans les galeries labyrinthiques de la fondation qui vient de la recruter, à Paris. La disparition de sa collègue Cécilia, qui ne vient plus au bureau et ne répond plus aux messages, transforme l`atmosphère de légèreté et d`insouciance dans laquelle elle était plongée. Au milieu des œuvres d`une beauté saisissante, Gabrielle découvre la troublante ambivalence de ses collègues et du Directeur de la Fondation, si amusants et snobs.
Ce roman construit avec la grâce et la précision d`un château de cartes convoque images et symboles, peintures et légendes pour dépeindre les rapports de pouvoir dans le monde du travail et leur insidieuse invasion mentale.
C’est à l’occasion du Salon des Livres dans la Boucle, organisé à Besançon du 20 au 22 septembre 2024, que j’ai découvert la plume de Charlotte Augusta. J’y animais en effet une superbe rencontre, joliment intitulée “Compagnons d’arts” et dont elle faisait partie. Bien qu’assez profane en la matière, je m’intéresse beaucoup à l’art en général, aussi ai-je volontiers saisi cette opportunité de conjuguer les arts et les plaisirs !
“L’art nous dit quelque chose, même là où nous pensons qu’il ne nous le dit pas” dixit Annie Ernaux, Prix Nobel de littérature en 2022. Des propos que ce premier roman reflète admirablement puisque l’autrice y entremêle les attraits du monde de l’art aux affres du monde de l’entreprise avec élégance et singularité.
Nous faisons la connaissance de Gabrielle, une jeune femme dynamique et pleine d’idéaux qui démarre sa vie active dans une fondation nichée au cœur de Paris. Mais très vite le vernis s’écaille, l’ambivalence se révèle, l’anxiété s’immisce et le doute s’installe. Une collègue disparaît et chaque œuvre sur laquelle Gabrielle pose son regard s’en fait l’écho. Entre songe et réalité, la fondation se fait château, l’art se fait refuge et très vite le lecteur s’égare entre ces pages comme l’héroïne s’égare dans sa vie.
Ainsi l’autrice s’empare de l’écriture romanesque pour nous donner une leçon de courage en dénonçant les travers de notre société, mais aussi en nous invitant à la réflexion voire à l’introspection… D’où son titre, sans doute. Si j’avoue avoir eu du mal avec les très nombreux anglicismes présents dans cet ouvrage, j’en comprends pourtant le sens et l’intérêt, et cela n’enlève rien à la grâce de cette plume ni à la finesse de son style.
En bref, une belle découverte que ce premier roman à l’atmosphère unique, élevant l’art comme sanctuaire face à ce monde impitoyable.