Chroniques 2017 Après.com de Henri Gé

Une chronique un peu particulière pour un roman qui prend aux tripes : “Après.com” de Henri Gé… Alias Henri Duboc.
 
Le pitch : Jeune médecin cancérologue, chaque jour confronté à la mort de ses patients atteints de pathologies le plus souvent irréversibles, Gabriel se laisse peu à peu gagner par une idée… Une idée qui germe dans son esprit et finit par l’obséder… Celle d’un site Internet qui, à l’heure du tout numérique, conserverait le souvenir de nos défunts… Une trace de son passage sur Terre laissée par le mort à l’attention des vivants… Pareil projet est ambitieux et se doit d’être pensé, réfléchi, anticipé et modéré… Pour autant, dans sa tête, Gabriel fonde déjà le site Memoriam…
 
Et c’est là qu’on ne rigole plus…Quand Henri Duboc, auteur de ce roman qu’il a publié aux éditions Velours sous couvert d’un pseudo, m’en offrait un exemplaire, lui et moi savions pertinemment que celui-ci n’était plus disponible à la vente… Enfin si : D’occasion à 45 euros sur Amazon, et à 500 euros sur Fnac.com… Enjoy ! Alors je pourrais me dire que je m’en fous, puisque vous ne pourrez pas vérifier, j’en raconte ce que je veux et je laisse bien vite tomber… L’auteur lui-même me le confiait sans attente aucune… Mais non, et c’est un non ferme, un non clamé haut et fort à la face du monde : Ce roman ne DOIT PAS tomber aux oubliettes, il ne le mérite pas. Il mérite cette chronique, et bien plus d’ailleurs ! Alors je sais par avance que je ne serai pas à la hauteur, mais je ne lâcherai rien…
 
Je devrais pourtant en vouloir un peu à l’auteur… Je me rappelle encore l’entendre m’avouer… Presque s’excuser même du fait que, s’agissant de son tout premier roman, il est loin d’être parfait et souffre de malheureuses erreurs de jeunesse… Des erreurs de jeunesse… Je t’en foutrais moi ! Tu m’en paieras d’autres, des erreurs de jeunesse pareilles ! Dans l’insouciance et l’euphorie de mes congés, je ne me suis pas méfiée et l’ai innocemment emportée pour me tenir compagnie durant le trajet me conduisant à Berlin… Et “l’erreur de jeunesse” m’a tellement chamboulée que, si vous m’aviez croisée, vous m’auriez vue les yeux rougis en train de moucher, tentant de paraître digne lorsque l’hôtesse passait mais bouleversée par ma lecture… Merci, Henri… Erreurs de jeunesse, mon c**…
 
Paru en 2012, ce roman pose donc les bases de sa trilogie “Dieu 2.0“, qui verrait le jour quelques années plus tard aux éditions Lajouanie, et dont nous sommes d’ailleurs dans l’attente du dernier tome (Coucou Henri… Je dis ça… Je ne dis rien… Mais… J’ATTENDS, hein…) Mais si la trilogie prend place dans un futur… Pas si futuriste qu’on pourrait le penser, le roman qui nous intéresse aujourd’hui ancre son action en 2009…
Alors bien sûr on y retrouve, avec grand plaisir d’ailleurs, notre très cher Gabriel… Seulement en 2009, il n’est pas encore le fondateur de Memoriam, il n’est pas encore le Croque-Monde… Il n’est pas le vieux bonhomme bienveillant qu’on connaît pourtant si bien, non… En 2009, Gabriel vient de franchir le cap de la trentaine et exerce en qualité de cancérologue… C’est un médecin oui, comme Henri… Dès lors le voile séparant la fiction qu’on lit de la réalité qu’on vit tend à se déchirer, les visages de Gabriel et de Henri à se mélanger… Lui offrant par là un regain d’humanité le rapprochant davantage encore de nous.
Fort de son expérience en la matière, l’auteur nous entraîne ainsi dans son univers parfois cruel qu’est le monde médical, nous dévoilant la dure réalité que représente son métier… Le courage dont il faut s’armer pour faire accepter l’inacceptable aux malades et à leur famille… L’armure dont il faut se blinder pour faire la part des choses, ne pas pleurer, ne pas s’effondrer lorsque la maladie vient à triompher sans gloire et emporter l’un des patients auxquels on ne doit surtout pas s’attacher… C’est dans ces moments-là qu’on reconnaît bien Henri… Certains des propos tenus par Gabriel sont les siens… Je le sais pour les avoir moi-même entendus de sa bouche…
De là mon petit coeur a basculé… Percevant bien vite le vécu qui transpire de ces chapitres qui s’enchaînent sous mes yeux subjugués, on a parfois l’impression d’être face à un témoignage plutôt qu’un roman… D’anticipation il n’en est finalement rien alors, tant on se laisse inévitablement rattraper par la réalité… On ne lit plus cette intrigue, on la vit, de façon pleine et entière sans que la moindre barrière ne vienne nous protéger des évènements qui pourraient survenir… Alors on n’a plus qu’une envie, c’est de ne plus retenir nos larmes quand on croise la jeune fille du service hématologie (2247, un chiffre qu’on finira par retenir, l’air de rien…) transférée dans la chambre 43 et dont on ne connaîtra jamais le prénom tandis qu’elle n’a pas vu la fin de son émission… Quand on croise MM. Carret et Vallot, voisins de chambre qui ne cessent de papoter et auxquels on s’attache, bravant dès lors l’interdit… On ne peut retenir son chagrin tandis que les pages filent et défilent inexorablement vers cette fin qui achèvera de me bouleverser tout en annonçant le commencement d’une nouvelle aventure…
Fort de cette intrigue particulièrement originale et riche en émotions, l’auteur ne s’arrête pas en si bon chemin… Non, car il s’agit bien de fonder les bases du projet Memoriam, l’avez-vous oublié ? Dès lors ce bouquin vient à poser des questions fort intéressantes, peser le pour et le contre d’un tel projet, certes périlleux mais pas si fou qu’il n’y paraît, et sans doute pas si lointain qu’on ne pourrait le penser… Et là encore on se laisse vite rattraper par la réalité… On envisage l’idée dans toute son envergure, sous toutes ses coutures, on mesure ses enjeux, ses conséquences aussi… Finalement on en vient à réfléchir et mûrir le projet tout comme Gabriel… Non : Avec Gabriel, depuis lors devenu un bon ami…
Un ami aux côtés duquel je suis souvent passée des rires aux larmes… De sa plume si belle, l’auteur est en effet parvenu à allier gravité et légèreté, drame et humour avec brio, tant et si bien qu’il vous fait vivre plutôt que lire cette captivante histoire au gré des réflexions et conversations de nos protagonistes auxquels on s’attache inévitablement…
Et une fois qu’on quitte ce livre si bien pensé à l’heure où le numérique prend de plus en plus de place dans notre quotidien, on en vient à se demander si le site Memoriam n’existe pas déjà… Ce n’était qu’une histoire…? Fichtre, j’y ai pourtant cru, moi… 
 
En bref… Je te rassure Henri… Bien que maladroit peut-être, le talent : Tu l’avais déjà… J’appelle d’ailleurs M. Lajouanie himself à se plonger dans ce livre… Une préquelle à la Trilogie… Vous voyez où je veux en venir…?

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