Un thriller habilement orchestré doublé d’une remarquable réflexion sur notre monde 2.0 : “Yzzy a disparu” de Bruce Benamran, paru le 22 février 2024 aux éditions XO.
Le pitch : Mais où est passée YZZY ?
« Avec ses 30 millions d’abonnés, je ne comprends pas comment personne ne l’a encore retrouvée. » Kevin Randal Jones, influenceur
« Je ne sais pas ce qui est le pire dans cette enquête : la presse ou ces foutus réseaux sociaux. » Steve O’Maley, inspecteur du Boston Police Department
« Je serai bientôt en mesure de lever le voile sur le mystère de cette disparition. Alors abonnez-vous ! » Travis Midsummer, mentaliste et Youtubeur
Yzzy a maintenant disparu depuis plusieurs jours. La célèbre instagrameuse est entrée dans un hôtel de Boston pour une séance photo et personne ne l’a vue ressortir. Internet est en surchauffe, les flics et le procureur de Boston sur les dents…
Avec ce roman choral au suspense haletant, Bruce Benamran raconte la folie qui régit le monde des influenceuses et des influenceurs. Il éclaire la face cachée des réseaux sociaux, leurs dérives, leurs excès.
Un thriller vertigineux sur cette pieuvre virtuelle qui étend ses tentacules sur nos vies. Nous enlace.
Et menace de nous étouffer.
Comme beaucoup, je connaissais Bruce Benamran comme fondateur de la chaîne Youtube de vulgarisation scientifique “E-Penser“. Une chaîne qui l’a d’abord conduit à publier deux ouvrages sur le même sujet avant qu’il ne se lance dans la fiction et devienne romancier. Le noir est sa couleur, le thriller est son territoire… Seulement je n’avais pas encore eu l’occasion de me plonger dans l’un de ses titres jusqu’au salon des Livres dans la Boucle à Besançon où j’avais la chance de le recevoir en table ronde aux côtés de Stéphane Carlier. Le rendez-vous était donc pris, alors en route pour Boston, les amis, car l’heure est grave : “Yzzy a disparu” !
Yzzy, c’est la star des influenceuses sur Instagram que tout le monde dit connaître pour être à l’affut de chacune de ses publications. Mais Yzzy s’est évaporée de son hôtel où elle devait séjourner à Boston en vue d’une séance photo. Comment peut-on disparaître sans laisser la moindre trace quand la planète toute entière saurait vous identifier à la moindre apparition ? Là est toute la question. Une question à laquelle l’inspecteur Steve O’Maley, allergique aux médias, doit impérativement répondre sous la pression d’un Procureur en pleine campagne de réélection. Et au jeu du suspect parfait, l’agent de la jeune femme Tom Goldberg est le grand favori tandis que les réseaux sociaux s’enflamment pour retrouver Yzzy…
Annoncé dans le titre, le postulat de l’intrigue paraît simple… Mais c’est sans compter les réelles motivations de l’auteur décidément bien inspiré. A travers ce roman choral redoutablement bien construit, Bruce Benamran nous dresse un constat – sévère et sans appel mais pertinent et sans jugement – des réseaux sociaux et de leurs influenceurs sans oublier leurs abonnés, de leurs dérives, leurs failles, leurs excès. Mené de main de maître et judicieusement agrémenté de posts d’Yzzy ou d’autres influenceurs, mais aussi de presse et d’extraits d’une série de conférences présentées par un sociologue, l’intrigue est incontestablement immersive, parfois dérangeante quand on comprend à quoi on contribue sans en avoir réellement conscience, mais toujours prenante et même enrichissante.
Si j’ai très rapidement deviné de quoi il retournait, tout en étant prise au dépourvue tandis que le récit prenait une tournure inattendue, j’ai tourné les pages de ce roman avec beaucoup d’intérêt, tant l’auteur évoque avec brio les délicats sujets de l’identité virtuelle et des relations parasociales. Dès lors on ne s’attache pas vraiment aux personnages mais ce n’est justement pas l’objet de cette intrigue bigrement instructive qui nous pousse véritablement à réfléchir sur notre façon d’interagir sur la toile.
La plume est vive, moderne, fluide, le style dynamique et efficace, ce qui soutient admirablement cette lecture fort divertissante qui nous rappelle à l’essentiel.
En bref, je terminerai sur cette citation du Docteur Ronald Worthon (le fameux sociologue dont on lit plusieurs extraits de conférences tout au long du bouquin) : « Vous n’avez qu’une vie. La portion de cette vie que vous vivez virtuellement est une portion de la vie réelle manquée et que rien ne vous rendra. Et ce n’est pas à une communauté d’anonymes de lui donner du sens. »