Chroniques 2025 \ Le Livre de Kells de Sorj Chalandon

Libération : “Le Livre de Kells” de Sorj Chalandon, paru le 13 août 2025 aux éditions Grasset.

Le pitch : Le Livre de Kells est le douzième roman de Sorj Chalandon qui, une fois encore, a puisé dans son expérience personnelle pour raconter un épisode de sa vie. À 17 ans, après avoir quitté le lycée, Lyon et sa famille, il arrive à Paris où il va connaître, durant presque un an, la misère, la rue, le froid, la faim. Ayant fui un père raciste et antisémite, il remonte l’existence sur le trottoir opposé à celui de ce Minotaure sous le nom de Kells, en référence à un Evangéliaire irlandais du IXème siècle. Des hommes et des femmes engagés vont un jour lui tendre une main fraternelle pour le sortir de la rue et l’accueillir, l’aimer, l’instruire et le réconcilier avec l’humanité. Avec eux, il découvre un engagement politique fait de solidarité, de combats armés et d’espoirs mais aussi de dérapages et d’aveuglements. Jusqu’à ce que la mort brutale de l’un de ces militants, Pierre Overney, pousse La Gauche Prolétarienne à se dissoudre. Certains ne s’en remettront jamais, d’autres chercheront une issue différente à leur combat. Ce fut le cas pour l’auteur, qui rejoignit « Libération » en septembre 1973.
Le livre de Kells est une aventure personnelle, mais aussi l’histoire d’une jeunesse engagée et d’une époque violente. Sorj Chalandon a changé des patronymes, quelques faits, bousculé parfois une temporalité trop personnelle, pour en faire un roman. La vérité vraie, protégée par une fiction appropriée…

Si je connais évidemment Sorj Chalandon de nom, de même que nombre de ses romans, je l’ai assez peu lu, finalement. Parce qu’il fait partie des ces auteurs pour lesquels je ne me sentais pas forcément à la hauteur… Et puis j’ai lu “L’Enragé“, qui m’a littéralement terrassée. Alors, cette année encore, j’ai osé et dans “Le Livre de Kells“, je me suis plongée…

Si je dois avouer que le militantisme dans la gauche radicale des années 1970 m’a beaucoup moins intéressée, force est de constater que Sorj Chalandon est un homme qui a beaucoup de colère à évacuer, qu’il le fait avec talent et authenticité, ce qui nous y rend sensible, empathique, peu importe le sujet, parce qu’il n’est jamais plus touchant que lorsqu’il parle de lui, de son passé.
Plus qu’un roman, “Le Livre de Kells” constitue le témoignage de toute une génération, de toute une époque. On pouvait alors trouver la solidarité dans l’engagement, la fraternité dans l’activisme. “Le Livre de Kells” est un roman, mais on y trouve beaucoup de Sorj Chalandon dedans. C’est un pan de sa vie qu’il nous conte à travers cette fiction. “L’Enfant de Salaud” a 17 ans quand il quitte la maison familiale, préférant la rue et le dénuement au racisme et l’antisémitisme de “L’Autre”. Il sombre dans la misère mais reçoit l’aide des membres de la Gauche Prolétarienne. Politique, peut-être… Toujours est-il qu’il trouvera une famille qui lui permettra de se (re)construire.
Seulement engagement résonne avec affrontement, opposition avec tension, idéaux proclamés avec combats armés. La période est violente et il faudra un mort pour réfléchir, réagir et agir autrement. Le journalisme avant l’écriture. La libération par Libération. Sa petite histoire pour s’inscrire dans la grande.
C’est émouvant parce que c’est vibrant de vérité, parce que les émotions sont partagées, parce que c’est écrit avec le sang, avec le cœur, avec les tripes.

En bref, “Le Livre de Kells” m’a permis de découvrir Sorj Chalandon autrement au gré de cette lecture fort intéressante.

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