Livres et vous ? Livrez-vous… Avec Tigran !

Mes petits Bookinautes adorés : Bien qu’ayant mis un terme à la folle aventure de la Gazette du Lecteur pour des contraintes de temps et des raisons de santé, j’avais toujours en tête de faire perdurer les interviews que je prenais tant de plaisir à réaliser… Aussi vous n’imaginez pas mon bonheur de revenir aujourd’hui vous proposer un nouvel entretien ! J’en suis d’autant plus ravie que celui-ci était prévu de longue date, seulement les aléas de la vie comme du quotidien ne nous ont pas permis, ni à l’auteur ni à moi-même, d’y parvenir avant l’heure d’hiver… Qu’à cela ne tienne, la lecture n’est pas un produit de consommation, elle doit pouvoir se savourer à tout instant, surtout quand elle possède autant de vertus que celle de Tigran !
Depuis que j’ai découvert sa plume en vue du salon du livre de Créteil l’an dernier, Tigran et ses contes initiatiques ont véritablement accompagnée mon existence, me permettant peu à peu de prendre du recul puis de me recentrer, pour me reconnecter à l’essentiel, et donc à moi-même. Dès lors il me tenait particulièrement à cœur de lui donner autrement la parole afin de partager avec vous tous les bienfaits que m’a procuré sa saga “Shaman“, bien au-delà des “52 paroles chamaniques” que je diffuse auprès de vous chaque semaine. Celui-ci a très gentiment accepté de répondre à mes petites questions indiscrètes, je vous invite donc à prendre part à “L’aventure mongole” puis à “L’aventure amérindienne” tandis que “L’aventure stellaire” ne fait que commencer : Belle rencontre et bonne lecture !

Quel auteur es-tu ? Peux-tu te présenter en quelques mots ?
D’abord musicien depuis l’enfance et chanteur classique après la mue, l‘écriture m’est tombée dessus à l’adolescence avec des poèmes pour commencer, puis des romans jeunesse vers l’âge de 20 ans, notamment “Jonathan et les secret des vignes” (Flammarion, 1996), le premier roman jeunesse initiatique autour des terroirs et de leurs savoirs.
En parallèle, j’étais aussi chef de chœur d’adultes ou de chorale d’enfants, surtout dans le répertoire sacré, et diplômé de musicologie en Sorbonne, avant de bifurquer vers l’acoustique et l’ethnomusicologie, fasciné par les rituels et cérémonies des peuples premiers, notamment chamaniques.
J’ai ensuite cofondé Mama Editions en 2000. Puis, après une pause d’une vingtaine d’années pour me consacrer, cette fois en tant qu’éditeur, à mes auteurs, en 2020 j’ai été rattrapé par la plume, « par surprise ». J’ai publié en 2022 et 2023 “Shaman“, une saga de contes initiatiques, soient deux trilogies, “L’Aventure mongole“, puis “L’Aventure amérindienne“.
Et enfin, en 2024, le septième volet intitulé “La Messagère des arbres“. C’est donc ici le premier tome de ma nouvelle trilogie, “L’Aventure stellaire“, dont les deux suivants paraitront en 2026. Ces livres sont également des récits autobiographiques, puisque ces romans chamaniques sont entrelacés de souvenirs d’expériences « non-ordinaires » allant de l’enfance à aujourd’hui, telles que des expériences spontanées mêlant clairaudience, clairevoyance, et sentiments d’extases.

Quel rapport entretiens-tu avec la lecture ? Tu as longtemps côtoyé le monde du livre avant de devenir auteur à ton tour : Qu’est-ce qui t’a poussé à prendre la plume pour nous embarquer dans la saga “Shaman” ?
Depuis trente ans mes lectures alternent entre les manuscrits d’auteurs extérieurs d’une part, français comme étrangers, et d’auteurs maison” d’autre part, que j’ai donc publiés chez Mama Editions de 2000 à aujourd’hui. En vingt-cinq ans, nous y avons publié plus de 150 titres, dont certains sont traduits dans une dizaine de langues. Dans ce contexte, le retour à l’écriture personnelle n’était ni prévu, ni négociable, en fait : l’urgence à écrire cette saga “Shaman” au fil de l’inspiration s’est imposée à moi comme une évidence, voire un retour aux sources.

Pourrais-tu, en préambule, nous définir ce qu’est le chamanisme, une expérience à laquelle tu nous inities avec finesse et didactisme ?
Comme l’écrit Lao Tseu en tête du Tao te king, “La voie qui peut être décrite n’est pas la voie“. Il en va de même pour le chamanisme, source de transformation, et qui se transforme lui-même. Mais pour faire simple, disons qu’il s’agit d’un ensemble de dons et de pratiques bien plus anciennes que les religions connues, et qui peuvent varier selon les cultures des peuples racines, tout en partageant des dénominateurs communs, comme l’a démontré l’anthropologue Michael Harner dans “La Voie du chamane“. Et que la chamane, (ou le curandero, ou la femme de pouvoir, ou l’homme médecine, peu importe l’étiquette), intercède auprès des esprits et des puissances des mondes invisibles, ce pour en rapporter des informations et des énergies qui vont concourir à réintroduire de l’harmonie, sur le plan physique et aussi sur le plan psychique de personnes dans le besoin. “Les” chamanismes, qu’ils soient d’Asie, des Amériques, d’Afrique ou d’ailleurs, nous ramènent aussi vers des connaissances et rituels encore plus anciens, avec l’animisme. Ces “techniques archaïques de l’extase”, comme le titrait Mircea Eliade, trouvent un écho avec des traditions et lignées des pays européens, et également de nos campagnes françaises. En effet, les guérisseurs, rebouteuses, barreurs de feu, sage-femmes et autres passeuses d’âme de nos propres cultures, opèrent parfois sur les mêmes plans subtils, invisibles en état de conscience ordinaire, mais inestimables lorsqu’il y a urgence à faire bouger les lignes grâce à des savoirs-faire et des arts non-conventionnels. (NDA : ces pratiques ne remplacent pas les conseils d’un professionnel de la santé).

Si la saga “Shaman” comprend désormais trois saisons, le pressentais-tu déjà au moment de démarrer l’aventure ?
Pas du tout : en commençant à écrire les premières pages de “La Quête“, je ne savais même pas qu’il s’agissait d’un premier tome et qu’un deuxième puis un troisième tome suivraient pour en faire cette première saison, “L’Aventure mongole“, donc elle-même suivie d’une deuxième saison, “L’Aventure amérindienne“, puis d’une troisième, “L’Aventure stellaire“. J’ai découvert cette cartographie sans aucun plan préliminaire, chemin faisant, soit un pas à la fois et au fil de l’écriture.

Une aventure que tu as d’abord choisi d’installer en Mongolie : Saurais-tu nous expliquer pourquoi ?
En toute humilité, non, car moi-même je l’ignore et je n’estime pas l’avoir choisi. Je peux cependant exprimer les sentiments de reconnaissance et de familiarité qui m’ont habité dès lors que les noms de personnages mongols m’ont traversé l’esprit, et que les visions de paysages de steppes ou de peuples vivant à la lisère de la Mongolie et de la Sibérie me sont apparues en images intérieures. En effet, je me sentais de retour à la maison, pas celle où l’on habite matériellement, mais celle que l’on porte en soi spirituellement, dans son âme et dans son cœur. Et cela était tout aussi vrai avec les images d’animaux qui s’imposaient à moi : le renne, le cheval sauvage, le loup, le lynx, l’aigle, le yack… sans parler de certains motifs ethniques et autres symboles ésotériques que l’on peut retrouver notamment à l’intérieur des rabats de chacun de mes contes initiatiques, ou encore en couverture des “52 Paroles chamaniques” (extraits illustrés de L’Aventure mongole), et des “42 Oracles chamaniques” (extraits illustrés de L’Aventure amérindienne).

Si nous y croisons un très grand nombre de personnages, parmi lesquels la très inspirante Otharjanat, nous faisons d’abord la connaissance de Tangri qui sera notre narrateur au fil des tomes nous contant cette fabuleuse quête initiatique. Que dirais-tu pour le décrire et le présenter ? Quel part y a-t-il de toi dans ce personnage ?
Si ce qui m’est arrivé en une trentaine d’années dans la « vraie vie » est transposé ici en un an en Mongolie, puis deux ans en Arizona, en revanche toutes les parties autobiographiques respectent précisément les dates, les lieux, et mêmes les noms des personnes concernées avec qui j’ai vécu ces différentes expériences, de la petite enfance à aujourd’hui. C’est donc une écriture à deux voix, celle du récit vécu retransmis tel quel, et celle du conte qui condense et simplifie une trentaine d’années d’expériences traversées sur divers continents et ici mises à la portée de tous, que l’on y ait été, ou pas, initié.

Un narrateur que tu as ensuite choisi d’envoyer en Arizona pour nous permettre de faire plus ample connaissance avec Hilga, sa compagne, qui se révélera, à nous comme à elle-même. En quoi ce voyage à travers le(s) monde(s) s’avérait-il nécessaire à tes yeux ?
Après le chamanisme du froid, du tambour et de la Mongolie, ce chamanisme du chaud, du désert et des Amérindiens m’a permis de toucher d’autres animaux de pouvoir, transmissions et visions. Cet ensemble est sans doute plus féminin et complète les premières années d’initiation par de nouvelles épreuves qui se sont révélées tout autant initiatiques, et liées à d’autres plans spirituels, et d’autres pratiques.

De retour cette année avec un septième opus, “L’aventure stellaire” nous permet de retrouver Tangri et Hilga… Mais c’est avec leur fille Seta, ainsi que l’égyptien Yassin que l’on explore de nouveaux horizons, de nouvelles dimensions, deux cultures qui se mêlent et s’entremêlent jusqu’aux étoiles pour mieux nous enrichir et nous éclairer. Comment ces deux-là se sont-ils invités dans ton imaginaire et comment t’est venue cette idée ?
Sincèrement, ils me sont tombés dessus comme une évidence qui ne relève donc pas d’un projet de ma part, mais plutôt d’une suite naturelle dont la logique m’échappe tant que je ne suis pas arrivé au bout du processus créatif. Il y a donc une part de mystère qui demeure dans la manière dont tout ceci s’orchestre de l’autre côté du voile, et que je devine chemin faisant, au fil de la trame que je découvre grâce à une écriture que je reçois plus que je ne l’invente — même si les parties autobiographiques, elles, viennent bien sûr plus directement de mon propre vécu.

Illustrations de Yu Zhao - 52 paroles chamaniques
Illustrations de Philippe Fourquet - 42 oracles chamaniques

Au-delà de cette quête initiatique qui perdure et se poursuit à travers le temps, l’espace et les civilisations, ce nouvel ouvrage nous offre également un enseignement tout à la fois intemporel et d’une captivante modernité, précieux pour notre propre avenir. En avais-tu seulement conscience ? Penses-tu pouvoir aussi éveiller les consciences en ce sens ?
J’en ai pris conscience au fil de l’eau, ou plutôt de la plume, et c’est pour moi une expérience d’une certaine grâce pour laquelle je ressens une gratitude infinie, et un respect sacré. Si cela contribue, comme je le lis dans les retours de mon lectorat, à réveiller la flamme et ouvrir des portes en chacune et chacun, alors j’en suis d’autant plus touché, car il y a là des dimensions spirituelles mais aussi pratiques qui me paraissent importantes à l’heure de nécessaires prises de conscience, et aussi de certaines urgences, qu’il s’agisse de posture individuelle, de considération du règne animal, ou encore de relation à la terre, pour ne pas dire la Terre, la Pachamama, comme on l’appelle parfois.

Si la troisième saison nous dévoile peu à peu les trois tomes qui la composent, sais-tu déjà si elle sera suivie d’une quatrième ? De quoi seront faites tes prochaines aventures livresques ?
Pour ceci, je m’en rends à l’inspiration et “la voix des esprits“, mais je pressens peut-être que cette troisième trilogie bouclera un cycle complet avec ses huitième et neuvième tomes, “Les Eaux sacrées“, et enfin “Les Fleurs d’étoiles“. Quant aux prochaines aventures livresques, au moins deux projets prennent forme : d’abord un roman qu’on pourrait qualifier d’autofiction, car il marie ma vie avec certaines parties davantage romancées, pour en livrer un sens au-delà des apparences et qui n’émerge qu’avec le recul, utilisant parfois certaines transpositions qui permettent d’aller plus directement à l’essentiel. Et ensuite une sorte de longue lettre, encore en gestation, sans personnages ni lieux, pour transmettre certaines perceptions et visions en sortant d’une trame narrative plus classique pour s’adresser à autrui comme l’on écrirait à sa meilleure amie.

Illustrations de Yu Zhao - 52 paroles chamaniques
Illustrations de Philippe Fourquet - 42 oracles chamaniques

Un petit mot pour la fin ?
Un grand merci à toi et aux lectrices et lecteurs de l’excellent blog “Des livres et moi” !

C’est moi qui te remercie, cher Tigran, pour ce moment de lecture qui, à l’instar de tes écrits, se révèle aussi inspirant que rassérénant. A présent, chers amis, je vous invite à plonger sans délai dans la lecture de ses ouvrages, tous publiés chez Mama éditions : Vous vous y retrouverez, à n’en point douter ! Quant à moi, je prolongerai cette fabuleuse expérience avec vous en diffusant peu à peu les “42 oracles chamaniques” l’an prochain, dans l’attente de des deux tomes complétant “L’aventure stellaire” !

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