Sans doute l’ouvrage le plus touchant de mon rom(a/e)nquêteur préféré : “La petite femelle” de Philippe Jaenada, paru le 20 août 2015 aux éditions Julliard et disponible en version poche aux éditions Points.
Le pitch : Au mois de novembre 1953 débute le procès retentissant de Pauline Dubuisson, accusée d’avoir tué de sang-froid son amant. Mais qui est donc cette beauté ravageuse dont la France entière réclame la tête ? Une arriviste froide et calculatrice ? Un monstre de duplicité qui a couché avec les Allemands, a été tondue, avant d’assassiner par jalousie un garçon de bonne famille ? Ou n’est-elle, au contraire, qu’une jeune fille libre qui revendique avant l’heure son émancipation et questionne la place des femmes au sein de la société ? Personne n’a jamais voulu écouter ce qu’elle avait à dire, elle que les soubresauts de l’Histoire ont pourtant broyée sans pitié.
Telle une enquête policière, La Petite Femelle retrace la quête obsessionnelle que Philippe Jaenada a menée pour rendre justice à Pauline Dubuisson en éclairant sa personnalité d’un nouveau jour. À son sujet, il a tout lu, tout écouté, soulevé toutes les pierres. Il nous livre ici un roman minutieux et passionnant, auquel, avec un sens de l’équilibre digne des meilleurs funambules, il parvient à greffer son humour irrésistible, son inimitable autodérision et ses cascades de digressions. Un récit palpitant, qui défie toutes les règles romanesques.
Même si je suis en retard sur mes chroniques, vous l’avez sans doute déjà deviné : Philippe Jaenada fait partie de mes plus belles découvertes littéraires de l’année 2024 ! Parce que je voulais connaître sa plume avant d’animer son grand entretien sur le salon du livre de Boulogne Billancourt en décembre dernier, je ne me suis pas contentée de son dernier titre – dont je ne vous ai pas encore parlé puisque je l’ai lu… En dernier ^^ – et me suis plongée dans sa bibliographie, un peu au hasard, au gré des livres que j’avais dans ma bibliothèque. J’ai donc commencé avec “La Serpe“, j’ai continué sur “Au printemps des monstres“… Et me voici prête à vous parler de ma rencontre avec “La petite femelle“…
“La petite femelle“, c’est Pauline Dubuisson. Une jeune femme dont j’ai d’abord croisé le nom dans mes précédentes lectures du Sieur Jaenada, lequel n’écrit pas tant des romans qu’une vaste fresque littéraire, ce qui rend son œuvre d’autant plus passionnante. C’est donc après être tombée sur elle à moult reprises que j’ai voulu faire plus ample connaissance avec elle à travers ces pages… Et une fois la dernière tournée, je comprends mieux pourquoi Philippe Jaenada s’y est tant attaché…
Plus qu’un auteur, Philippe Jaenada est un passionné. Aussi lorsqu’il s’intéresse à un sujet, il se documente comme personne, s’échine à dénicher le moindre élément, la moindre information, le plus infime détail pour comprendre. Comprendre et nous faire comprendre. S’il n’est pas enquêteur ni avocat, il a à cœur de réhabiliter, non pas pour dénoncer ni accuser, simplement pour mettre fin à une injustice. Pauline Dubuisson a tué un homme, oui. Mais elle a payé des pots cassés qui n’étaient pas les siens, subi les affres de l’Histoire et purgé double peine, fait les frais d’un lynchage qui n’était pas justifié.
C’est ainsi que l’on rencontre Pauline Dubuisson, dans toute son authenticité, dans toute sa sincérité, sous la plume de Philippe Jaenada. Fort d’un incroyable travail de recherche, l’auteur nous dresse d’abord le portrait qu’on a fait d’elle à l’époque du drame avant de lui apporter ses nuances et ses vérités. Dès lors ce n’est plus un monstre qui nous apparaît mais bien une femme, coupable mais aussi victime du sort qui s’est acharné. Le but ultime de Philippe Jaenada est là : Rappeler l’humanité qu’on a voulu annihiler.
Une humanité qu’on retrouve immanquablement chez l’auteur lui-même. Car le Roi de la digression a encore frappé et c’est avec plaisir et tendresse qu’on l’écoute plus qu’on ne le lit, tant sa plume nous donne l’impression qu’il nous conte une histoire autour d’un verre dans le bistrot des copains. Parce qu’il se confie, nous ouvre une part de son intimité, allège un propos aussi dense que sombre avec ses propres anecdotes. Ainsi on retiendra notamment la statistique de la saucisse et on savourera chacune de ces plus de 700 pages sans même voir le temps passer.
En bref, et au risque de me répéter, Philippe Jaenada est un écrivain et c’est incontestablement ça, son super pouvoir !