Chroniques 2025 \ Cent minutes de silence de Christophe Wojcik

Coup de cœur pour cet intrigant puzzle de cent pièces réalisé en une minute : “Cent minutes de silence” de Christophe Wojcik, paru le 13 février 2025 aux éditions Héloïse d’Ormesson.

Le pitch : Léon Léger est rentré au village. Il y mène une vie heureuse, avec sa femme et ses deux enfants. Jusqu’au jour où son corps est retrouvé dans une carrière désaffectée. Meurtre ? Suicide ? Accident ? Qui était cet homme, et que lui est-il arrivé ? Parmi les cent personnes rassemblées lors des obsèques autour du cercueil, chacun, famille, collègue ou voisin, proche ou moins proche, détient un fragment de réponse, une part de vérité.
Ces cent minutes de silence sont autant de pièces d’un puzzle qui s’emboîtent peu à peu pour former le tableau final. Avec sa plume enlevée, Christophe Wojcik flirte avec la fossoyeuse, s’en moque et s’en inspire, composant un conte noir jubilatoire, qui s’amuse à briser les tabous pour mieux se rire de la mort.

Honte à moi qui ne vous parle de ce roman qu’à présent. Croisé par hasard aux Quais du Polar il y a deux ans, je découvrais l’inimitable plume, fascinante et caustique, de Christophe Wojcik, en me procurant “Le Portable” qui était alors son premier roman. Une lecture étonnante, qui m’a beaucoup plu puis conduite à me procurer sans délai “Service après-mort” sitôt que nous nous sommes retrouvés en février 2024 au salon “Livres en fête” de Saint-Raphaël. Cette année, j’avais pourtant pris les devants, sollicitant une version numérique de cet ouvrage afin de le lire en avance… Je ne vous répéterai pas mon habituelle rengaine de ce premier semestre sur les aléas et blablabla, toujours est-il que je me suis finalement procurée un exemplaire papier de ce titre au Festival du Livre de Paris en avril dernier… Pour ne le bouquiner qu’en juillet… Alors ne perdons plus un instant et retrouvons-nous à l’enterrement !

En effet mes Bookinautes adorés, Léon Léger nous a quittés, et ce dans des circonstances aussi affreuses que troublantes. Un habitant très apprécié du village, aussi la population s’est déplacée en masse afin de lui rendre un dernier hommage… A cette occasion, toutes leurs pensées l’accompagnent… Et voilà qu’on les partage durant une minute de silence absolument passionnante, savoureuse et prenante !
Car c’est ainsi que l’auteur nous offre un roman noir audacieux, teinté d’humour et plein de suspense, à la construction fort originale. Immergé dans la psyché de cent protagonistes différents lors des obsèques, c’est autant d’éléments à assembler pour dresser un portrait complet du grand absent omniprésent, le (plus ou moins) (très) regretté Léon Léger. Un nom évocateur pour aborder – avec fraicheur, tout en douceur et non sans une pointe d’acidité – un sujet qui ne l’est pas tant : la mort.
Ne vous y trompez pas, c’est loin d’être sinistre ou déprimant, bien au contraire, c’est jubilatoire et exaltant. Chacun y va de son commentaire dans sa petite tête, de l’anecdote au souvenir en passant par la rumeur et le ragot pour un défunt plus vivant que jamais, dépeint avec beaucoup d’humanité, ce qui n’empêche pas de souligner dans le même temps, avec un délectable zeste d’impertinence, les travers de notre société.
Happé dès les premières lignes, on participe pleinement, activement à ce moment de recueillement, curieux de connaître à notre tour Léon Léger, fébrile à l’idée de savoir ce qui lui est vraiment arrivé… Dès lors nous tournons les pages avec intérêt, tenu en haleine de bout en bout jusqu’à un final aussi réussi qu’émouvant.
C’est beau, c’est fameux, c’est subtil. Porté par une écriture vive, d’une grande finesse et d’une indéniable élégance, soutenu par un style truculent, qui ne manque pas de tendresse ni de piquant, ce récit n’en est que plus attrayant… Un comble, pour des funérailles, c’est épatant !

En bref, c’est un triplé gagnant que nous offre Christophe Wojcik, auteur de grand talent à la plume… Mortelle !

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