Chroniques 2025 \ Finistère d’Anne Berest

Le Syndrome de Pierre : “Finistère” d’Anne Berest, paru le 20 août 2025 aux éditions Albin Michel.

Le pitch : Anne Berest poursuit sa grande exploration des « transmissions invisibles » et ses interrogations autour de la trans-généalogie. De quoi hérite-t-on ?
« À chaque vacances, nous quittions notre banlieue pour la Bretagne, le pays de mon père, celui où il était né, ainsi que son père – et le père de son père, avant lui. Le voyage débutait gare Montparnasse, sous les fresques murales de Vasarely, leurs formes hexagonales répétitives, leurs motifs cinétiques, dont les couleurs saturées s’assombrissaient au fil du temps, et dont l’instabilité visuelle voulue par l’artiste, se transformait, année après année, en incertitude. »
Après La Carte Postale et Gabriële, Anne Berest déploie un nouveau chapitre de son oeuvre romanesque consacrée à l’exploration de son arbre généalogique : la branche bretonne, finistérienne, remontant à son arrière-grand-père. Ici, la petite et la grande Histoire ne cessent de s’entremêler, depuis la création des premières coopératives paysannes jusqu’à mai 68, en passant par l’Occupation allemande dans un village du Léon et la destruction de la ville de Brest.

Si je ne connais pas (encore) “Gabriële” dont il est question en quatrième de couverture, j’ai rencontré Anne Berest et sa plume avec “La Carte Postale“, qui fut l’un de mes coups de cœur de la rentrée littéraire en 2021. Il m’a donc paru évident de découvrir ce “Finistère” à l’annonce de sa parution, et je remercie vivement, non seulement les éditions Albin Michel qui m’ont permis de le lire en avant-première, mais également l’autrice pour son adorable dédicace.

Après s’être intéressée à la branche maternelle, Anne Berest poursuit l’exploration de son arbre généalogique en remontant jusqu’aux racines paternelles. L’histoire démarre en Bretagne et s’étend jusqu’à Paris et sa banlieue sur un siècle durant, à travers quatre générations jusqu’à l’autrice elle-même.
Dès lors, l’histoire et l’Histoire se mêlent et s’entremêlent tout au long du récit, et ce de la façon la plus romanesque qui soit, rendant cette lecture tout à la fois instructive et intéressante en plus d’être touchante et fascinante. Car cette famille d’intellectuels engagés prendra sans cesse part aux grands évènements qui ont jalonné leur époque. Dans le même temps, nous assistons à la mue familiale autant qu’à l’évolution de la société française, que ce soit sur le plan social, culturel, scientifique ou politique.
Si l’émotion ne s’est pas révélée aussi incarnée et prégnante qu’à travers “La Carte Postale“, on ressort particulièrement touché de ce livre, et par son autrice qui, à travers cette (en)quête transgénérationnelle, a sans doute cherché une voie pour accéder à la voix de son père dont elle a toujours cherché l’attention et l’approbation. On en ressent d’autant plus l’urgence à l’approche des mauvaises nouvelles et c’en est plus émouvant encore lorsque l’autrice se livre enfin elle-même, avec beaucoup de pudeur mais toute entière.
Parce qu’ici les silences et les non dits sont aussi importants et éloquents que les mots et les propos, la plume se révèle tout aussi juste que sensible, le style lumineux et ardent.

En bref, Anne Berest nous fait encore une belle démonstration de son talent avec cette (nouvelle) fresque familiale (et) historique au nom du Père. Je vais m’intéresser à “Gabriële” sans plus attendre.

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