Les bons chapitres… Avec les Louves du Polar pour leurs “Dérapages” !

Mes petits Bookinautes adorés : Pas de répit pour les passionnés ! Parce que l’été et ses congés permettent de bouquiner plus encore qu’à l’accoutumée, c’est la saison idéale pour partir à l’aventure et faire de belles découvertes… Aussi je vous invite à la rencontre des Louves du Polar ! Multipliant les actions pour mettre en lumière les autrices de littérature noire, ce collectif solidaire, créé il y a trois ans, a publié ses “Dérapages” en juin dernier, un recueil regroupant 19 nouvelles toutes plus sombres et palpitantes les unes que les autres ! Ne perdant jamais une occasion de soutenir ces belles plumes du polar francophone, je les ai sollicitées pour une petite interview, et c’est avec un immense plaisir que j’ai vu Marlène Charine et Agathe Portail représenter la Meute et se soumettre à mon petit interrogatoire livresque ! Je les en remercie très chaleureusement et leur laisse à présent sortir du bois afin qu’elles vous content leur(s) histoire(s) : Belle rencontre et bonne lecture !

Pourriez-vous nous présenter le collectif des Louves du Polar, ses membres et sa genèse ?
Agathe : Le collectif Les Louves du Polar est né en septembre 2022 d’un constat : alors que les femmes francophones représentent entre 35 à 45% des parutions annuelles dans la catégorie polar, elles sont bien peu nombreuses à figurer dans les « Top des ventes » ou les sélections des « meilleurs polars » paraissant dans la presse. Ce manque de visibilité était produit par un cercle vicieux : n’étant que peu visibles dans la presse, les libraires ne pensaient pas à les mettre sur les tables, donc les lecteurs ne les trouvaient pas à portée de main, et les ventes ne pouvaient pas décoller, ce qui ne poussait pas les éditeurs à investir en publicité, et le manque de visibilité s’entretenait lui-même. Pour y remédier, une poignée d’autrices s’est fédérée pour proposer une première action collective à toute autrice pouvant et souhaitant y joindre sa voix, à travers une vidéo « choc » portant les valeurs de ce collectif en devenir : oui, les femmes savent écrire de bons polars. Elles s’entraident, refusent d’organiser une guerre des sexes, et mènent des actions concrètes. Le résultat : un engouement immédiat pour ce ton décalé, humoristique, engagé sans être vindicatif, et le début d’une aventure humaine qui fédère aujourd’hui une trentaine d’autrices engagées au service de la visibilité de toutes les femmes francophones du polar.

Depuis votre création, vous multipliez les actions pour faire entendre votre voix, et bénéficiez de nombreux soutiens, notamment en librairie : Que pouvez-vous nous en dire ?
Agathe : Pour porter à la connaissance des lecteurs la richesse de la production des autrices de polar, il était indispensable de s’appuyer sur les premiers prescripteurs : les libraires. Dès la création du collectif, une cinquantaine de libraires indépendants ont accepté de jouer le jeu : composer une vitrine de polars écrits par des autrices francophones. En soutien, les Louves fournissaient à leur frais un kit de communication complet : affiches, marque-pages, catalogue de parutions. La semaine des Louves était née. Au printemps 2025, grâce au travail acharné d’un groupe de Louves piloté par Rosalie Lowie, ce sont plus de 200 libraires qui se sont engagés pour le Mois des Louves, avec l’appui de sponsors.
Tout au long de l’année, des librairies indépendantes comme de grandes enseignes telles que Cultura, Gibert Joseph ou Maison de la Presse organisent des événements autour du polar féminin francophone. Une fois le constat partagé de ce manque de visibilité des femmes francophones, chaque acteur a pris le sujet à bras le corps pour que les lecteurs aient accès à cette grande richesse éditoriale. De leur aveu, les libraires ont fait de très belles découvertes parmi tous ces titres qui passaient bien souvent sous les radars.

Parmi vos nombreuses actions, un recueil de nouvelles, publié en juin aux éditions Pocket : Comment est né ce projet ?
Marlène : Sur ce sujet, je plaide coupable ! 😉 Les nouvelles sont mon péché mignon. Ayant publié une vingtaine de textes et dirigé une anthologie en Suisse par le passé, je possède une certaine expérience avec ce format. L’envie de créer un recueil en compagnie des Louves m’est venue dès les premiers jours du collectif. Il aurait été tellement dommage de ne pas profiter d’autant de belles plumes ! L’idée a gentiment mûri, puis, après avoir fixé les règles du jeu en petit comité, un appel à textes a été lancé à toute la meute. L’enthousiasme pour ce projet a été immédiat, et il s’est concrétisé par la parution de « Dérapages » aux éditions Pocket. Quelle incroyable aventure, et quel plaisir d’avoir pu travailler avec ces autrices talentueuses !

“Dérapages”… Un titre mystérieux, mais aussi et surtout un thème particulièrement intriguant, et pas si facile à appréhender… D’où vous est venue cette idée ?
Marlène : Si je me souviens bien, c’est Céline Denjean qui l’a proposé lors de notre brainstorming initial. Ce thème nous a beaucoup plu. Il symbolise le moment où tout bascule dans un récit, et nous connaissons toutes l’importance des twists dans un bon roman. Un dérapage peut être contrôlé ou non, voulu ou non… Ce terme permet d’imaginer mille histoires dans toutes les nuances du noir. Il a en tout cas inspiré 19 autrices du collectif. Compte tenu de nos emplois du temps très remplis, c’est un bel engouement.

Y avait-il des règles et/ou modalités à respecter ? Quelles étaient les contraintes et/ou les limites imposées aux autrices ? Plus largement, comment chacune a abordé puis travaillé sur cette expérience ?
Marlène : Pas de contrainte, mais une date butoir et un simple cadre : les textes devaient répondre à une exigence de taille et coller à la thématique. Les participantes ont ensuite travaillé en solo, selon leurs méthodes. Les textes me sont parvenus petit à petit, et c’était toujours un régal de les découvrir. La belle diversité du collectif se reflète dans ce recueil, puisque chacune des autrices s’est approprié le thème pour l’intégrer dans son imaginaire, son univers. Les histoires qui le composent sont très différentes, même si elles font toutes partie du registre du noir.

A travers 19 nouvelles, autant d’autrices nous livrent une belle démonstration de leur talent de façon bien différente : Vous êtes vous lues entre vous ? Aviez-vous conscience de votre richesse et de votre diversité ?
Marlène : Notre diversité est une de nos forces, absolument ! Les romans des autrices du collectif vont du cosy crime au thriller trash en passant par le noir. Cela se démontre également dans les nouvelles du recueil, très variées. On rit franchement sur certaines, on grince des dents ou on tremble sur d’autres.
J’ai proposé aux autrices qui le souhaitaient de retravailler leur texte avec elles ; une sorte de pré-travail éditorial. D’autres se sont relues entre elles ou ont fait appel à leurs canaux habituels.
Un détail doit être mentionné : lorsque j’ai envoyé le recueil à Angélique Joyau, notre éditrice chez Pocket, je n’ai spécifié que les titres des nouvelles… aucun nom. Je tenais à ce que sa première lecture ne soit pas influencée par le nom des autrices. À mon sens, chacune d’entre nous méritait de faire partie de l’aventure, qu’elle soit plus ou moins connue. Le verdict a été sans appel : c’est avec enthousiasme qu’Angélique a validé les 19 textes présentés. Une belle reconnaissance pour ce travail collectif et pour le talent de chacune !

Certaines d’entre vous sont habituées à l’exercice, d’autres ont relevé le défi pour cette aventure : En quoi l’écriture d’une nouvelle se révèle-t-elle différente et autrement exigeante que l’écriture d’un roman ?
Marlène : Tout comme pour un roman, une nouvelle doit avoir un univers cohérent, des personnages bien campés et surtout, une fin solide. Mais le format court impose certaines contraintes : il faut condenser son histoire, ne pas s’éparpiller ou se perdre dans des éléments inutiles. Personnellement, je vois les nouvelles comme un formidable terrain de jeu. On peut tester mille choses dans la narration, le style, les genres… C’est un très bon exercice !

Un recueil solidaire publié aux éditions Pocket, dont les bénéfices sont reversés à l’association “Cop1 – Solidarités étudiantes” : Pourquoi avoir choisi cette dernière ?
Marlène : L’objectif des Louves est de soutenir toutes les autrices de polar : la solidarité fait donc partie de notre ADN. Il a semblé logique que les bénéfices de ce recueil, qui a pour première vocation de faire découvrir la diversité des voix du polar féminin francophone, soient reversés à une association en phase avec nos valeurs. Nous avons cherché une association qui cultive ce même esprit d’entraide, et nous l’avons trouvée dans les actions de Cop1. Cette association travaille à lutter contre la précarité étudiante. Or, l’accès aux études supérieures est une problématique qui nous concerne toutes et tous, sans distinction de sexe ou d’origine sociale. Cop1 œuvre à plusieurs niveaux : aide alimentaire, activités sociales, accès à la culture, au sport, au droit… Leur équipe est très sympathique et nous sommes ravies de pouvoir leur donner un coup de pouce à notre façon.

Après ces trois années d’actions et d’activités, quel bilan et quelles leçons en retirez-vous ?
Agathe : Il est encourageant de percevoir les fruits concrets de toute cette belle énergie collective dépensée. Les organisateurs de salon, déjà pour la plupart attentif à équilibrer leur plateau d’invités, sont aujourd’hui beaucoup plus sensibles à donner la parole aux autrices en table ronde sur des sujets qui dépassent la question de la féminité. Les sélections de prix littéraires sont aussi le reflet de cette prise de conscience et nous nous réjouissons de voir de nombreuses autrices sélectionnées et lauréates de prix prestigieux dans l’univers du polar. Ainsi, entre autres, Céline Denjean a remporté le Prix des libraires U, Angélina Delcroix le Prix Cognac du roman noir, Gabrielle Massat le Prix Polar +, Johanna Gustawsson le Prix Maison de la Presse… La presse commence à s’emparer du sujet de cette disparité de visibilité, à travers la parole des Louves ou non. « Les Louves du polar » est devenu une marque, un label de qualité dont les éditeurs sont aujourd’hui heureux de faire mention lors des sorties de leurs autrices. C’est tout à fait encourageant.
Aujourd’hui, le collectif s’appuie sur une association, ce qui permet de rechercher les soutiens financiers nécessaires pour maintenir et élargir des actions dont le financement reposait jusqu’alors uniquement sur l’autofinancement. Que les entreprises et collectivités qui nous lisent n’hésitent pas à se rapprocher du collectif !

Plus largement, quels sont désormais les projets littéraires des Louves ?
Marlène : Ils sont nombreux ! À titre individuel, plusieurs d’entre nous auront des parutions cet automne ou en début d’année prochaine. Mais nous continuons bien entendu également de travailler sur des projets communs, afin que le collectif réponde toujours plus efficacement à sa mission de faire connaître le plus grand nombre de plumes féminines du polar francophone.
Quant à un nouveau projet dans la lignée du premier recueil publié chez Pocket, l’idée fait son chemin. Ses contours sont encore à définir. Que les lecteurs prennent déjà le temps de déguster nos « Dérapages » !

Un immense merci à Marlène et Agathe pour ce superbe entretien, ainsi qu’à l’ensemble des Louves du Polar qui nous régalent de leur talent à travers leurs nouvelles et leurs romans ! Si vous n’avez pas encore découvert la plume de ces formidables autrices, profitez des vacances pour vous rattraper… Vous allez vite les adopter !

Laisser un commentaire