“Rendez-vous manqué, rencontre réussie”: “La mélancolie de l’ours polaire” de Mo Malø, paru ce jour, 14 septembre 2023, aux éditions Paulsen.
Le pitch : Groenland, 74e parallèle nord, 450 habitants coupés du reste du monde par la banquise hivernale, dont une poignée de chasseurs d’ours polaires. A priori, pas le genre de personnes à ouvrir facilement leur porte. Et pourtant…
À raison de virées de près de douze heures d’affilée à traîneaux par -30°C, en immersion totale, Mo Malø a suivi la traque de l’animal emblématique sur ces immensités septentrionales et vécu une aventure humaine auprès des Groenlandais qui l’ont initié à cette pratique. Il a tenté de mieux comprendre la perpétuation de cette tradition ancestrale dans un monde en mutation accélérée, où l’ours symbolise plus que jamais le dérèglement climatique et notre conscience écologique. Le récit de ce cache-cache entre le nanook et les humains permet de toucher du doigt la mélancolie de cet ” éternel errant “, spolié de ses terres, et de montrer à quel point leurs destins sont liés.
S’il varie les genres comme les identités, Mo Malø est sans aucun doute le plus Groenlandais des auteurs français. Parce qu’il fut le premier à embarquer ses lecteurs sur la plus grande île du monde pour investiguer aux côtés de son enquêteur Qaanaaq Adriensen. Parce qu’il fut le premier à nous faire découvrir cette lointaine contrée dont on ne savait rien, si ce n’est qu’elle est en grande partie prisonnière des glaces, avant qu’il ne nous entraîne d’un bout à l’autre de ce territoire auquel il emprunte ses titres. Parce qu’il a Kalaallit Nunaat niché dans le cœur et Nanook au creux de l’âme. Raison pour laquelle il y est retourné. Pour de vrai et en dépit de moult péripéties. Seul mais avec son lectorat dans ses valises.
En effet l’auteur ne nous propose pas un roman cette fois-ci mais un récit de voyage. Son voyage. Au Groenland. Son Groenland. Sur la piste de l’ours polaire. Son ours polaire. L’aventure est intense et multiple, l’expérience exceptionnelle et immersive, la lecture fascinante et introspective.
Un périple qui s’est d’abord refusé à l’auteur de toutes les façons possibles avant qu’il ne parvienne à prendre son (en)vol, presque malgré lui, afin de rejoindre la banquise, ses températures extrêmes – au grand dam de ses petits petons ! – et ses chasseurs d’ours polaires : le bon, la brute et le truand ainsi que leurs chiens de traineaux. Dès lors l’ouvrage bouscule sérieusement nos principes occidentaux et nous pousse à la réflexion, à de grandes questions tandis qu’on rencontre un peuple entre tradition et mutation. Autant d’éléments qu’il convient d’appréhender, d’assimiler pour comprendre. Comprendre et non juger.
“Pourtant, j’ai essayé de lui expliquer à quel point c’était une pratique ancestrale, à quelle point elle était vitale dans la culture inuite… A quel point elle marquait au contraire le signe d’un équilibre que nous, Européens, avons perdu, entre l’homme et son milieu”. (Page 213)
Alors on voyage. Alors on explore. Alors on apprend. Alors on analyse. Le texte est aussi enrichissant que captivant, l’expédition hors du commun grâce à l’aide providentielle de Nicolas Dubreuil… A qui j’ai d’ailleurs chipé cette magnifique photo qui (selon moi) illustre parfaitement le propos du bouquin. Et Nanook dans tout ça ? “Nanook s’est offert à ceux qui le connaissaient et qu’il connaissait”. Plongez dans “La mélancolie de l’ours polaire” afin d’en savoir plus !